« Là où il y a 3 économistes, il y a 4 opinions » me plaisantait un jour un étudiant. Reconnaissons que la multiplicité des choix politiques faits par les économistes, connus ou moins célèbres, dans la récente période électorale, peut effectivement étonner. Quel crédit accorder à une discipline qui semble pouvoir tout dire et son contraire ? Cependant, à y regarder de plus prés, les différences apparaissent bien moindres qu’on pourrait le penser au premier abord, comme le montre une comparaison d’économistes emblématiques des différents camps. Juste une précision préalable : dans les lignes qui suivent, j’indiquerai entre parenthèses les initiales du candidat soutenu par l’auteur cité.
Certes, des écarts sensibles existent. Ainsi Thomas Piketty (SR) pourfend l’idée de moins taxer les heures supplémentaires, proposée par Nicolas Sarkozy. En effet, explique-t-il, une telle mesure ne concernerait que ceux qui ont un emploi, non ceux qui en sont exclus … Ah, cher Thomas, que n’allez vous pas jusqu’au bout de votre raisonnement, par exemple en constatant les conséquences sociales des politiques malthusiennes, comme les 35 heures, en termes d’exclusion … Philippe Mongin (NS) le contrecarre d’ailleurs en relevant les effets positifs sur l’emploi de la détaxation des heures supplémentaires, ce qui baisse le coût moyen du travail, alors qu’à l’inverse, toujours pour des raisons de coût du travail, la généralisation des « 35 heures » serait destructrice d’emploi. Ceci dit, Piketti n’est pas très loin de tenir un raisonnement similaire, qui propose de moins taxer le travail.
Cette idée de moins taxer le travail a été également développée dans les propositions du Club « Courage et Conviction », animé par Alain Lambert (NS), à coté d’une autre idée phare, celle du contrat unique de travail, pareillement défendue par Olivier Blanchard (NS). Philippe Mongin (NS) rebondit même sur le principe du contrat de travail unique, avec un « équilibre désirable de flexibilité et de sécurité ». On pourrait alors y voir une caractéristique de droite. Alors laissons Philippe Aghion (SR) enfoncer le clou : il faut flexibiliser le marché du travail, « gage d’adaptation des entreprises, de promotion et de fluidité du marché du travail couplé à un dispositif type « flexsecurité ». C’est donc globalement la dénonciation d’un marché du travail à la fois rigide dans son fonctionnement et peu efficace dans la protection des salariés.
Quasiment tous déplorent l’état de dégradation profonde des relations sociales. Olivier Blanchard (NS) évoque des relations « détestables », en affirmant qu’il « est clairement établi que les pays où le chômage a le plus augmenté sont ceux où les relations du travail sont les plus mauvaises ». Philippe Aghion (SR) ne dit rien d’autre et « Courage et Conviction » (NS) demande de renforcer le dialogue social. Tous appellent également à la maîtrise des dépenses de santé et de retraite, Philippe Mongin (NS) visant les régimes spéciaux évoque « une question d’équilibre financier et de justice sociale ». Unanimité aussi concernant le système éducatif en général et le système universitaire en particulier. Pour Piketty (SR), « la France doit combler son déficit abyssal d’investissement dans la formation ». Il faut donc « réformer les écoles et l’Université en les rendant plus responsables ». Voilà qui rompt singulièrement avec la tradition étatiste française. « Courage et Conviction » (NS), Olivier Blanchard (NS) et Philippe Aghion (SR) avancent sur des voies parallèles, en appelant à l’autonomie donc à la concurrence et au benchmark des Universités.
Le rôle de l’Etat et la fiscalité ne sont guère plus des pierres d’achoppement, même si des nuances parfois sensibles existent. Les conceptions apparaissent toutefois beaucoup plus complémentaires qu’en opposition. Le mythe du « tout Etat » a manifestement vécu. Aghion (SR) lui demande d’être le garant de la flexsecurité et un médiateur entre partenaires sociaux. Piketty (SR) veut stabiliser la pression fiscale, quitte à modifier l’assiette de certains prélèvements sociaux, tandis que Mongin (NS) ne croît guère à l’efficacité, en tout cas immédiate, de baisses d’impôt. Enfin, si « Courage et Conviction » affirme clairement la nécessité de maîtriser la fiscalité, celle-ci passe par la régulation des dépenses, c’est-à-dire par un contrôle renforcé du Parlement et par la déclinaison du principe de performance
Cette revue d’analyses et de propositions est certes rapide, avec des zooms spécifiques. Il en ressort néanmoins que les économistes s’accordent pour reconnaître l’urgence de réformes allant dans le même sens, vers un mode de régulation décentralisée, accordant une large autonomie aux citoyens. Bref ! C’est ce qu’on appelle le marché ! Philippe Aghion (SR) appelle même à la suppression de réglementations régissant les grandes surfaces et freinant la concurrence. C’est ainsi une condamnation de l’ultra conservatisme, notamment de cette gauche dont Laurent Fabius s’est institué le maître à penser. Ramené à sa fonction régulatrice, l’Etat cesse d’être « l’alpha et l’oméga de toute chose ». Mais il y gagne en efficacité !
