Ce fut un réel et très sincère plaisir pour moi d’aller aujourd’hui à la rencontre des plus hauts fonctionnaires de l’Education Nationale présents à l’université d’automne de leur ministère à La Rochelle, qu’ils appartiennent à l’administration centrale ou aux services déconcentrés et notamment les Recteurs. J’ai pu leur exprimer toute ma gratitude, et celle de Didier Migaud, pour le travail accompli depuis l’entrée en vigueur de la réforme budgétaire (LOLF). Les gestionnaires ont su s’adapter à une logique nouvelle, celle de la transparence et de la performance. En tirant déjà profit de la souplesse qui leur est offerte depuis le 1er janvier 2006. Nous avons eu un échange franc et direct et j’ai beaucoup apprécié la sincérité des questions, l’ouverture d’esprit qui inspirait chacune d’entre elles, et l’évidente envie partagée de réussir cette réforme copernicienne. J’ai souhaité profiter de l’occasion qui m’était offerte pour leur dire combien j’espérais qu’ils seraient à l’avant garde de cette grande aventure de modernisation de notre gestion publique. D’abord parce que l’Education est le ministère qui emploie, et de loin, le plus de fonctionnaires et aussi celui qui utilise le plus de crédits publics. Puis aussi parce que c’est le ministère des générations futures. Et il est important qu’il porte aux jeunes un message pour leur dire que les générations présentes, conscientes de la dérive de leur gestion, ont voulu relever le défi pour leur transmettre un pays peuplé d’habitants bien formés, où les comptes publics seront redressés, avec une capacité retrouvée de financement pour les retraites et la santé de tous ceux qui font, chaque jour, des gains d’espérance de vie. Même si tout n’est pas facile à admettre du discours d’un budgétaire, j’ai eu le sentiment qu’ils m’écoutaient et respectaient mon point de vue. Je les en remercie très sincèrement. Un grand merci encore pour l’accueil chaleureux qu’ils m’ont offert.
Ci-joint la base du propos introductif qui m’avait été préparé pour ce déjeuner-débat.
Ce que je vois dans votre intervention, Monsieur Lambert, c’est que vous ne vous intéressez qu’à la performance budgétaire, et uniquement à cette dernière, de l’Education Nationale.
Je ne vois de réflexion sur l’essence de l’Education elle-même.
Même si je reconnais bien évidemment que l’aspect budgétaire doit être pris en considération, si vous ne donnez quitus aux différents administratifs qu’en fonction des économies qu’ils réalisent, il est clair que vous obtiendrez d’autant satisfaction que ces administratifs des échelons supérieures ne paient jamais leurs errements, ne sont comptables d’aucune de leurs erreurs ni de leurs rond-de-jambe et ne partagent en commun avec un grand nombre de politiques que la volonté inaliénable de s’accrocher coûte que coûte à leur pouvoir.
Je ne vois aucune volonté de modifier les rouages de l’Education Nationale, mais seulement celle de faire des économies sans se préoccuper du reste.
A Anaxore : Rassurez-vous, je n’avais pas été invité pour proposer une réforme de l’éducation nationale, d’abord parce que je n’en ai pas la légitimité, puis tout simplement parce que le thème que l’on m’avait confié était budgétaire. Mon propos n’était qu’introductif. Il a duré 10 minutes. Puis pendant deux heures, je me suis soumis aux questions de la salle. Nous avons traité des objectifs de l’éducation, des indicateurs de performance, des réallocations de moyens entre objectifs etc. Ne soyez-pas pessimiste !
Cher Alain Lambert,
Pour être précis, ce avec quoi je suis en désaccord dans votre propos introductif, c’est cela :
« Nous sommes pénétrés de l’idée qu’il faut absolument faire confiance aux gestionnaires, car c’est le pari de la LOLF ! ».
Je suis intimement convaincu que les objectifs de la LOLF échoureont, parce que la LOLF a vocation à être un outil au service d’une politique et pas un but en soi.
