Face à la libéralisation prochaine du marché de l’énergie, l’UFC – Que Choisir invite les consommateurs à ne pas faire jouer la concurrence. Selon cet organisme, ils n’auraient rien à gagner. En effet, si l’on compare les prix, la régulation administrative par l’Etat peut sembler bien plus avantageuse que la régulation concurrentielle, puisque le prix du kW « privé » est supérieur, de l’ordre de 2/3, au kW « public ». Mais cette comparaison est en trompe l’oeil. En effet, EDF bénéficie de spécificités qui lui sont propres, et son monopole lui a permis de n’en faire bénéficier que très incomplètement les consommateurs, qui doivent payer par des moyens détournés. A moyen terme, la concurrence devrait permettre de clarifier et d’assainir des circuits fort discrets favorables aujourd’hui à EDF pour bénéficier à la Collectivité.
Reconnaissons le ! EDF bénéficie aujourd’hui d’avantages concurrentiels terribles : elle couvre l’intégralité du territoire français et dispose de techniciens au savoir-faire avéré. Son développement sur le marché national n’a jamais été entravé par un concurrent (et pour cause !). Mais surtout, 80 % de l’électricité est fournie par son parc de centrales nucléaires, alors que la concurrence produit à partir de produits pétroliers. Et ces derniers ont connu une forte hausse depuis plusieurs années. Ainsi le baril de Brent – soit 169 litres de pétrole de la Mer du Nord – est passé de 10 $ en décembre 98 à 19 $ en décembre 99, 39 en décembre 2004, 56 en 2005 et 62 en 2006 … En 8 ans, c’est ainsi une multiplication par 6. Le prix de l’uranium (qui alimente les centrales nucléaires) a certes augmenté mais l’impact sur le prix est faible, puisque la matière première ne représente que 5% du prix du KW nucléaire ! Autrement dit, le doublement du prix de ce combustible entre 1999 et 2005 n’a eu que des conséquences très limitées !
Pourtant, le prix régulé par l’Etat de l’électricité, censé limiter les hausses, dissimule une situation des plus pénalisantes pour les Français. Comme tout monopole public, n’étant soumis qu’à peu de contraintes externes, les coûts de gestion ne sont pas contrôlés avec toute la rigueur souhaitable. Selon l’IFRAP (Institut Français de Recherche sur les Administrations Publiques), les frais de personnel d’EDF rapportés à la production vendue sont en France quasiment 2,5 fois supérieur à ceux de sa filiale en Grande Bretagne soumise à la concurrence. Sans doute, faut-il y voir une forte sous productivité du personnel. Le monopole a ainsi tiré les coûts et donc les prix à la hausse.
Mais surtout, le système de retraite est des plus avantageux. N’ayant été concerné par aucune réforme, il suffit toujours aux agents d’EDF de cotiser 37,5 ans (contre 40 et bientôt plus dans le secteur privé) pour partir en retraite, avec une pension calculée sur les 6 derniers mois (25 meilleures années pour le privé). En outre, EDF a trouvé un excellent moyen d’éviter 80 milliards (presque 30% du budget de l’Etat) qu’elle aurait du provisionner au titre des retraites à venir en raison de la réforme des règles comptables. Afin d’apparaître, cette dette implicite devait être considérée comptablement comme une charge (une « provision »), qui représentait quand même entre 3 et 4 fois les fonds propres de l’entreprise. Un tel déséquilibre s’appelle tout simplement une « faillite ». Afin d’éviter la hausse des prix qui en aurait résulté, la moitié des retraites d’EDF a été transférée à la Sécurité Sociale, donc prise en charge par les salariés du privé. Certes la « Sécu » a reçu une soulte de 7,7 milliards, au titre des droits déjà acquis, dont la moitié a été payée par ponction du Fonds de Solidarité Vieillesse (à qui va notamment une partie de la CSG) donc pas par EDF. De plus, les analystes ne s’accordent pas tous pour reconnaître l’exacte valeur de cette « indemnisation ». Enfin, une redevance, la « contribution tarifaire » sur le transport, est payée par les consommateurs sur leurs factures. Ainsi, conclut Remi Godeau, l’auteur de « la France en faillite », « pour préserver les retraites généreuses des électriciens, les salariés du privé ont été sollicités à 3 titres : comme assurés sociaux, comme contribuables et comme usagers ». On peut comprendre l’attachement au monopole des « électriciens », mais on peut constater à quel point la régulation publique peut être factice, puisqu’elle conduit à entériner les dysfonctionnements sans les réduire. Le prix « public » de l’électricité ne représente pas la réalité de ce que paie les consommateurs pour EDF. La nécessaire hausse des prix consécutive à la hausse des charges n’a été évitée que par un transfert de ces dernières sur des tiers, qui n’en tireront aucun avantage. Au final, les Français doivent et vont devoir payer plus pour EDF. Voilà une vue oubliée par l’UFC !
