L’UFC s’indigne : des banques prêtent désormais pour le financement de soins de santé. Ce n’est pas tant le principe d’un prêt qui est choquant mais simplement le fait que certains soient obligés de devoir y recourir. La colère de l’UFC peut sembler légitime. Cependant lorsqu’on analyse les raisons de ce qui apparaît comme une insuffisance de notre protection sociale, on peut s’interroger sur la logique de cet organisme. Car certains de ses choix vont clairement dans le sens de ceux qui dégradent l’efficacité des dépenses publiques française.
Première question : comment peut on parler d’insuffisances lorsqu’on évoque notre système de santé, et d’une façon générale, nos dépenses publiques ? Les dépenses publiques françaises sont parmi les plus élevées d’Europe – et du Monde -, avec 54 % du PIB. Les dépenses sociales (protection sociale, éducation …) en représentent plus de 80 %. La part consacrée à la santé est même la première d’Europe. En parallèle, les prélèvements obligatoires sont aussi parmi les plus élevés avec 44% du PIB. Ce n’est donc pas faute de ressources, d’autant qu’augmenter inconsideremment les impôts peut avoir pour conséquence de ralentir l’activité économique (cf. mes billets de février 2007 sur ce sujet), ce qui fragiliserait notamment la situation des plus fragiles.
Le rapport publié en avril 2005, de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » (qui inspire le « revenu de solidarité active »), présidée par Martin Hirsch, aujourd’hui Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, et à l’époque Président d’Emmaüs France, apporte un début de réponse : la dépense sociale française est inefficace. Croisant pour les pays de l’Europe des 15 le « risque de pauvreté » et les « dépenses sociales par tête », le rapport établit que d’une façon générale, le risque de pauvreté se réduit avec l’importance des dépenses sociales mais qu’en revanche la France se distingue en appartenant au groupe des pays où le risque de pauvreté est élevé tout en appartenant au groupe des pays à fortes dépenses sociales. L’explication ? Le rapport précise que « la France a un niveau de retraites nettement supérieur à la moyenne européenne, ce qui lui a permis de réduire significativement la pauvreté des personnes âgées, mais, mis à part cet effet, ses dépenses de transfert étaient les moins efficaces d’Europe ». Dans une publication récente sur le « pouvoir d’achat » l’INSEE rappelle que les prestations sociales en espèces représentent 30 % du « Revenu Disponible Brut » des ménages – en clair, ce dont les Français disposent pour vivre et épargner –, principalement sous forme de retraite (85 %).
Aussi, loin de l’angélisme édifiant manifesté par le rapport Teulade, dont la conclusion était d’exiger une pression toujours accrue sur les générations à venir sans s’interroger sur les conséquences économiques et sociales, l’accroissement des charges de retraite notamment là où il n’y a pas eu de réformes (où lorsqu’elles n’ont pas été assez loin) se fait au détriment de l’intérêt général, c’est-à-dire d’abord à l’encontre des citoyens qui en ont le plus besoin et à l’encontre de l’investissement public. L’application du régime général à la fonction publique d’Etat permettrait de dégager une vingtaine de milliards d’euros. Cette remarque vaut pour la Fonction Publique Territoriale et les monopoles publics. Bref : on ne peut augmenter les impôts si ceux-ci ne sont pas utilisés à des dépenses bénéficiant à la Collectivité, sauf à accroître le chômage et la pauvreté ; on ne peut plus que difficilement recourir à la dette publique. Il faut donc choisir dans les dépenses. La France a jusqu’à présent choisi le court terme! Et c’est bien là aussi la contradiction de l’UFC qui soutient EDF. Car si EDF aujourd’hui affiche des prix bas, c’est parce que les salariés du secteur privé et les contribuables financent le généreux système de retraite des électriciens. Autant de dépenses sociales qui sont détournées de leur objectif premier, qui est de lutter contre la pauvreté. On ne peut pleurer sur les carences de la protection sociale tout en faisant le jeu de ceux qui l’utilisent à leur profit.
eh oui!
EDF affiche des prix bas, car ses couts de production sont dissociés du prix du pétrole. Et la marge confortable que l’entreprise dégage ainsi sa valeur intrinsèque lui permettent d’abonder ses retraites à la CNAV ; l’entreprise pouvant même racheter — théoriquement — toutes les pensions à ses agents, il suffit de s’entendre sur le prix.
Il faudra régler le problème, car EDF devient une entreprise de droit commun et supprimer le scandale du CE financé à auteur de 1 % des factures.
A All,
Vous avez raison, mais en partie seulement. L’électricité nucléaire a un coût stable car le combustible représente 5 % du total. Autrement dit, les variations sont pour le moment peu ressenties.
Cependant, il y a un autre élément de coût qui est spécifique à EDF : ce sont les retraites trés généreuses des électriciens, dont la valeur actualisée represente plusieurs fois les fonds propres. Pour éviter la faillite, l’essentiel de ces retraites est aujourd’hui pris en charge par le contribuable et le salarié du privé, ce qui revient à les faire citiser sans bénéficier des droits … et surtout en éloignant la dépense sociale de ceux qui en ont le plus besoin.