En matière d’économie, c’est simple, si l’on est libéral, il n’y a rien à faire, c’est le domaine du privé. Un gouvernement ne doit pas intervenir dans l’économie, sinon c’est du patriotisme économique, non ?
Après cette introduction en forme de provocation, en matière économique, la définition d’une politique est difficile car elle doit être à la fois générique, touchant tous les types d’activités, mais en s’adaptant également aux différents domaines sectoriels permettant, en fonction du tissu industriel, de nos capacités, de nos faiblesses et de l’évolution de notre population , etc, de déterminer quelle elle la manière la plus optimale d’évoluer.
Ceci est un modèle théorique issu de l’étude en bureau, scientifique, donc irréfutable. Mais elle peut se heurter à un milieu en perpétuelle évolution et non maîtrisé qui modifie les hypothèses de départ. Il y a cependant une autre manière de travailler qui à mon avis serait peut être intéressante pour les politiques sectorielles. Il s’agit de faire soit des groupes de travail de quelques semaines comprenant des représentants de la fillière, des économistes, des représentants des régions, afin de déterminer quelles orientations politiques prendre. Il y a une autre manière de travailler, à l’aide des partis politiques et la construction d’un programme lors de conventions, ce qui a été le cas de l’UMP. Mais je ne sais pas si les détails des politiques sectorielles ont été établis.
Si l’on prend un cas particulier qui touche l’Orne, l’élevage des chevaux, il existe des mesures législatives favorisant cette filière. C’est une mesure sectorielle.
Si l’on prend un autre domaine, celui des télécoms, le rapport d’étape de la commission Faure analyse le paradoxe apparent de la situation de la filière des équipements des télécommunications :
• elle intervient dans le secteur des technologies de l’information et de la
communication qui connaît un dynamisme global en volume et en
innovation, partout dans le Monde et en particulier en Europe ;
• elle procède cependant à des restructurations dans de nombreux pays,
comme cela est le cas actuellement chez Alcatel-Lucent.
La recherche systématique de la diminution du prix, notamment dans le domaine des opérateurs mobiles les rend aujourd’hui faibles. Nous risquons de perdre nos opérateurs de télécommunication français. Les US ont suivi une politique équivalente et les opérateurs de télécommunications sont devenus tellement peut rentable face à des Google par exemple, que les US parlent de re-nationaliser certains opérateurs.
Quelles mesures sectorielles prendre ?
Je ne donne ici que quelques analyses rapides que je pourrais étayer de quelques chiffres. A l’issue de ces analyses, on peut déterminer les possibilités les plus pragmatiques qui s’offrent à nous.
Concernant maintenant la deuxième partie de mon propos, qui concerne ce que je vais appeler le "socle" économique, c’est-à-dire l’ensemble des dispositifs assurant le fonctionnement et une partie de la viabilité économique des entreprises. Ce socle comprend des mesures fiscales, bien sûr, mais également le niveau de formation, les zones aménagées, les locaux, les réseaux de transport (électricité, télécom, transports en communs, fret, …), les capacités d’accompagnement financiers (incubateurs, jeunes pousses, capital risque, …) et pour terminer, c’est important, la communication : qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui un jeune préfère se jeter sur le service public alors qu’il pourrait beaucoup plus s’épanouir dans le privé ? C’est un accompagnement de communication et politique, redonner le goût du risque.
D’autres questions :
Comment se transmettent les entreprises familiales ?
Pourquoi aujourd’hui le capital-risque est-il si faible en France (environ 400 MEUR) ?
A mon avis, il faut :
1. Sur la compétitivité, s’employer à rééquilibrer le modèle actuel en faveur des entreprises comme le réclament la plupart des économistes. D’autre part, les fonds de pension américains sont désastreux sur notre économie, nous perdons le pouvoir de nos entreprises. Nous avons à la fois un besoin que les individus participent à la construction de leur capital retraite mais également participent au financement des entreprises. Je propose que l’on favorise, comme je l’ai déjà dit sur ce blog, l’investissement dans les PME/PMI, soit sous forme d’épargne pour tout salarié (ou profession libérale), permettre également aux gens qui payent l’ISF non pas de leur dire que maintenant qu’ils sont riches ils vont nous donner tout leur argent, car sinon ils partent à l’étranger et nous avons tout perdu, mais qu’ils nous "prêtent" leur argent pour que l’on favorise des PME.
La compétitivité, c’est aussi simplifier les choses sur le plan juridique. La multitude des spécificités est difficile à gérer et revient cher à l’entreprise. Des institutions comme l’URSSAF doivent être revues et évoluer face aux attentes des employeurs.
La compétitivité, c’est aussi nous replacer par rapport à nos compétiteurs. Nous n’arrivons pas à faire face aux travailleurs chinois qui n’ont aucune protection sociale. Nous avions parlé d’une taxe sociale afin de taxer les produits importés. Il vaut vite reprendre notre stratégie politique d’influence sur l’Europe pour permettre d’appliquer ce genre de mesure à toute l’Europe. Comment font les autres ?
