Dans le cadre de notre promenade, je vous propose, aujourd’hui, de découvrir la rue Saint-Blaise.
10 – Rue Saint-Blaise
« Probablement apparue vers le IVe siècle avec la naissance d’Alençon, située sur une partie du vieux chemin qui menait aux villes de Sées et de Paris, la rue Saint-Blaise relie aujourd’hui le carrefour de la Grande-Rue, du cours Clemenceau et de la rue Cazault à la place De-Gaulle.
Orthographiée sous la forme Sainct-Blays en 1596, elle tire son nom d’une chapelle, succursale de l’église Notre-Dame et dédiée à ce saint, à laquelle cette rue conduisait. Attestée en 1348, la chapelle a été démolie en 1821 pour permettre l’aménagement du Champ-de-Foire ; elle avait auparavant servi de poudrière et fut donnée à la Ville par Napoléon Ier en vertu du décret du 3 août 1810. L’existence du cimetière Saint-Blaise qui jouxtait la chapelle est attestée en 1598.
Blaise est né en Arménie au IVe siècle. Evêque de Sébaste et médecin, il aurait été condamné en 316 à la décapitation et son corps dépecé avec des peignes de fer semblables à ceux des cardeurs. Il est vénéré au Moyen Âge comme le patron des laboureurs, des peigneurs de chanvre et de laine, protecteur des troupeaux et guérisseur des maux de gorge et des morsures de serpent. Il est souvent représenté avec ses attributs, des chandelles entrecroisées, qui rappellent la légende selon laquelle une femme dont il avait sauvé le fils vint lui apporter des bougies dans sa prison.
De 1775 à 1823, la foire aux chevaux, dite de la Chandeleur, se tenait au début du mois de février sur le cours Clemenceau ainsi que sur la place Poulet-Malassis et dans la rue Saint-Blaise jusqu’à celle des Marcheries. Elle a été transférée au Champ-de-Foire en 1824.
Pendant la Révolution, le 27 septembre 1794, le conseil général de la commune d’Alençon arrête que les noms des rues qui retracent la royauté et le fanatisme seront changés au profit des grandes idées. C’est ainsi que la rue Saint-Blaise est appelée rue de la Montagne. Les Montagnards étaient des républicains, partisans d’une démocratie centralisée, qui seraient aujourd’hui d’extrême gauche. Leur nom est tiré du fait qu’ils étaient assis à l’endroit le plus élevé des gradins de l’Assemblée. Mais le 15 février 1795, les idées et les hommes détenant le pouvoir ayant changé, le conseil général de la commune demande que ce nom réprouvé soit supprimé et que les rues reprennent leurs anciens noms.
La porte de Sées, constituée de quatre tours, qui dominait le faubourg Saint-Blaise et surveillait celui de Cazault, fut démolie en 1791.
La rue Saint-Blaise, bordée d’immeubles bourgeois, d’hôtels et de banques, s’est pour une large part bâtie au XVIIe siècle puis dans les dernières années du XVIIIe siècle.
La café de La Renaissance, au numéro 4, a été élevé en 1839 sur l’emplacement de l’établissement à la façade duquel, depuis 1634, pendait pour enseigne le More (ou Maure), cher à Honoré de Balzac. Celui-ci y descendit en 1828 et il y situa une scène de l’un de ces romans, Les Chouans, en faisant sortir par les communs et les jardins, les compagnons de Marche-à-Terre. Le 26 mai 1727, Elisabeth Lemanceau vendit l’auberge à Luc Rousseau. Après la mort de celui-ci, ses héritiers, le 15 janvier 1758, la cèdent à Jean-François Bucy qui la transmet à sa fille. Le cabaret passe ensuite, le 13 février 1829, dans les mains de François Louchet et de Charles Petithomme qui le vendent en différents lots, exceptée une partie sur laquelle Charles Petithomme fait construire l’édifice que nous connaissons. D’abord nommé Alcazar, c’est en 1873 que son appellation actuelle est attestée. Signalons son balcon en pierre de Hertré et son décor intérieur Louis-Philippe (1830-1848). Il faut s’imaginer l’animation qui régnait en cet endroit où s’arrêtaient les chaises de poste et les diligences reliant Paris à la Bretagne.
L’immeuble portant les numéros 14-20 a été élevé en 1870. Il se distingue par ses balcons, son fronton, sa frise grecque et son garde-corps du deuxième étage. Eugène Lecointre est décédé, le 24 mars 1902, en son domicile, situé au numéro 17, siège actuel de la Société générale, bâti aux XVIIIe-XIXe siècles. Une plaque rappelle sa digne conduite lors de l’occupation des Prussiens en 1871.
