L’INSEE vient de faire connaître les chiffres de la dette publique, qui s’élève à 1142 milliards d’euros au 31 décembre 2006 ! C’est presque la stabilité, puisqu’un an plus tôt elle était de 1137 milliards. La dette de l’Etat se réduit même, passant de 886 à 883 milliards. Exprimée en part de richesse nationale, l’amélioration est sensible, avec une évolution de 66,2 % à 63,7 % du PIB. Au temps pour moi, puisqu’à la fin du mois de décembre 2006, j’estimais qu’elle flirtait avec les 1200 milliards. S’agissait il d’un inutile pessimisme, face à un renversement de tendance ? A ce jour, rien n’est moins sur et la vigilance en ce domaine doit demeurer la règle.

Reconnaissons le ! Si la dette publique se stabilise quasiment, c’est grâce à l’Etat et aux ODAC (« organismes divers d’administrations centrales » : ensemble hétéroclite d’organismes comme certains musées, Grandes Ecoles, CADES – qui gère une grosse part de la dette de la Sécurité Sociale -, les Charbonnage de France, … ) qui se « désendettent », de quelques milliards d’euro. C’est peu mais, il est vrai, c’est un changement. En revanche, Collectivités Locales et Sécurité Sociale continuent sur leurs brisées.

Deux raisons majeures expliquent l’évolution de la dette de l’Etat, qui représente quand même les ¾ de la dette publique.

Tout d’abord, la meilleure santé de l’économie stimule ipso facto les recettes fiscales. De fait, celles-ci ont augmenté de 5,1 %, beaucoup plus vite donc que les dépenses (3,6 %). Méfions nous, elles sont volatiles ! L’expérience montre que lorsque le cycle se retourne, les recettes se contractent, pas les dépenses. C’est ainsi que l’accroissement de la dette publique au début des années 2000 est largement imputable aux mesures décidées par le Gouvernement Jospin, dans un contexte de ralentissement économique. Dans l’attente, c’est un saine politique de se désendetter en période de vaches grasses, ne serait ce qu’en raison des marges de manoeuvre dégagées en prévision des « vaches maigres ».

Il y a surtout que la gestion de l’Etat a été affectée par plusieurs décisions discrétionnaires. Ainsi, les recettes de privatisations ont été utilisées au désendettement (16,7 milliards). Et les excédents de trésorerie ont été réduits de 25,1 milliards. En effet, si au passif, l’Etat affichait une dette, il pouvait dans le même temps disposer à l’actif d’encaisses de trésorerie inutilisées. Au risque de paraître un peu technique, on peut dire qu’en contractant son bilan, l’Etat a ainsi réduit sa dette. Maintenant, restons clair : de telles mesures ne peuvent être répétées indéfiniment ! Accessoirement soulignons que l’Etat a également réduit ses investissements, passant de 7,7 milliards en 2005 à 6,4 milliards en 2006 (- 1,3 milliards).

Concernant les ODAC, il est intéressant de mettre en parallèle la réduction de 4 milliards de leur dette avec la perception d’une soulte de 2 milliards d’euros au titre de la réforme du régime de retraite des agents de la Poste. En contrepartie, mais cela n’apparaît pas dans les chiffres, un engagement est pris de payer les pensions à venir. En clair, pour réduire la dette explicite, celle comptablement connue et chiffrée, on a accru la dette implicite, c’est-à-dire qu’on a accepté des charges à venir qu’il faudra bien payer un jour.

Il faut donc bien constater que le désendettement est venu de facteurs conjoncturels, non d’une amélioration de la performance du secteur public qui doit en constituer la pierre angulaire.

Peut on renoncer à la réduction de la dette ? Non, car d’une part, elle coûte une fortune à l’Etat : près de 40 milliards d’euros (15 % des recettes fiscales), dans un contexte de remontée des taux d’intérêt. C’est approximativement le montant du déficit de l’Etat. Dit en d’autres termes, une réduction de la dette et la réforme des régimes spéciaux de retraites pourraient conduire à une situation d’excédent budgétaire. D’autre part, si en période de ralentissement économique, il n’est pas absurde d’utiliser « l’arme du déficit public », cela exige de disposer préalablement de marges de manoeuvre. Et aujourd’hui, ces marges de manoeuvre n’existent pas !