Autre detail a corriger peut etre … On nous affirme que le cout du demantelement des vieilles centrales est intégré au prix … Mais l’est il vraiment et totalement ? Je crois que mine de rien , je finance un futur deficit surprise de cette entreprise au statut pas clair dans mon esprit .
puisque mes impots et autres prélèvements obligatoires m’obligent à financer les retraites des employés d’EDF et GDF ce qui me permet, juste retour des choses de bénéficier d’un prix bas, je ne vois pas pourquoi j’irai acheter ailleurs une énergie plus chère dont le couit comprend les retraites de ses salariés de droit privé. Si je le faisais, je paierai deux fois les retraites des salariés de l’energie.
Ce billet démontre, si besoin était encore, qu’il n’est pas toujours nécessaire de dépenser plus mais qu’il est urgent de dépenser mieux afin d’obtenir une efficacité réelle dans la dépense publique. Il est parfaitement intolérable que, dans un pays, avec un niveau de protection sociale tel que le notre, des individus puissent s’endetter pour financer des dépenses de santé. Cette situation ne semble toutefois pas anormale dans un pays ou le secteur privé est sans cesse mis à contribution pour financer les régimes que l’on qualifie pudiquement de "spéciaux" et qui finalement, ne font qu’augmenter les déficits et tendent à porter atteinte aux principes élémentaires de toute justice sociale.
A Raleur,
Je vois que vous n’avez pas changé d’opinion … Ceci dit, combien de temps pourra -t-on sacrifier au court terme ? A coté des sommes fabuleuses englouties pour financer les retraites, j’avoue être ahuri de voir dans quel état d’entretien sont bon nombre de nos Universités. Les investissements de l’Etat, c’est 6 ou 7 milliards d’€ par an, trois fois moins que le surcoût des retraites des fonctionnaires d’Etat. On a les priorités qu’on peut …
Il n’y aurait rien de choquant à pouvoir emprunter pour ses dépenses de santé si on était pas par ailleurs contraint de cotiser à la Sécu !
Comment reprocher à un secteur de santé qui pèse 20% du PIB et qui sait pouvoir tirer à chéquier ouvert sur l’argent public de le faire ? Moi-même, si je le pouvais, je le ferais.
C’est donc l’ouverture à la concurrence de l’assurance maladie qu’il faut procéder si on souhaite obtenir un meilleur service de santé à un coût moindre, par exemple, un service minorant les cotisations pour les non-fumeurs, non-skieurs, ou personnes adoptant un mode de vie sain par exemple, dans l’espoir de réaliser à moindre coût une prévention des risques de santé plutôt que des remboursements de prestations de services de soins.
l’assistanat, tel que pratiqué actuellement, accentue la pauvreté . Aidons les véritables "pauvres" mais arrêtons d’encourager toute dérive. C’est trop facile de toujours mettre au premier plan l’argent public, nous sommes un pays endetté et que faisons nous réellement pour rétablir la situation ?
Faire jouer la concurrence n’est absolument pas choquant, même s’il est dommage d’en arriver là, on ne peut pas cautionner éternellement des organismes , caisses ou collectivités qui ne n’arrivent pas à fonctionner sans l’aide de l’Etat.
A Fresh
Ouverture a la concurrence a l’assurance maladie avec un service minorant les cotisations pour les personnes "a mode de vie sain" : il ne manquerait plus qu’un depistage genetique a la naissance pour savoir si, oui ou non, on peut vous autoriser un pret immobilier, une couverture maladie ou le droit de vivre.
D’ailleurs, qu’est qu’un mode de vie sain ? Il faudra donc créer un ministère de la vie saine. Et gare a ceux qui ne rentreront pas dans le rang. Que la vie va être belle !
pourAB Galiani
Pourquoi faites vous un amalgame entre le cout des retraites des emplyés d’EDF, de droit privé, et ceux des retraites des fonctionnaires d’Etat.
EDF semble pouvoir proposer des prix bas car cet etablissement ferait porter la charge des retraites de ses anciens employés par la collectivité. Je ne vois pas le rapport avec le surcout des retraites des fonctionnaires d’Etat ce que ne sont pas les employés d’EDF (ni de la SNCF, ni ed la RATP…) (et celui des empoyés des assemblées parlementaires ? et des collectivités ?)
L’Etat pourrait supprimer le statut de ses employés, mais les rémunérer au prix du marché. Je ne suis pas sur qu’il y gagnerait
A Raleur,
Bonne remarque ! En fait, si je cible plus particulièrement EDF, c’est en raison de la prise de position de l’UFC qui semble ne pas voir que les prix pratiqués par cette entreprise sont artificiellement bas en raison du financement du régime spécial de retraite par le privé/contribuable. Mais c’est sans ambage que c’est l’ensemble des régimes spéciaux que je dénonce, à la fois en raison de leur caractère profondément inégalitaire et, surtout, de leur action anti-économique. L’alignement de l’ensemble des régimes de retraite sur le régime général permettrait de dégager d’importantes marges de manoeuvre pour se désendetter, investir et lutter contre la pauvreté !