L’hôtel du Grand Cerf, au numéro 21, avec ses pilastres, son entablement, ses chapiteaux, ses colonnes et sa lucarne, a été construit en 1843 par l’architecte Isidore Dédaux. Il fut le siège de la Feldkommandantur pendant l’Occupation.
Le numéro 35, avec son bow-window, et le 38 ont été bâtis par Albert Mezen en 1916. Le 36, avec ses balcons sur consoles, ses frontons droits et curvilignes, a été élevé en 1868, là où s’était installé, vers 1843, Théodore Lemaître.
L’hôtel qui abrite la préfecture, situé au numéro 39, fut élevé vers 1630 par Charles Fromont de la Besnardière, receveur des tailles de l’élection d’Alençon – et non par Elisabeth d’Orléans comme l’écrit Jean-Jacques Gautier. Elégante construction de pur style Louis XIII avec ses murs en brique rose, ses baies entourées de granit de Hertré, ses angles soutenus par des pierres de taille et ses fenêtres-lucarnes ovales finement sculptées, l’hôtel Fromont de la Besnardière se compose d’un pavillon central, à toit pyramidal et fronton brisé, et de deux pavillons latéraux, plus bas et plus importants, à toitures élevées. Vendu aux visitandines par le fils de Charles Fromont le 20 mai 1673 – et non en 1675 ou 1676 comme l’écrivent Joseph Odolant-Desnos, Louis Duval et René Herval – l’hôtel est revendiqué par la cousine germaine de Louis XIV, Elisabeth d’Orléans, duchesse d’Alençon depuis 1667, en vertu de son droit de retrait féodal. Elle en réalise donc l’acquisition le 7 mai 1678 pour en faire sa résidence qu’elle occupe six mois par an jusqu’à son décès qui survient le 17 mars 1696. Le cimetière des protestants, qui était situé dans le jardin de l’hôtel, fut désaffecté en 1679 par la duchesse qui fit exhumer les ossements et les fit jeter dans les fossés de l’actuel cours Clemenceau. En 1684 et 1695, Elisabeth d’Orléans avait décidé de léguer sa demeure à l’hôtel-Dieu mais, après son décès, un interminable procès de famille survient et l’hôtel est finalement récupéré par Louis XV. Ce dernier, par un arrêt du 4 février 1751, le donne à la Ville pour y loger les intendants qui, en réalité, y sont installés depuis 1713. Ils y resteront jusqu’en 1792. Une aile en retour est construite en 1767 et diverses annexes, en 1775. Devenue propriété du Département le 8 mars 1800, celui-ci en fait la préfecture le 14 mars suivant. L’hôtel Fromont de la Besnardière, l’une des plus belles résidences préfectorales de France, a été classé parmi les monuments historiques le 11 juillet 1903, puis pris en charge par l’Etat le 1er janvier 1986.
L’immeuble numéro 40 est orné de grands pilastres et de chapiteaux ioniques. La maison numéro 50, où Thérèse Martin (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus) est née le 2 janvier 1873, a été construite vers 1840. Elle a été transformée en musée et une petite chapelle a été construite en 1925 dans le jardin.
C’est le 3 mai 1898 que l’architecte Pierre Lheureux fait l’acquisition d’un terrain, sur lequel une ancienne maison avait été démolie vers 1892, pour y construire l’immeuble portant aujourd’hui le numéro 54. Bâti en 1898-1899, il se signale par son remarquable porche d’entrée et par ses balcons. Après le décès de Pierre Lheureux, survenu le 14 février 1919 dans sa maison, ses héritiers la vendent le 24 novembre suivant à l’administration départementale. Celle-ci installera successivement différents services.
La maison numéro 69 est munie de lucarnes, de balcons et de balustres sculptés ; le numéro 72, qui fut le siège de la Feldgendarmerie pendant l’Occupation, se remarque par ses arcades du rez-de-chaussée, ses détails sculptés et sa frise ; l’hôtel Lecointre, au numéro 80, avec sa petite niche vide, porte la date de 1759 ; et le 81 a été construit par Albert Mezen en 1904.»
Texte extrait du Dictionnaire des rues et monuments d’Alençon, d’Alain Champion, illustrations de Fabien Petit, publié aux Editions Cénomane, septembre 2003, 320 p.
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