Aujourd’hui, EDF ne semble guère menacée ! Soyons certains qu’il n’en sera pas toujours ainsi. Face à la nécessité de réduire les émissions de gaz carbonique, le nucléaire retrouve un nouveau souffle et le prix de l’uranium est fortement tiré vers le haut, ce qui finira par peser sur les prix de l’électricité nucléaire. Par ailleurs, un contexte concurrentiel encourage l’innovation, remettant en cause les positions acquises. C’est le phénomène de « destruction créatrice » expliqué par Joseph Schumpeter. Enfin, et ce n’est pas le moindre des risques, jusqu’à quand l’usager/contribuable acceptera-t-il de financer les avantages des agents d’EDF ? <br /> Au final, l’ouverture à la concurrence de l’électricité va donc contraindre EDF à s’adapter. Et aussi, elle permettra d’élargir la brèche dans cette réminiscence moderne de la féodalité qu’est le monopole public.
Salut Alain,
Super ton billet, mais tu sembles avoir quelques problèmes avec la balise <br> et non </br> ou </ br>.
Pour le reste, je te trouve super moderne pour un sénateur né avant le 1er choc pétrolier ! Keep up the good work !
@+
Malheureusement, la mise à jour du blog a provoqué cet incident que je me suis empressé de corriger. Il ne s’agissait pas d’un problème de balise mais de format htlm.
Et surtout, EDF n’a provisionné aucune réserve financière pour deux sources de dépenses absolument colossales à moyen terme :
1) Le démantèlement programmé de son actuel parc de centrales nucléaires d’ici à 2027 : il est ç ce sujet à noter que jamais EDF n’aura mené à terme le démantèlement d’un réacteur en production, et que le démantèlement d’un réacteur expérimental n’a pas encore été mené à son terme : la France devra-t-elle payer pour le monopole d’EDF en sacrifiant l’usage du sol ?
2) Le financement des régimes de retraite particulièrement avantageux des personnels d’EDF.
Bien entendu, on peut toujours croire que la collectivité dans son ensemble paiera toujours au bénéfice d’EDF et de la technocrtucture en général. On peut aussi espérer que, dans le cadre d’une saine régulation de la concurrence, les actionnaires d’EDF soient appellés à financer les dépenses non-provisionnées par les précédents actionnaires, et ce, d’autant plus facilement qu’ils resteront encore longtemps les principaux fournisseurs d’électricite, fût-elle nucléaire.
Ainsi, pour une fois, croire en l’homme et croire en l’avenir, c’est désavouer l’UFC.
@ Danton : Votre pseudo manque sérieusement de distinction. Par ailleurs vous semblez ne pas avoir remarqué que l’auteur du billet n’est pas Alain Lambert mais A.B. Galiani. dont on ne connaît pas l’année de naissance, avant ou après le choc pétrolier.
Il est certainement prudent d’attendre …. ET ENSUITE de faire quelques comparaisons …. mais, dès à présent, on pourrait envisager de revoir le poste "frais de personnel"qui a ,bien évidemment ,une répercution sur les prix et qui représentent une grande injustice. Le régime des retraites est très critiquable, les avantages du C.E. sont excessifs , et ne pas oublier aussi la "générosité" sur consommation accordée "à vie" aux membres du personnel ! tout cela augmente évidemment notre facture . Avec un peu de justice, on pourrait espérer une diminution de nos factures !
A Courtoisie,
Trés justes, vos observations.
A l’époque du 1er choc pétrolier, j’étais simplement collégien.