2. Sur le pouvoir d’achat : Exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires, mais attention à ne pas oublier les cadres qui n’en bénéficieront pas et pour qui seules les 35h s’appliquent comme mesure de "progrès social".
3. Une politique industrielle. Sans dirigisme étatique stalinien, nous devons toutefois avoir une politique claire pour certains domaines ou l’Etat a encore une influence d’actionnaire. C’est de la responsabilité de l’Etat. Quelle politique claire pour l’EDF ? Quel rôle doit-il jouer aux côtés d’AREVA ? Quelle politique internationale pour EDF ?
4. Assainir les marchés : Politique de moralisation des Hedges-funds, cadrage des parachutes dorés.
5. Les régimes spéciaux. Nicolas Sarkozy en avait parlé, je pense que cela va dans le sens de l’équité. Il n’y a pas aujourd’hui de raison pour qu’un employé de la SNCF soit mieux traité qu’un chauffeur routier.
@Bernique,
Si l’on souhaite responsabiliser les dirigeants des administrations, ils doivent être plus libre dans la gestion de leurs RH : choisir leur collaborateurs, pouvoir les motiver en ayant une liberté de définir les objectifs avec eux et avoir les outils pour concrétiser leur reconnaissance, assurer une promotion des compétences basé (sur un ordre juste, désolé pour le copyright, au fait, qu’est-ce que cela veut dire ?), je veux dire par là, sur la reconnaissance de la valeur travail et la compétence.
Mettre les ressources humaines aux affaires sociales, pourquoi pas, mais je verrai plutôt cela à la fonction publique, mais c’est une toute autre culture qu’il faut trouver. Après, c’est un choix. Un conseil tout de même, une nouvelle entité sur le chemin critique de la modernisation doit être suivie de près, donc peut-être pas dans une entité existante. Cependant, le métier, la compétence de cette fonction existe déjà, il ne faut pas la détruire par une mise en concurrence.
Voilà pour mes conseils à 0,1524 euros.
caler l’organisation d el’ETAT sur celle des grands groupes. L’Entreprise Etat voilà l’enjeu. Alors si vous avez été déjà dans une grand entreprise performante vous savez ce que je veux dire (ex: L’oréal ou Lafarge) + la qualité totale
Je suis surpris qu’un appel à la suppression des lois Galland, Royer et Raffarin, toutes conçues par des gouvernements de droite, soit interprété comme une condamnation de la gauche.
"Philippe Aghion (SR) appelle même à la suppression de réglementations régissant les grandes surfaces et freinant la concurrence. C’est ainsi une condamnation de l’ultra conservatisme, notamment de cette gauche dont Laurent Fabius s’est institué le maître à penser."
A Annabelle,
Comme toujours, vos observations sont solides et pleines de bon sens.
J’ai juste une observation à faire sur le postulat de départ. Un libéral ne refuse pas l’action de l’Etat. Vous faites ici une confusion avec l’ultra libéralisme : Hayek, par exemple, voit dans toute action de l’Etat la marque du "constructivisme" qui finalement altère le bon fonctionnement de la société et menace la liberté des individus.
les fondements philosophiques du lobéralisme sont autres : Comment faire le bonheur du genre humain. C’est la question des utilitaristes. Un liberal ne refuse pas a priori l’Etat, simplement il lui demande de ne pas ne pas mettre les citoyens sous tutelle, en respectant leur capacité de décision et de raisonnement.
A Jerôme
Mon observation porte sur la volonté d’augmenter la concurrence, ce qui traditionnellement n’est pas dans la culture de gauche (je ne vise au demeurant qu’une partie de la gauche). Il est vrai que les reglementations que vous citez fort justement ont été mises en place par la droite … chez qui existe une forte tradition colbertiste.
Sur l’effet de la "détaxation" des heures supplémenatires, si j’en crois le programme de NS, nous aurons bientôt les premiers éléments pour juger…
je suis, comme beaucoup d’économistes, très sceptique…l’étude REXECODE ne donnait aucun détail sur le mode de calcul, on auaroit dir une prestation de complaisance
d’abord on contribue à créer une nouvelle "niche fiscale et sociale" au moment où tous les comptes sont déjà dans le rouge, et le pouvoir d’achat créé va moins vers l’économie que celui d’un nouvel embauché.
" l’activation" des dépenses d’assurance chômage cest à dire la possibilité , pour celui qui emabuche un chômeur d’être aidé paraissait plus logique…
A Francis,
Je ne vois pas en quoi le pouvoir d’achat supplémentaire permis par les heures supplémentaires irait moins "à l’économie" que celui d’un "nouvel embauché", sauf à démontrer que la propension à consommer décroit avec le revenu. Je pense même que l’élévation du revenu crée une demande nouvelle en biens plus onéreux à l’unité (voiture, immobilier, etc). "L’activité appelle l’activité"
Ceci dit, l’agument ici de Philippe Mongin est orienté sur le coût du travail (relativement à la productivité) qui est la limite des politiques keynésiennes de stimulation de la demande par le salaire. N’oublions pas que grosso modo un salarié ne perçoit que la moitié de ce que paie son employeur. C’est cette raison de coût qui fait que les 35 heures n’ont pas eu d’impact sur le chomage.