Permettez-moi un raccourci dans un autre domaine : à propos des régularisations et des expulsions de sans-papiers, constatez comment les traitements diffèrent d’un préfet à l’autre, et on a le sentiment au final que c’est le chiffre final (l’expulsion d’un nombre lambda de sans papiers) qui fait le mérite d’un préfet, bien loin des considérations humaines (des critères ont pourtant été définis, notamment la volonté d’intégration).
Je reviens donc à notre LOLF : je pense qu’il se produira la même chose. Si vous demandez des économies, les plus ambitieux vous les feront, ils produiront du chiffre, mais rien ne dit que leurs services seront gérés avec intelligence et humanité.
Je pense même le contraire et me méfie des gouvernements de technocrates. Il faut une volonté politique puissante, bien au contraire, et déterminée, pour amener (et parfois contraindre) les gestionnaires à effectuer un virage dans leurs pratiques.
tenez, un exemple, cette fois, qui vous conviendra : comme ministre de l’Education, je me suis souvent retrouvé en opposition avec la pratique de François Fillon, mais, il faut lui reconnaître qu’il a su s’entourer d’une équipe capable de mener une politique pour l’Education Nationale qui était indépendante des chapelles.
Tout particulièrement dans mon secteur (j’enseigne les humanités classiques) il a pris une mesure (qui ne coûtait rien mais s’est avérée efficace) dont les effets se sont faits sentir après son départ.
Il a remonté le coefficient des langues anciennes au bacalauréat, constatant avec justesse que la pratique assidue du grec ou du latin depuis le collège méritait tout de même plus d’indulgence et de récompenses que le TPE (travail personnel encadré) réalisé en un an.
Pour faire cela, il fallait simplement de la volonté, la volonté de le faire, tout simplement, et il l’a eue. Les ministres précédents se sont montrés lénifiants au possible sur les langues anciennes, mais au final ont contribué à leur déclin.
Or, depuis cette mesure de François Fillon, on a constaté comme par enchantement, que les effectifs d’inscrits au bac en langues anciennes avait brutalement remonté de 20%.
C’était simple, mais efficace, il suffisait de le vouloir. D’ailleurs, en tant que professeur de langues anciennes, je tiens à spécifier que les relations ont été bonnes avec son équipe et le dialogue très courtois.
Après bien sûr, il y a plein de choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord dans ses idées, mais, politiquement, c’est quelqu’un qui dit ce qu’il pense et qui a une volonté véritable, qu’elle se manifeste à bon ou à mauvais escient (il a eu par exemple le courage de s’attaquer au problème des retraites, même s’il a été extraordinairement maladroit sur le sujet…).
En conclusion, ce qui compte, ce ne sont aps les gestionnaires (horresco referens !!!) mais bien au contraire les politiques, leur capacité à impulser un mouvement.
Le seul bémol que je place sur cette assertion, c’est qu’il est vrai qu’il faut réussir à s’implanter dans des "réseaux" pour pouvoir mener son action en impliquant et intéressant des relais.
De ce point de vue, Ségolène Royal se trompe complètement avec sa "démocratie participative" et ses "jurys populaires".
Je ne la vois pas mener une grand epolitique sans réseaux, or, elle n’a pas de réseaux, et c’est bien ce qui la fera échouer.
Excusez cette courte disgression.
A Anaxore, j’accepte volontiers d’être soupçonné d’obession budgétaire attendu mon passé. Mais vous vous doutez bien qu’à mon niveau d’occupation, le propos introductif comme celui que j’ai annexé à mon post n’a pas été rédigé par moi, mais par une personne de grande qualité qui ne partage pas obligatoirement mes idées ! Mais qui pense, comme moi, que le rapport coût / efficacité de nos administrations n’est pas au niveau le plus élevé. Ensuite, il est absolument vrai qu’aucune réforme ne peut porter des fruits que si ceux qui ont la charge de la mettre en oeuvre en respectent l’esprit. Je parie sur le sens civique de chacun. Sinon, il faut ferme la boutique et aller à la pêche. Cordialement,