Il serait souhaitable pour tous, de remettre à plat tous ces dysfonctionnements afin de rendre à chacun, dans la séreinité, la part qui lui revient, sans aller chercher dans la poche de Pierre ce qui appartient à Paul , ou alors laissons faire …… avec toutes les conséquences négatives prévisibles peut-être pour nous, mais sûrement pour les générations futures.
La solidarité est nécessaire et indispensable, mais seulement pour la véritable peauvreté.
Tout à fait d’accord avec les commentaires de AB Galiani.
il est insupportable de faire financer par l’Etat des inégalités anti-économiques.
Il est indispensable de désendetter le pays afin effectivement de pouvoir mieux maitriser la lutte contre la précarité, mais là aussi attention à bien discerner la véritable pauvreté et de ne pas tomber dans le piège de l’assistanat , c’est un système néfaste pour notre économie ; une plus grande rigueur et un meilleur encadrement de la gestion de notre politique sociale pourrait, dès à présent, mieux aider les plus défavorisés , il ne faut pas oublier qu’actuellement certains se permettent de choisir entre les aides et le travail ! et parfois toutes les aides additionnées sont supérieures à un revenu du travail ! ce n’est pas normal. Comment peut-on continuer à fonctionner ainsi ?
Il est vrai qu’il est aisé d’émettre des commentaires, mais avec un peu de bon sens et une certaine volonté de changement , on devrait pouvoir avancer avec plus de justice tout en ne pénalisant personne.
damien: Je voudrais vous poser une question :
Supposez que vous en veniez à emprunter pour acheter votre résidence principale. Supposez que votre prêteur vous propose de passer une visiste médicale en vous signalant qu’en cas d’excellent résultat, il vous consentira une réduction significative.
à qui voudriez-vous faire croire que vous refuseriez une telle proposition ?
Nous avons bien un ministère de la Santé sans même avoir défini de quoi il s’agit : après tout, tabac, alcool, pollution automobile et pénibilité au travail sont des facteurs créateurs de lourdes dépenses pour la société. Dans le cas particulier du tabac, il s’agit d’un choix individuel financé par la collectivité : expliquez-moi donc en vertu de quoi la solidarité nationale devrait aider ceux de ces citoyens qui font le choix de fumer à financer ce choix ?
Je suppose par ailleurs que n,ombre d’employeurs seraient bien plus attentifs aux conditions de travail si les cotisations maladie et accident qu’ils versaient étaient proportionnelles au risque encourru par les travailleurs. Par exemple, même si la justice française nie le risque d’exposition à l’amiante depuis un demi-siècle, pensez-vous qu’on aurait trouvé des assureurs pour assurer le risque des travailleurs à l’amiante sur un marché libre ? Sans doute pas à faible coût : dès lors, il y aurait eu beaucoup moins de morts de l’amiante.
Voilà pourquoi, parfois, faire financer un risque santé par la solidarité nationale tur, tout simplement : tue, et rien de moins.
un petit oubli : Le montant des aides ne figure pas dans les bases du revenu imposable, alors que le revenu d’un travail peut-être légèrement supérieur à la limite imposable et vous empêcher de bénéficier d’un certain nombre d’avantages, d’où le choix parfois de ne pas accepter un travail, ce n’est bien sûr pas normal .
Merci AB Galiani. Enfin un peu d’air frais !
Bien sûr qu’il y a EDF, mais il y en a d’autres.
J’aimerais que des économistes distingués chiffrent l’incidence des tous ces statuts divers et variés dans notre système de protection sociale.
Il y a peu de temps, les aiguilleurs du ciel ont obtenu des avantages particulièrement avantageux, lesquels ont été étendus à toute l’aviation civile.
Ce sont les parcours individuels qu’il faut protéger.
EDF et les prix bas.
Il en est où le chiffrage du démentellement à venir des anciennes centrales nucléaires ???
Elles en sont où les provisions pour ces futurs démentellements ???
Et qui va payer la note quand il va falloir mettre la main à la poche ??? Et il va bien falloir la mettre un jour la main à la poche !!!
Un peu trop facile le coup des prix bas …
@ Fresh
"Supposez que vous en veniez à emprunter pour acheter votre résidence principale. Supposez que votre prêteur vous propose de passer une visiste médicale en vous signalant qu’en cas d’excellent résultat, il vous consentira une réduction significative."
Je dirais plutot que l’assureur ne me signera rien si je ne rentre pas les cases parfaites des consignes médicales optimales… Son but sera de prendre le moins de risques possibles et nous rentrerons dans des grilles de critère de type "ratio taille/poids" à l’américaine.
Vous partez du principe qu’une entreprise privée joue le jeu : ici bas, je n’en ai vu aucune.
Sans solidarité nationale, point d’égalité de traitement à l’hopital ou aux urgences. Ca lancerait une médecine a multiples vitesses.
Je vous rappelerais que nous ne naissons pas égaux physiologiquement : risque cardiaque, cancer, leucémie, cela ne se choisit pas, ni ne se décide.
Dans votre système que faire des gens atteints ?