A B Galliani,
Bravo d’avoir restitué avec sincérité les propos des économistes les plus en vue, qu’ils aient soutenu Royal ou Sarkozy.
Une petite remarque en ce qui concerne les heures supplémentaire : le reproche émis par Thomas Piketty, Philippe Aghion ou Daniel Cohen est que cette mesure ne sert à rien : les heures supplémentaires sont déjà autorisées.
Seulement, effet pervers, sans rien changer au nombre d’heures supplémetaires travaillées actuellement, le coût sera pour l’Etat de 5 milliards d’euros. Et pourrait être bien plus important si un plus grand nombre de personnes décident d’y avoir recours.
Pour ces économistes, cette mesure ne sert donc à rien, est très chère, et est dans un sens tout aussi idéologue que la loi qui a mis en place les 35 heures. Ils ne comprennnent pas pourquoi gaspiller des fonds publics en pure perte, alors que de grands chantiers doivent être menés sur le front de la recherche, de l’éducation et de la formation.
Par ailleurs, 2 mesures phares de Sarkozy sont franchement anti économiques et chères : la suppression des droits de succession et la défiscalisation des intérêts immobiliers sur les emprunts. Et celles-ci, je ne connais aucun économiste, qu’il soit de droite ou de gauche, qui les soutienne : elles gènent même beaucoup Blanchard, Mongin ou Salanié, par exemple. Les défenseurs de ces mesures ne sont pas des économistes mais des idéologues (Baverez, par exemple).
J’avais effectivement noté sur le blog des éconoclastes (je ne suis pas économiste) qu’il y avait une grande convergence sur les diagnotics et les remèdes proposés par les économistes des 2 bords. Le choix de tel ou tel candidat semblait résulter plus d’un pari que d’autre chose. Il fallait savoir, si le candidat une fois élu aurait la volonté et la capacité d’agir dans le bon sens. NS a la volonté d’agir. Espérons qu’il agira dans le bon sens.
A Etienne L
Merci de vos observations. Concernant les mesures phares, je ne les mettrais pas sur le même pied. La déductibilté fiscale des interets réduit le coût d’acquisition d’un bien immobilier, avec un effet sur la demande d’immobilier. La question est alors de savoir si la demande nouvelle ainsi générée créera les recettes fiscales compensatrices.
Le point de vue des économistes est d’essayer d’apporter un éclairage sur différents choix afin de parvenir à un meilleur équilibre économique et social.
A la lecture de certains articles, dans différents journaux, il m’arrive parfois de m’interroger sur certaines popositions :
-intérêts d’emprunt immobilier déductibles, très bien pour les nouveaux acquéreurs et pour les prêts en cours ????
– bouclier fiscal 50 % – excellent , mais aussi parfois injuste, favorise davantage les très gros propriétaires n’ayant pas forcément de gros revenus ou connaissant les "niches fiscales déductibles"
– I.S.F. – 2 célibataires ayant chacun un patrimoine élevé mais non imposable se retrouvent imposables par le "mariage" !!!!
de plus, la droite l’a toujours catalogué comme impôt idéologique de gauche qui faisait fuire les capitaux, le travail et qui favorisait les délocalisations ..Impôt qui coûte plus en recouvrement qu’en recette …. ET apparemment maintenant on n’y touche pas ???
– Droits de transmission et de donation : très bien, il est juste que quelqu’un qui a acquis un patrimoine puisse le transmettre sans payer de droits, sachant que les sommes concernées ont été imposées au fur et à mesure de la constition du capital , mais que faut-il comprendre par 95% en seront exonérés ?
Petite question : pourquoi toutes ces niches fiscales ???? surtout accessibles, il faut bien en convenir, aux plus avertis.
beaucoup de réformes sont indispensables pour permettre à la FRANCE de rebondir, mais il faut faire "simple"et avec une grande dose de bon sens car tous les citoyens doivent pouvoir s’apercevoir d’un changement bénéfique.
Cher AB Galiani,
J’ai mis bien du temps à réagir à votre billet, pourtant bien intéressant et j’arrive finalement un peu après la bataille : pour ma part, je vais inviter un autre économiste à votre table : il a un certain âge, mais..aux théories toujours en avance d’une époque. Il s’agit de Joseph Aloïs Schumpeter.
Finalement, qu’est-ce qui fait que le coût du travail a un impact d’autant plus important sur l’emploi ? Eh bien s’est avant toutes choses les coûts qu’il engendre sur le produit fini et donc sur son prix.
Le coût sur le prix n’est pas en soi un obstacle insurmontable (toutes proportions gardées, car il faut pouvoir trouver un marché) dès lors que vous n’êtes pas en concurrence avec des producteurs disposant d’une main d’oeuvre pléthorique et bien moins chère.
