Je vous recommande la lecture du « Point de vue » d’Edgard Pisani publié à la Une de Ouest-France de ce matin, intitulé « Vive la réforme ! » Même si je suis réservé sur certaines suggestions, j’adhère pleinement à l’orientation générale du texte qui exprime le fond de ma pensée sur l’état d’esprit que devraient épouser les Français pour préparer l’avenir. Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous. Mais le défi de la France d’aujourd’hui n’est-il pas de parvenir à faire ce que tous les gens de bon sens et de bonne volonté pensent indispensables ? Et que les réformateurs l’emportent sur les conservateurs. En veillant à ce que ces derniers ne se dissimulent pas sous le masque de vertus insincères.

Voici le texte du « Point de vue » :

Vive la réforme !
par Edgard Pisani (*) Ouest-France du jeudi 1 mars 2007
La révolte peut déboucher sur la résignation ou la révolution. Pour être utile, elle peut appeler, inspirer, exiger la réforme. « Vive la réforme » donc.
Quelle est notre réalité ? L’État nous a appris à tout attendre de lui. Nous réclamant de droits acquis, nous nous comportons en assistés. L’administration foisonne et pèse sur l’économie et la société. Quand la vie s’allonge, nous partons en retraite plus tôt. Nous léguerons à nos héritiers un pays en faillite car nous sommes endettés et notre croissance est l’une des plus faibles d’Europe. Les rémunérations de certains dirigeants d’entreprise défient l’opinion. La rémunération des actionnaires prime trop souvent toute autre considération.
Nous ne nous préoccupons pas assez de l’économie ni de la croissance, conditions et moteurs de tout progrès social. Variable d’adaptation de l’économie et mis au service de machines, le travail devient une servitude. Les agriculteurs doutent de leur avenir et sont contraints à l’exode vers des villes et des banlieues encombrées. Natifs ou immigrés, jeunes turbulents ou vieux immigrés, les laissés-pour-compte sont des millions.
Privilégiant les diplômes, peu attentif à l’éducation permanente, notre système éducatif ne favorise pas le progrès de chacun à chaque âge. Notre recherche n’invente guère ; elle progresse ailleurs à très grands pas.
Il nous faut choisir entre une résignation au déclin et une mise en cause de nos manières d’être, de penser, de nous gouverner.
Des propositions de réforme par la loi :
1) Les institutions politiques. Arbitre et guide, président de tous les Français, pouvant s’adresser directement aux Assemblées et demander une seconde lecture des textes législatifs, le Président sera élu pour sept ans et ne pourra se représenter. Un président garant de la durée et un Premier ministre consacré à l’action réhabiliteront ensemble le Parlement.
2) L’État et l’administration. L’État méritera le respect lorsqu’il exercera pleinement mais seulement les fonctions d’administration générale, de médiation, de protection, de représentation, d’anticipation nationales. Le temps est venu de définir les compétences et les règles de l’État et de l’Administration ;
– de repenser le recrutement et la formation de la haute fonction publique ;
– de limiter les effectifs du gouvernement et des cabinets ;
– de préciser ce qui est de compétence publique, de définition publique et de gestion sous contrat, et ce qui relève de la Loi seule en sa fonction de définition.
3) Éducation, formation continue et Recherche.
– Le gouvernement, la société, l’économie, les enseignants et chercheurs doivent élaborer une vision commune, réhabiliter l’école et le laboratoire.
– L’évolution des connaissances relativise l’importance du diplôme et valorise la formation permanente.
– L’afflux des informations exige du maître qu’il enseigne un art personnel d’apprendre. Internet faisant de nous des extravertis, les adolescents ont besoin d’apprendre à se retrouver eux-mêmes.
– La prolétarisation de ceux qui se consacrent à la formation et à la recherche dans le secteur public est dangereuse.
4) Le système social. Durée de la vie qui augmente, âge de la cessation d’activité qui s’abaisse, budget social qui s’accroît suggèrent que soient inventées les conditions d’exercice d’une « seconde activité » qui, donnant du sens au nouveau troisième âge, permettrait que soient accomplies des tâches d’intérêt public et que soit augmentée la pension de la retraite du quatrième âge.
Avant que soient lancés les chantiers de réformes, le nouveau président devrait installer un Conseil de la réforme, exprimant la diversité des générations, des régions, des métiers, des opinions, des croyances et des organisations représentatives. Ce conseil présenterait dans les deux mois un « état de la France » et l’esquisse d’un « projet pour la France ».
Nous devons investir au profit de l’avenir : il nous faut, c’est vrai, sacrifier l’immédiat au futur. Nous dérobant ou remettant à demain, nous choisirions le déclin.
(*) Ancien ministre de l’Agriculture, puis de l’Équipement, commissaire européen, délégué en Nouvelle- Calédonie.