Comment un salarié, « trader » opérant seul, a-t-il pu frauder sur des montants colossaux, conduisant la Société Générale à perdre 5 milliards d’euros sur les marchés financiers, soit l’équivalent d’une année de résultat ? Comment personne n’a-t-il pu rien voir pendant des mois ? La Société Générale explique que les opérations à risques (« les positions ») étaient masquées par des transactions fictives. Quant on connait le dispositif de contrôle interne exigé par les autorités de tutelle, cette sortie apparaît fumeuse, à moins d’une défaillance majeure et de très grande ampleur de l’organisation de la surveillance. Pourtant la Société Générale n’aurait « débarqué » que 4 ou 5 personnes, dans la ligne hiérarchique. Analysons donc cette affaire pour en observer les incohérences !
Le Code Monétaire et Financier impose aux banques d’organiser un dispositif de contrôle interne. Cette obligation est ensuite précisée par la règlementation définie par les autorités de tutelle, notamment dans le célèbre (du moins pour les banquiers) CRBF 97-02. Ce contrôle interne s’organise autour de 3 piliers qui sont : le contrôle permanent, qui relève de la hiérarchie des opérateurs ; la mesure et la surveillance des « risques » qui exige de la banque d’être en mesure de tout chiffrer et de calculer les résultats de ses opérations, à tout instant ; et enfin, le contrôle périodique qui est le « contrôle des contrôles ». Ce dernier rôle est imparti à une unité souvent appelée « Inspection Générale ». Des principes prudentiels doivent également être respectés, pour identifier immédiatement tout « dérapage ». Ainsi, ceux qui contrôlent ne sont pas ceux qui exécutent les tâches à contrôler.
Appliquons ces règles à l’activité d’un trader (un « négociateur » intervenant dans les transactions de produits financiers). Dans le cas de la Société Générale, il semble que l’opérateur impliqué avait pour fonction d’acheter des « futures » pour des couvertures, c’est à dire d’effectuer des achats ou des ventes de produits quelques peu complexesi consistant à prendre aujourd’hui un engagement sur une échéance à venir. Il faudra qu’un jour, je rédige un billet sur ce thème, abscons pour un grand nombre (et il y a de quoi). Prenons simplement un exemple : je possède des actions A ; j’envisage de les vendre dans 6 mois. Le risque est qu’elles perdent de la valeur. Aussi, je peux me garantir un prix en les vendant dès aujourd’hui sur un marché à terme pour une échéance en juillet. C’est une opération de couverture, c’est à dire que le risque de perte de valeur du portefeuille est couvert par une opération financière visant à le contrecarrer. Toutefois, dans l’opération qui est faite ainsi, le prix pour juillet est désormais fixé. Je me prive donc de pouvoir bénéficier d’une éventuelle envolée à venir des cours de l’action A. Qu’à cela ne tienne : je vais acheter (moyennant le paiement d’une « prime ») une « option de vente » qui me donne la possibilité de vendre mes actions à un prix convenu, possibilité que je peux ne pas exercer. Ainsi, si le prix de l’action baisse, j’exerce mon option au prix fixé à l’avance ; si le prix monte au delà, je renonce à exercer mon option, perd ma prime mais gagne le supplément de valeur de mon portefeuille.
Représentons nous maintenant un trader dans une « salle des marchés ». L’application des règles du contrôle interne veut qu’il existe un montant maximal qu’il puisse passer pour une même transaction ; de même, il doit exister des « systèmes de limites », c’est à dire notamment des montants maxima par contrepartie (celui avec qui on passe contrat), par nature d’instrument, par zone géographique etc. Dès que le trader a effectué l’opération, un service, en principe proche mais qui ne dépend pas de lui, le « middle office », est informé de façon automatique et vérifie le respect des règles, puis donne son aval. Pour que la transaction soit validée, la contrepartie transmet une demande de confirmation qui reprend les caractéristiques de la transaction (nature, montant, durée, taux …) au « back office », unité totalement indépendante des précédents. Ce dernier vérifie leur exactitude, contrôle à nouveau le respect des règles (limites) et s’agissant d’opérations de couverture, vérifie l’adéquation de la transaction avec l’actif couvert et, au besoin, s’assure qu’elle s’inscrit dans les choix stratégiques arrêtés par les responsables ; ce n’est qu’une fois reconnue la conformité que la confirmation est envoyée ; enfin, ce même back office – ou parfois un « contrôleur des risques » – va calculer, quotidiennement selon la réglementation, le résultat des « positions » prises, c’est à dire va déterminer quelles sont les opérations perdantes et les opérations gagnantes. Par ailleurs, les opérations sur futures s’effectuant le plus souvent sur des marchés organisés (c’est à dire répondant à des règles précises s’appliquant à tous les intervenants, par opposition au « gré à gré » où seules les parties conviennent de la façon dont se règleront les transactions), les positions perdantes donnent lieu à des « appels de marge », c’est à dire que, pour être certain qu’un opérateur puisse honorer ses engagements, on lui demande d’avancer les fonds correspondant à sa perte probable. Ces appels de marge sont au moins connus de la comptabilité.