A partir de là, il y a deux solutions :
1.Vous rénovez votre appareil de production de manière à ce qu’il soit bien plus efficient que celui de vos concurrents rendant ainsi sa valeur utile au coût de la main d’oeuvre.
2.Vous produisez sur un secteur d’avant-garde de haute technologie requièrant des spécialistes, et donc sans ou avec peu de concurrents sur le marché de l’emploi.
Finalement, le temps de travail (35, 37 ou 39 heures) ou même la défiscalisation des heures supplémentaires n’aura qu’un rôle relativement marginal, et, dans tous les cas de figure ne saurait constituer une politique de l’emploi.
La défiscalisation trouve une certaine justification économique si elle permet à une PME innovante de se développer sur un secteur qui créera des emplois innovants.
J’ajoute autre chose : des pressions sur l’emploi peuvent provenir de la puissance d’un groupe d’actionnaires qui se comportent en charognards sans vergogne : imaginons un fonds de pension qui parvient à prendre le contrôle d’une société côtée en bourse : ce fond peut exiger un dividende de 15% chaque année, et ce à n’importe quel prix, si bien que la société concernée peut alors être amené à licencier non pour des raisons de concurrence sur le coût du travail, mais à cause du coût des dividendes versés.
Que pensez-vous de ces quelques observations ?
Cordialement à vous
Anaxagore
La défiscalisation des heures supplémentaires ! essayons, mais n’est-ce pas encore du colmatage ! par contre un contrat unique semble être une bonne chose, mais là encore il y aura toujours des particularités, à mon sens ce n’est pas ces mesures qui vont raisonnablement permettre de déverrouiller l’emploi .
La meilleure de solution serait de faire revenir et venir des investisseurs créateurs d’emplois, comment ?????
@ cricri
Entièrement d’accord : les mesures sur le temps de travail sont des mesures d’aménagement, qui peuvent avoir plus ou moins de succès selon les situations locales, mais elles ne règlent pas pour autant le fond du problème qui est la création d’emplois, et la natures des emplois créés.
QUESTION : Est-ce que quelqu’un peut SAIT ce qui va être fait pour enrayer le fuite des capitaux, des cerveaux , des entreprises et du travail , et aussi pour faire revenir nos "expatriés" créateurs d’emplois ? car malgré certains aménagements il ne semble pas que l’on soit encore prêts à reconnaitre nos erreurs !
Il faudrait commencer par décentraliser avant toute chose, rendre en partie autonomes les Universités, et faire les fameux clusters de Christian Blanc.
Très franchement, s’il y avait dans ce gouvernement Alain Lambert et Christian Blanc, je l’accueillerais bien plus favorablement.
Ce n’est pas le cas, et je sens que certaines urgences vont rejoindre bientôt les oubliettes…
A Anaxagore,
Beaucoup de choses, cher Anaxagore, dans votre analyse, comme toujours marquée d’un profond bon sens.
Plus que reprendre point par point votre démonstration qui au demeurant se défend largement, je souhaite revenir sur le lien "productivité / coût du travail".
Prenons un salarié qui au cours d’un laps de temps donné produit 100. Posons (cela, c’est mon travers d’économiste : "posons l’hypothèse que …"), posons donc l’hypothèse qu’il est payé 90, et qu’il n’y a pas d’autres coûts (c’est pour simplifier). Si elle estime qu’il y a une demande pour écouler la production, l’entreprise a intérêt à l’embaucher, puisqu’elle y gagne.
Mettons que le salaire passe à 97, sans modification de la productivité. Là encore, l’entreprise a intérêt à l’embaucher, puisqu’elle y gagne toujours … Maintenant, posons que le salaire passe à 105, que se passe-t-il ? L’entreprise cesse d’embaucher. Concernant les salariés déjà en poste ; il y a des menaces ! Peut être que l’entreprise ne les gardera pas, mais en règle générale, le recours au licenciement est plutôt la solution ultime. On adaptera : recherche de gains de productivité, non renouvellement de départ etc etc etc.
Prenons l’idée qu’il faut faire « payer les patrons » : on augmente les charges « patronales ». Ceci dit, comme elles constituent un coût directement lié au salarié, elles sont un élément du coût du travail. Les augmenter conduit donc à accroître ce dernier. L’entreprise alors cherche à compenser en pesant sur le salaire direct versé au salarié et à défaut en réduisant sa capacité bénéficiaire. Dans ce dernier cas, c’est l’investissement qui est pénalisé. Vous avez ici le scénario des années 74 à 85. A la fin des années 90, Lionel Jospin avait demandé à Edgar Malinvaud s’il était possible de taxer la valeur ajoutée, plutôt que la masse salariale. La réponse a été qu’une telle mesure risquait de pénaliser l’investissement.
