La libéralisation – partielle – de la circulation aérienne prévue pour le 30 mars 2008 va conduire à une baisse des prix, favorable à la demande de transport aérien. Pourtant dans le même temps, la Belgique veut imposer une éco-taxe sur les vols aériens pour faire « payer la pollution », presque un an après la décision d’une quinzaine de pays – dont la France – de taxer les vols aériens (sans lien a priori avec le CO2, il est vrai). Au sein d’autres pays comme la Norvège ou l’Allemagne, le débat est lancé sur la taxation des billets eu égard à la pollution engendrée par les avions et gageons qu’il va s’étendre. A l’inverse de la mesure précédente, l’application du principe « pollueur – payeur » devrait ainsi contribuer à augmenter le prix du billet. Alors, était il nécessaire de mettre en place un dispositif favorable au consommateur quand dans le même temps on réfléchit à une mesure qui lui sera défavorable, avec au final un résultat qui pourrait être neutre ? La réponse est positive en vertu de deux principes qui sont la régulation du marché et la vérité des coûts.

Jusqu’à présent le droit de desserte aérienne (notamment le cabotage) en Europe et aux Etats Unis était extrêmement restrictif, limitant cette faculté à quelques compagnies dûment autorisées. L’accord « ciel ouvert » autorisera à compter du printemps 2008 toute compagnie US ou européenne de desservir n’importe quel aéroport sur l’autre continent. Le marché va donc passer d’une situation oligopolistique, c’est-à-dire avec peu d’entreprises, à une situation beaucoup plus concurrentielle. Les entreprises aujourd’hui présentes vont donc devoir s’adapter par une meilleure maîtrise de leurs coûts et une offre plus large.

Concrètement, un marché peu ou pas concurrentiel permet de dégager des « surprofits ». Ces « surprofits » sont interprétés par les investisseurs comme un appel à entrer ; le marché a ainsi véhiculé une information signifiant clairement une opportunité … d’où la nécessité d’une réglementation pour protéger l’oligopole, c’est-à-dire à empêcher un mécanisme de régulation qui aurait permis d’adapter l’offre à la demande. Le consommateur est alors piégé et doit durablement payer le prix fort. Ces surprofits peuvent aussi prendre une forme non comptable : ainsi les monopoles publics français connaissent une forte sous productivité, sans oublier les systèmes de retraite trés généreux offerts à leurs salariés, et il n’est que de constater dans quelle proportion ont diminué les prix des billets d’avion ou des communications téléphoniques après l’ouverture à la concurrence. D’ores et déjà, British Airways traverse des turbulences en bourse. Certains économistes précisent toutefois, et non sans raison, que la concurrence génère des coûts nouveaux, notamment de publicité. Ce n’est pas faux, mais on peut se demander si la publicité est l’apanage des marchés concurrentiels. Il n’est que de regarder le comportement d’EDF ou de la SNCF !

Est-ce dire pour autant que l’Etat doit être absent ? Non certes. C’est à lui de fixer les règles de fonctionnement, comme par exemple, celles régissant la sécurité, et d’en vérifier le respect. Mais pas seulement ! Il permet de prendre en compte les « externalités », c’est-à-dire les conséquences d’une activité sur les tiers. Ces externalités peuvent être positives si elles sont favorables à la Collectivité ou négatives si elles lui sont défavorables. En l’occurrence, la pollution, et notamment la production de dioxyde de carbone, est clairement une externalité négative. Le rôle de l’Etat est alors de « l’internaliser », c’est-à-dire de contraindre les entreprises à l’inclure dans leurs coûts, ces derniers n’étant jamais qu’une destruction de richesses dans le but d’en obtenir une nouvelle que l’on peut espérer plus importante. Par un impôt adéquat, dont l’assiette précise fait l’objet de débats animés chez les économistes, les entreprises paient à la Collectivité, représentée par l’Etat, le dommage qu’elle lui cause. Cette éco-taxe est aussi une information véhiculée par le marché avec des impacts sur la demande et sur l’investissement des entreprises concernées. Une éco-taxe bien appliquée par exemple pourra sanctionner plus lourdement les gros pollueurs et donc encourager à des investissements plus respectueux de l’environnement.

En conclusion, la conjonction des deux pourrait être neutre pour le consommateur en termes de prix. Et pourtant, par comparaison avec une organisation oligopolistique, le fonctionnement du marché en sera stimulé, qu’il s’agisse de maîtrise des coûts, de qualité de l’offre et de réduction de la production de CO2. Il faut simplement comprendre que les agents perçoivent les informations véhiculées et y réagissent.