Comme je le disais dans le post précédent, la sagesse commanderait d’en finir avec ces querelles de boutiques qui n’éclairent en rien les grands enjeux. Une fois encore, je veux rappeler mes doutes sur l’utilité de ces démarches de chiffrage individuel, mesure par mesure. J’en connais les limites. Parce que je les ai vécues, sans interruption, pendant 15 ans, comme Rapporteur Général du Budget, comme Président de Commission de Finances ou comme Ministre du Budget. Quel que soit le soin apporté au chiffrage d’une mesure, l’aléa est total ! Les risques d’erreur vont du simple au double. Voire au triple. Je remarque que, quels que soient les gouvernements en fonction, les amendements parlementaires sont assortis d’un avis défavorable au motif qu’ils coûtent tous des fortunes dont les montants plongent souvent leurs auteurs dans un abîme de perplexité. Je constate que, quels que soient les gouvernements en place, les prévisions de croissance, de recettes fiscales, donnent lieu à des controverses irréconciliables. Et je remarque, avec ironie, que personne ! Absolument personne ne s’intéresse, au terme de l’année, de savoir qui avait raison ou tort et quel a été l’écart entre la prévision et la réalisation. Cette propension française à se disputer systématiquement et à l’infini sur les prévisions sans jamais s’intéresser aux résultats est une calamité dont nous devrions essayer de nous guérir.

Je ne l’ai pas par devers moi, mais je vous publierai, dans la semaine qui vient, un tableau vous relatant les écarts, sur les années qui viennent de s’écouler, entre prévisions et réalisations sur la croissance de l’économie, sur les recettes fiscales et autres fondamentaux de nos comptes publics et vous verrez combien les débats manichéens sur les chiffrages ex ante sont dérisoires.
Quelques exemples à propos des débats en cours :
– En recettes : Nicolas Sarkozy propose d’alléger les prélèvements de 15 Mds€ sur 5 ans ? Est-ce possible ? Il en a été fait 23 lors de la présente législature ! Dois-je rappeler que le total des recettes publiques, toutes administrations confondues, est de près de 900 milliards d’euros. Dois-je ajouter que sur la seule année 2006, et malgré des prévisions contestées par personne, et sur les seules recettes de l’Etat, les plus values ont été de 10 milliards d’euros ! Ces seuls chiffres illustrent combien le débat sur les allégements fiscaux n’a d’intérêt que dans le principe et non dans le quantum dont le réalisme est évident.
– En dépenses : Le candidat envisage des mesures prioritaires d’un coût d’environ 15 Mds€ également, en 5 ans, finançable par redéploiement sur une masse de dépenses annuelles d’environ 600 milliards. Serions-nous sclérosés au point de ne plus être capables de redéployer 1% de nos dépenses ? Espérons que non !
– En solde budgétaire : La cible qu’il s’est fixée de ne pas dépasser 1,5 % de la richesse nationale en fin de législature correspond à la trajectoire actuelle de nos finances publiques, laquelle n’a pas été saluée comme exceptionnelle. Alors qu’avec le volontarisme qu’il exprime, l’espoir d’une croissance plus soutenue est légitime. Là encore, le débat n’est pas savoir si c’est faisable ou pas. Que ce soit faisable est une évidence. Que l’on souhaite faire mieux et plus vite serait une controverse beaucoup plus utile car elle éclairerait la sempiternelle question de savoir si la croissance optimale s’obtient par un mixte entre allégement et réduction du déficit ou par le seul objectif du retour à l’équilibre. La démocratie se nourrirait d’un tel débat. Plutôt que de cette bataille de milliards qui ne parlent à personne.
Au final, la confiance des Français s’exprimera au bénéfice du candidat qui propose des caps clairs, des ambitions collectives, des exigences fortes, et qui traduit ses propositions en langue citoyenne, pour être compris par tous, et qui fait appel à ce que les Français ont en partage : le bon sens !