Prenons maintenant une politique malthusienne qui, considérant le besoin de travail de l’économie comme une quantité fixe chercherait à réduire la durée du travail hebdomadaire, en maintenant le salaire global inchangé. La productivité du travail, par exemple de 10 %, passant alors de 100 à 90. Si le salaire était de 95, on se retrouve dans une situation analogue à celle évoquée précédemment, d’autant que la demande globale n’a pas bougée. Dans un tel cas, les salariés les moins productifs ne sont pas embauchés s’ils étaient au chômage ou sont fragilisés s’ils avaient un emploi. C’est le scénario des années 2000. Les entreprises cherchent à compenser par des gains de productivité (flexibilité interne, réorganisations tous azimuts) … La détaxation des heures supplémentaires permet aux salariés d’échapper aux conséquences sociales négatives de la réduction du temps de travail imposée et d’abaisser le coût moyen de l’heure de travail, ce qui dans un pays comme la France où le travail est cher est plutôt stimulant pour l’emploi.
Reprenons vos conclusions :
« 1.Vous rénovez votre appareil de production de manière à ce qu’il soit bien plus efficient que celui de vos concurrents rendant ainsi sa valeur utile au coût de la main d’oeuvre.
2.Vous produisez sur un secteur d’avant-garde de haute technologie requièrant des spécialistes, et donc sans ou avec peu de concurrents sur le marché de l’emploi »
Vous êtes ici dans la recherche de gain de productivité. Dans ce cas, on peut comprendre que
« le temps de travail (35, 37 ou 39 heures) ou même la défiscalisation des heures supplémentaires n’aura qu’un rôle relativement marginal, et, dans tous les cas de figure ne saurait constituer une politique de l’emploi ». Cependant, accroître la productivité est un travail de longue haleine, l’action sur le coût du travail ne peut être négligée. Sur le long terme (cf une étude de Joel Bourdin évoqué sur ce blog il y a qq semaines), le principal déterminant du salaire reste la productivité.
Quant aux fonds de pension qui veulent 15 % de dividendes chaque année, … on est aujourd’hui loin du compte. Les entreprises françaises manquent plutôt de rentabilité. Celles du CAC 40 font ainsi 75 % de leur chiffre d’affaires et 80 % de leurs bénéfices à l’étranger. Pour être franc, j’ai rencontré le cas, non de fonds de pension, mais de « reprise par les salariés ». Le principe est simple : des salariés achètent leur entreprise en s’endettant à titre personnel auprès de banques et remboursent avec les dividendes servis. J’ai régulièrement observé qu’au terme du prêt, l’entreprise est exsangue, faute d’avoir eu les moyens financiers d’investir. C’est le drame d’un capitalisme sans capitaux.
pour inverser ce capitalisme sans capitaux ? on pourrait peut-être commencer par inciter le retour de certains gros capitaux partis enrichir nos voisins, plus visionnaires qui , eux, ont su réagir à temps ; il est indispensable de passer à la vitesse supérieure dans ce domaine car nous risquons d’être les petits derniers de la classe ! et ne plus avoir que nos yeux pour pleurer.
Cher AB Galiani,
Je tiens à vous dire tout d’abord que c’est toujours un plaisir d’échanger avec vous, tant vos démonstrations sont claires, nettes et concises.Plus généralement ce blog est l’archétype du blog réussi pour une personnalité politique : convivial, réactif, avec des notes intéressantes, une plus-value en termes d’information et une équipe compétente, capable d’intervenir sur des sujets pointus voire très pointus. Ce blog politique me semble un modèle pour tous ceux qui aspirent à émuler un débat sur la Toile. J’ai eu très récemment l’occasion d’en faire l’éloge (sous une autre identité) sur un autre blog assez fameux par ailleurs.
Revenons toutefois à nos moutons :
Tout votre raisonnement s’appuie sur le postulat que l’entreprise n’augmentera pas le coût de son produit si le coût du travail augmente, et, par ailleurs, vous avez pris en exemple une marge de bénéfice relativement réduite (quand je dis réduite, c’est en fait inexact au regard du cas général, mais justifié au regard de ma démonstration, pardonnez-moi ce solipsisme).
Bien sûr, sur le fond, j’adhère à votre raisonnement, mais il vaut d’autant plus que nous sommes dans le cadre d’une production lambda, sans forte valeur ajoutée et dans un contexte nettement concurrentiel.
Bien sûr, je vous suis sur votre raisonnement (je ne suis pas un apôtre des 35 heures, loin de là) mais, ce que je note, c’est que quand vous agissez sur le levier du temps de travail, finalement, c’est un levier presque micro-économique que vous activez. Vous ne modifiez pas fondamentalement la structure du travail elle-même, or, ce qui me semble par dessus tout le plus viciée, fragile, en France, c’est cette dernière. En agissant sur le temps de travail, vous agissez à la marge, que ce soit dans un sens ou dans l’autre.
En réalité, ce sont surtout les TPE qui peuvent par ce biais générer de l’emploi, mais les TPE (et je les distingue des PME) ne pourront à elles seules résorber notre chômage, ni le faire diminuer substantiellement.
Ce que je crains, au final, c’est que l’on se contente de mesurettes sans viser le fond, car la cause première de tous nos soucis, ce n’est pas le temps de travail, et si je dois en donner une preuve par l’évidence, c’est que notre problème de chômage ne date pas des 35 heures.