Imaginons un trader qui se livre à des transactions douteuses. Il faudrait que le middle-office ne constate rien d’anormal. Soit, admettons : la Société Générale précise que les positions prises été « annulées » par des positions fictives. Dans ce cas, il est peut être possible « d’enfumer » le middle-office qui n’a pas forcement tous les outils pour démêler le vrai du faux. En revanche, le back-office ne prend en compte que les demandes de confirmation des contreparties ; dès lors, on ne voit pas comment il peut intégrer des opérations fictives ; d’autant que celles ci doivent ressortir lors du rapprochement avec les opérations enregistrées par le middle-office ; enfin, le calcul des résultats des positions aurait du faire ressortir les pertes, lesquelles devaient conduire à des appels de marge considérables … N’oublions pas que les positions prises par le trader incriminé auraient pu atteindre 50 milliards d’€ – moitié plus que les fonds propres de la banque -. Et tout cela, sans qu’aucune des unités intervenant dans le processus ne nourrisse le moindre doute ?
Alors ? Soit le trader incriminé a disposé d’un vaste réseau de complicité à tous les postes du contrôle, soit ce dernier s’est montré totalement défaillant, et ce sur une grande échelle ! Ce sont notamment des « accidents » (à 5 milliards, quand même) qui se produisent quand les fonctions commerciales l’emportent trop largement sur les fonctions de contrôle. Difficile de trancher ici, faute d’informations … Chose tout autant étrange, c’est la vitesse – pour ne pas dire la précipitation – avec laquelle les responsables de la Société Générale se sont défaits des positions « anormales ». Avec quelques dizaines de milliards de transactions, pensaient ils que le marché allait tout absorber sans perturbation ?
Accessoirement, le geste du PDG qui renonce à 6 mois de salaire frise le ridicule ! S’il veut vraiment tirer les conséquences de cette « fraude », il doit simplement se souvenir que règlementairement, en qualité de patron de la banque, il est aussi patron de son contrôle interne.
@ Jean-Louis SOULARUE
dommage que vous quittiez le "débat"… comme je vous le disais le 2 février
…"votre billet me semble le plus sensé ……"et la réponse de AB Galiani un peu "rapide" …
votre (notre) "bon sens est le seul valable"…. les jargons en "n dimensions" …
… ne sont que des diversions "mathématiques"… qui perdent même leurs auteurs …
l’affaire de la SG est une ESCROQUERIE a grande échelle ou JK n’est qu’un bouc émissaire commode… pour divertir notre attention d’autre scandales plus "gênants" comme
l’augmentation faramineuse de la dette qui profite aux banques qui gèrent la dette… cqfd
allez sur: -www.rue89.com/2008/02/02/…
A m.a.
m.a., puisque vous ramenez sur le sujet… Il me semble un peu costaud de reprocher aux banques de financer l’Etat, quand c’est d’abord l’Etat qui est incapable de réduire son déficit …
Mais de plus, vous vous trompez de cible : les banques financent aujourd’hui 7% de la dette (contre 14% en 2003) ; les compagnies d’assurance (qui gerent l’épargne de leurs clients) : 24 % de la dette de l’Etat contre 32 % en 2003. Le reste, c’est pour l’essentiel l’étranger …
Bonjour voila g un devoir a faire sur ce sujet et je voudrais savoir qu’elle sont les conséquence du trader de la société générale sur l’organisation?svp si kelkun pouvé me répondre ce seré tré gentil de votre part merci
A Soraya,
Voilà une idée originale : demander de l’aide sur le blog pour un devoir.
A mon sens, si vous lisez mon autre billet, celui qui a été mis sur le blog dimanche, vous aurez déjà des idées : regardez tous les points faibles évoqués (les services de controle, l’informatique, la comptabilité …).