Je ne suis pas agent EDF, mais je suis toujours surpris, que l’on considère les avantages des agents EDF comme des privilèges. Et les mêmes, n’est-ce pas Cloé, se satisfont des vrais privilèges de notre société. Privilèges de naissance, d’héritages, de fonctions, stock options, parachutes dorés, salaires énormes et retraites à l’identique, cumuls divers(certains parlementaires ne voudront sans doute pas comparer leur statut avec celui des agents livrés à la vindicte populaire) L’impression qu’une caste veut la paupérisation de tous les salariés et leur asservissement au travail.
A Reuter, Les turpitudes des uns sont elles justifiéables par les turpitudes (suposées) des autres ? L’objet de mon billet était d’abord de montrer que le prix administratif de l’électricité ne correspond pas à ce que paie réèllement les Français. Le 2eme objet, c’est aussi de montrer que l’attachement des salariés d’EDF au monopole est moins justifié par l’interet général que par leur propre interet. Enfin, le 3eme est de montrer les délires de l’absence de vraies régulations. Parce que le systeme EDF applicable à quelques dizaines de milliers de salariés est dans l’impossibilité totale d’être généralisé. C’est bien la définition même du privilège, qui ne peut exister qu’avec l’interdiction de choix des citoyens, la liberté de choix formant le socle de la démocratie.
Nous avons la démonstration que Reuter se réclame bien de la gauche néo féodale, car "ce que j’ai et que les autres n’ont pas est une juste rémunération ; ce que les autres ont et que je n’ai pas est une monstrueuse injustice".
L’ideal, bien sur, étant d’obtenir quelque chose en faisant payer les autres : merci, l’Etat.
Au passage, comment expliquer que les "avantages" des employés de banque soient imposables et pas l’électricité quasi gratuite des électriciens d’EDF ?
@ reuters
pensez-vous ,très franchement,qu’il est normal que certains aient des avantages considérablesdu style E.D.F., pendant que d’autres galèrent avec un S.M.I.C sans autres avantages ???
@ reuters
Il y a une grande contradiction dans vos propos, en résumé : laissons les avantages là où ils sont, mais supprimons les privilèges ??votre générosité est très parcellaire.
@ A.B. Galiani.
Votre sujet est limpide et montre combien un état n’est pas l’entité la mieux choisie, pour gérer une entreprise.
Etant lui-même critiquable dans sa propre gestion, il ne peut imposer à d’autres ce qu’il n’est pas capable de s’appliquer à lui-même.
Il est difficile d’exiger des autres d’être exemplaire, quand on ne l’est pas soi même.
C’est du « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ».
De fait, toute entreprise gérée par l’état ne peut devenir qu’une administration, c’est à dire une entité, qui utilise le prétexte d’être tenue de servir le public, pour tenter d’échapper à la nécessité de rendre ou de produire des comptes comme toute entreprise. C’est une confusion des genres malsaine.
Concernant EDF, cela veut dire que le prix du KW/H, n’est pas réellement payé par celui qui le consomme.
Concernant la SNCF, cela veut dire qu’une partie du prix du billet de celui qui prend le train est payé par celui qui ne le prend pas.
Et ainsi de suite ….
A Gerfo,
Pardonnez moi de ne donner une suite à vos propos mais j’ai été retenue par mes contraintes professionnelles…
J’ai souvent remis en cause le mode d’action de l’Etat – et non pas le principe de l’action de l’Etat -. En effet, quand celui ci fait au lieu de faire faire, il est alors juge et partie. Il ne peut plus être impartial. C’est ainsi que les groupes de pression à l’interieur de l’Etat confondent leur interet et l’interet général … et se servent des avantages d’autant plus substantiels qu’ils sont en situaton de bloquer le fonctionnement de la Collectivité. A cet égard, on peut même considerer que les conflits sociaux conduits par ces groupes sont des activités économiques à part entière, puisqu’ils contribuent à accroître leurs revenus, même dans ce cas si c’est sans création de richesse (c’est un jeu à somme nulle voire négative)
à cricri et cloé
vous ne m’avez pas très bien compris, peut-être me suis -je mal exprimé.
Je ne suis pas pour une remise en cause très partielle des "privilèges" mais pour que tout soit évalué, avantages peut-être exagérés à EDF mais aussi ceux des parlementaires, notaires, héritiers…et on verra peut-être qui a des avantages et qui bénéficie de vrais privilèges et idem pour les retraites et leur montant.