De toutes les gouvernements que nous avons eus ces 20 dernières années , seul celui de Jean-Pierre Raffarin semble avoir commencé à comprendre le coeur du problème (les fameux pôles de compétence) en donnant mission à Christian Blanc de faire un audit de la situation dans les régions, et en lançant un processus, mais, à l’évidence très maladroit.
Or ce gouvernement ne me paraît pas aller dans le bon sens : il y a le feu à la maison, depuis un moment déjà, et pour l’instant, il ne s’intéresse qu’au temps de travail et à la fiscalité (en vue de libérer les capacités d’investissement et/ou de consommation, je présume).
Mais à quoi bon libérer ces capacités si elles ne trouvent pas des structures performantes où se porter ? Pire, l’on risque de voir ces capitaux se libérer là où il y a de la performance économique et industrielle.
Bref, ce que je cherche à dire, au final, c’est que l’on ne met pas la charrue avant les boeufs, et c’est ce que je vois actuellement. Pire, cette charrue ainsi placée pourrait ficher en l’air le sillon dans lequel elle est censée labourer…
@ AB Galiani,
Il me reste encore quelques points à ajouter, que je n’ai pas traités, et mon propos se fera en dernier lieu plus polémique car plus politique.
D’abord les fonds de pension :
Quand j’ai parlé de dividendes à 15% j’ai pensé bien sûr à des industries performantes, et même très performantes, à forte marge bénéficiaire. Les industries pharmaceutiques en particulier. J’ai entendu quelque part que l’industrie automobile rapportait au plus 5 à 6% de dividendes, le plastique industriel aux alentours de 7-8% , qu’en somme, les dividendes varient selon les secteurs d’activité.
Je crois que nous nous sommes mal compris : ce qui compte pour un fonds de pension, c’est qu’on lui assure 15% de rentabilité, peu importe les résultats réels de l’entreprise. Bien sûr, ils vont choisir en priorité une entreprise en bonne santé, mais, une fois le contrôle du Conseil d’Administration assuré, soit par des alliances, soit directement, il leur est aisé de fixer leur rentabilité à la proportion voulue, quelle que soit la rentabilité réelle de l’entreprise : le gui qui parasite le tilleul se contre-fiche bien de la santé du tilleul dès lors qu’il croît, et nombre d’organismes parasites (et non symbiotiques !) n’hésitent pas à changer d’hôte une fois ce dernier épuisé.
Je n’ai pas l’intention de glisser dans un discours alter-gauchiste paranoïaque, mais, il faut convenir que ce phénomène existe et n’est pas si rare que cela.
En ce qui concerne la reprise d’une société par les salariés, j’ai un parfait contre-exemple : je lisais récemment un supplément économie d’Aujourd’hui en France qui titrait sur la santé extraordinaire des groupes espagnols qui partent à l’assaut de l’Europe. Or, dans ces groupes, il y un certain FAGOR, et ce qui se trouve derrière FAGOR (qui a récemment absorbé De Dietrich, fleuron de l’électro-ménager allemand) c’est une SCOP : la SCOP Mondragon.
heresie.hautetfort.com/ar…
Il est vrai que je me suis posé la même question que vous : comment font-ils pour lever des capitaux ? Bien que ce soit difficile à concevoir, à la lueur des règles capitalistiques habituelles, du moins, eh bien apparemment, les SCOP y parviennent… Mais je suis très sincère, en revanche, quand je dis que je ne sais pas comment.
Je finis avec un volet institutionnel et politique.
La lecture du livre de Christian Blanc, la Croissance et le Chaos a été une véritable révélation pour moi, surtout à considérer que je me sens très proches, dans la réflexion, des thèses de Joseph Aloïs Schumpeter, or j’ai cru reconnaître dans le travail d’observation et de réflexion de Christian Blanc une application pratique, pragmatique et modernisée des thèses de cet économiste, notamment sur le rôle de l’entrepreneur, sur la Destruction Créatrice, et sur le rôle de l’innovation.
Un des points centraux du livre de Christian Blanc, c’est que les clusters dont il parle (association région-université-entreprise) ne peuvent se mettre en place que dans le cadre d’une décentralisation très forte. On ar parlé au PS et à l’UDf de VIème République, mais, sur ce point, je crois qu’il n’y a pas urgence : l’urgence, c’est la décentralisation. Et, sru ce point, je trouve que François Bayrou l’a compris bien mieux que d’autres, notamment en souhaitant supprimer un échelon (le département) et en redonnant du pouvoir aux régions.
Je suis un adhérent de l’UDF, je ne m’en cache pas, et, à cet égard, j’ai pris un coup au moral quand j’ai appris que Christian Blanc se rangeait derrière Nicolas Sarkozy. Cette décision est demeurée un grand mystère pour moi, alors que tout à l’UDF lui souriait pour qu’il puisse mettre en place son projet économique : j’ai lu d’autres analyses très proches de la sienne chez plusieurs cadres de l’UDF.
La tradition bonapartiste dans laquelle Nicolas Sarkozy semble s’inscrire, désormais, me semble fort mal se marier avec quelque vélléité de décentralisation que ce soit.
Je me serais consolé si le gouvernement avait envoyé des signes forts de ces urgences, mais ce n’est nullement le cas : ni Christian Blanc ni Alain Lambert ne sont au gouvernement, et rien ne laisse présager une réforme radicale de la décentralisation et du rôle de l’état.
Tout au plus l’on commence à parler d’autonomie pour les universités. Je vous parie qu’elles ne seront toujours pas autonomes dans 5 ans, tout du moins, pas financièrement.
Dans l’entre deux tours, Ségolène Royal m’avait intéressé parce que je l’avais vu évoluer singulièrement : face à François Bayrou, elle a reconnu qu’elle ne faisait pas des 35 heures un point de non-retour, et face à Nicolas Sarkozy, c’est elle qui a explicité le rôle qu’elle comptait donner à l’entente Région-entreprise-Université : que du bon, de mon point de vue.
Le seul point sur lequel je tendrais à avoir confiance dans le nouveau gouvernement, c’est pour les retraites, pour lesquelles des réformes douleureuses mais nécessaires sont inévitables, et pour la financement de la santé. Mais voilà : le gouvernement commence d’emblée par un maladresse monumentale en parlant de ne pas rembourser les 75 à 100 premiers euros de frais médicaux, alors qu’il faut plutôt jouer sur le ticket modérateur.
J’ai l’impression au final que l’on va perdre encore 5 années sur les véritables urgences. François Bayrou me semblait les avoir comprises, ces urgences, lui, et j’aimais beaucoup l’idée qu’il véhiculait d’une société dont la clef de voûte était la culture, et en même temps, qui faisait de l’entreprise et de son développement la pierre angulaire de son programme économique : un beau projet humaniste, dans lequel je me retrouvais d’autant que j’ai passé un bac économique tout en étudiant le grec et le latin : ce n’est qu’après que j’ai bifurqué.
Alors voilà, aujourd’hui, je suis dépité, la tête emplie de regret, et je regarde avec amertume les temps qui se préparent.
L’UDF quant à elle dérive, une partie de son équipage ayant fui la tempête : et elle a perdu des hommes de valeur, avec des Pierre Albertini ou des Charles de Courson. Il reste à l’UDF-MoDem des hommes comme Christian Saint-Etienne dont les vues sont intéressantes au niveau économique, mais, sur le fond, la tête est décapitée, et il faudra du temps pour reconstruire.
Je vous dis tout cela, parce que cela me semblait le parti et l’équipe qui par dessus-tout aurait pu appliquer les idées auxquelles j’ai fait référence tout au long de ce billet.
Que de choses dans vos commentaires, qu’il me serait trop long de reprendre une à une, d’autant que toutes vos démonstrations, propositions, argumentations sont solides. Je ne conteste rien, sinon que je veux parfois nuancer.
Revenons en à un postulat de base : pour qu’une entreprise embauche, il faut qu’elle y trouve son compte. Ma démonstration se fait hors valeur monétaire et vous avez raison de le souligner : l’inflation, c’est-à-dire la hausse généralisée des prix, est une façon d’aligner les salaires sur la productivité. Bien sur que le chômage ne date pas des 35 heures, mais cette mesure, encore une fois dans un contexte de coût de travail cher, a accru les phénomènes d’exclusion. Les pôles de compétences, l’efficacité du système éducatif sont des facteurs d’accroissement de la productivité – toutes choses essentielles -, qui ne marcheront que si dans le même temps les entreprises ne sont pas face à de sévères contraintes malthusiennes. Par ailleurs, l’entrepreneur « schumpétérien » me semble aux antipodes de l’admiration béate de la « Fonction Publique » qui cultive le culte de la « sécurité à tout prix » et du refus de la « destruction créatrice ». A cet égard, il est révélateur que les médias évoquent systématiquement les licenciements ici ou là et beaucoup plus rarement les créations d’emploi. Il est à noter que la législation du travail tend à « fonctionnariser » le privé alors qu’il faudrait assouplir le public et notamment faire disparaître les cloisons (les « corps »). Maintenant, j’ai pu constater que certains jeunes enseignants ne sont peut être pas loin de cette notion « d’entrepreneur – innovateur – pionnier ».
Une précision sur les SCOP : rien n’empêche une SCOP d’être efficace et prenne. J’ai cité le cas de RES (reprise d’entreprise par salarié) car j’ai vu de nombreux échecs. Il y a des succès, heureusement. Ce qui est important c’est que la SCOP dégage suffisamment de profit pour s’autofinancer ; elle n’a pas d’actionnaires à rémunérer mais elle n’a pas la possibilité de faire des appels à l’épargne externe, en tout cas de façon massive – et en tout état de cause, ceux qui apporteraient des fonds n’auraient guère, par construction, leur mot à dire.
Quant à François Beyroux, vous avez, cher Anaxagore, votre opinion, et j’ai la mienne qui est sûrement fort différente … Je crois qu’ici nous nous contenterons de « respecter nos différences ».