@ Reuters
Y’a un truc que manifestement vous ne pigez pas, c’est que les seules retraites d’EDF, de GDF, de la SNCF – qui sont payées largement par les salariés du privé, parfois au prix de leurs emplois – atteindront de tels montants qu’elles menacent la pérennité de la protection sociale dans sa globalité. Votre argumentation est de l’ordre du paté d’alouettes et de cheval (une alouette, un cheval), c’est à dire que vous en appelez aux "petits" privilèges (reels ou supposés) pour défendre les plus monstrueux qui soient.
La situation d’EDF fait peut etre que ses charges sont payées par le clients mais aussi par le contribuable mais :
1° je suis partisant du nucleaire qui revient moins cher donc je resterai client EDF
2° même si le prix "régulé" n’est pas le prix de revient réel, je ne vois pas pourquoi j’irai payer plus cher ailleur puisque de toutes façon je DOIS (les impots et autres CSG sont imposés par nos dirigeants et sans modération de droite comme de gauche) payer le surcout retraites, avantages sociaux… Je ne vois pas pourquoi je paierai deux fois (impots + prix public du kWh) ce que je peux ne pourrai ne payer qu’une fois (impots + prix régulé du kWh donc exonéré du social)
A Raleur,
Votre avis se défend largement concernant le choix d" EDF comme fournisseur, chacun doit être libre, et je ne remets pas en cause le choix de tel ou tel qui préfererait EDF. J’écris d’ailleurs à ce sujet qu’EDF n’était pas menacée.Simplement, faut il que le choix existe.En cela j’estime que la concurrence pourra offrir un jour une alternative au nucléaire.
Concernant les retraites, vous êtes partisan du statu quo. Je pense que le maintien des régimes spéciaux n’est pas assuré, car les générations à venir n’accepteront pas de payer des sommes colossales au nom d’une inégalité monstrueuse, facteur de paupérisation et de chomage !
à Naouac,
Non ce ne sont pas les seuls, les régimes agricoles entre autres sont aussi déficitaires mêmes si là aussi les écarts sont énormes entre les petites retraites(trop petites) et les grosses.
Et vous me permettrez de ne pas être d’accord, quelque soit le bien ou service produit, c’est le consommateur qui paie trop cher, ou le salarié qui est sous payé, quand les actionnaires exigent un rendement à 2 chiffres ou quand les dirigeants aux salaires monstrueux demandent en plus stock options et parachutes dorés.
Et même si je suis pour une remise à plats de tous les régimes de retraites( je dis bien de tous) ces salariés que vous citez ne sont pas des nantis!
A Reuter
Votre réponse à Naouac m’évoque le feu de bois mouillé, celui qui fait beaucoup de fumée pour dissimuler … Ce qui est en cause dans les retraites d’EDF, c’est leur mode de calcul. A mon sens, il ne doit y avoir qu’un régime, le régime général qui s’applique à tous, et tout écart doit être pris en charge par ceux qui en bénéficie. Inutile de faire admettre ces inégalités par une rémunération à 2 chiffres que demanderaient les actionnaires – lequels sont loins de percevoir cela dans la plupart des cas (les entreprises françaises ne font pas assez de bénéfices) – ou par des parachutes dorés, que j’ai ici déjà qualifiés d’abus de bien social. Vous essayez de faire admettre un privilège reel en vous retranchant derrière des cas qui ne sont pas des généralités. La réalité, c’est que les salariés du privé seront de plus en plus "taxés" pour financer les régimes spéciaux auxquels ils n’auront jamais droit !
Quant aux nantis, j’ignore ce que c’est. Je vous rappelle que dans la société de l’Ancien Régime, les classes privilégiées (noblesse et clergé) comptaient majoritairement dans leur rang, à coté de grosses fortunes, une majorité d’individus trés pauvres !
A Galiani :
Je n’ai pas écrit que j’étais partisant du statu quo j’ai simplement écrit que je payais par mes impots (au sens large du terme c’est à dire y compris le social) les avanatges sociaux. Je n’ai pas le choix de payer ou non ces avantages sociaux car CELA M’EST IMPOSE par ceux qui nous dirigent
A Raleur
J’avais bien compris votre argumentation. Et je la comprends. Mais pour ma part, je ne me résigne pas.