Lisez l’excellent papier dans le Monde du 21 octobre dernier qui traite du sujet éternel qu’est la fiscalité. Faut-il l’augmenter ou la diminuer ? Deux débatteurs d’excellent niveau confrontent leurs idées : Alain Madelin, ancien ministre, Député, un des vrais libéraux siégeant au Parlement. Et Thomas Piketty, Economiste, aux idées opposées du précédent. Leurs positions respectives sont évidemment antinomiques, mais je trouve la mise en perspective intéressante. Le débat public manque souvent de fondements et les échanges fleurent parfois le café du commerce. Là, nous en sommes loin. Les idées défendues de part et d’autres ont été murement réfléchies et méritent d’être débattues. C’est la proposition que je vous fais. Echangez sur le sujet grâce à vos commentaires et cela enrichira encore le débat. Il ne surprendra personne que je me retrouve davantage dans les idées d’Alain Madelin que dans celles de Thomas Piketty, même si je reste réservé, pour l’instant, sur la baisse des impôts, tant que nous ne serons pas revenus à l’équilibre de nos comptes publics. Objectif qui doit impérativement être atteint au terme de la prochaine législature, sauf à descendre en 2nde division.
Le lien ne fonctionne pas …
Le lien vers la page du Monde ne fonctionne pas !
Voici le lien, sur le site du monde, permettant d’écouter ou telecharger la conférence.
http://www.lemonde.fr/web/articl...
Personnellement, je crois que le niveau de la fiscalité est une question secondaire. La question la plus importante est celle de l’efficacité des dépenses publiques. Et ce que j’aimerais entendre pendant la campagne présidentielle, ce n’est pas "yaca baisser les impôts" ou "yaca augmenter les impôts pour dépenser encore plus". Ce que j’attends, c’est qu’on m’explique comment faire mieux avec moins.
Ensuite, je suis d’accord avec vous quand vous dîtes que baisser les prélèvements n’est pas forcément tout de suite souhaitable. D’abord dégraisser à la hache. Et c’est seulement quand on aura fait baisser sensiblement notre endettement et qu’on aura des excédents budgétaires qu’il sera temps de s’interroger sur une baisse des prélèvements.
Reprenant à mon compte le premier constat de grosblaireau, je rejette l’intégralité de l’argumentaire de Piketty au motif de l’inefficacité avérée de la puissance publique.
La question de la fiscalité est donc tout à fait secondaire par rapport à celle, primordiale, de la réduction du périmètre des puissances publiques lointaines (région, gouvernement, europe) au plus petit périmètre imaginable, au profit d’éventuelles entités publiques de proximité, agissant de manière transparente au vu et au su de la population, et, idéalement, dirigée par des dirigeants nommés par la population du périmètre d’intervention.
La question fiscale ne mérite donc d’être posée qu’une fois définie la réponse à la question du périmètre de l’état.
Je n’ai pu lire cet article. Ceci dit, il me semble qu’en préalable, il est nécessaire de poser la problématique.
Qu’attend on de l’impôt et de la redistribution ? quel est le bon niveau de dépenses publiques ?
Concernant le niveau de l’impôt, Jacques Mistral (in "Notre Etat"), à partir de 3 types de pays, apporte un éclairage en montrant qu’il n’y a pas de niveau idéal d’imposition (encore qu’il faudrait nuancer quand la pression fiscale tend vers 100%) mais que tout dépend de ce que finance l’impôt. Si l’impôt a pour fonction de financer des services collectifs, le fait que l’Etat les assure doit offrir un avantage certain par rapport à une fourniture privée. Force est de constater qu’aujourd’hui, cette obligation d’efficacité est perdue de vue pour pour ne prendre en compte que les intérêts de ceux qui assure ces services.
Concernant la redistribution, quel est son objectif ? plus d’égalité ? mais l’égalité est ce « tous pareil ? »ou "« liberté de choisir les différences » (je prépare un billet sur ce thème) ? lutter contre la pauvreté ? mais quelle en est la cause ? Le credo de gauche assimile la pauvreté au capitalisme mais l’argumentation ne résiste guère à l’observation.
Peu importe le niveau d’impôt donc si les dépenses sont efficaces, bref, si chaque € dépensé l’est utilement :
– En France, l’impôt finance des dépenses inutiles dont l’accumulation paupérise le pays ;
– La redistribution est distraite de son objectif, la lutte contre la pauvreté, pour devenir l’enjeu de groupes de pression ;
Je rejoins donc ce que dit notre ami Grosblaireau, avec beaucoup de bon sens.
La cause première de la pauvreté c’est une insuffisance de productivité : la France est un pays où les contraintes économiques et juridiques sont fortes : 35 h, obligation pour le privé de prendre en charge la faible productivité du public et ses systèmes de retraite. Donc élimination des moins productifs : la forte productivité horaire des Français est la marque d’une élimination sociale.
Il me semble que l’école aujourd’hui et depuis de nombreuses années, joue un rôle négatif dans la pauvreté. Enfermé dans une logique corporatiste, elle n’admet ni la concurrence ni la pluralité des enseignements. Elle élimine donc à tour de bras. Croire qu’il suffit de redistribuer pour réduire la pauvreté revient à affirmer qu’il suffit de faire tomber la fièvre pour guérir.
Enfin, il faut voir les limites de la pression obligatoire : sur les salaires dépassant 1,6 fois le SMIC, dans le secteur privé, les prélèvements sur le coût du travail (c’est-à-dire "salaire brut + charges employeurs") représentent à peu prés la moitié. Auxquels il faut ajouter IRPP, TVA, fiscalité locale … bref : au total, ce sont à peu prés les 2/3 de ce que paie les entreprises au titre du travail qui est prélevé : la marge de manœuvre est désormais faible pour augmenter les impôts, sauf à vouloir que plus personne n’aie d’intérêt à travailler et à investir.
C’est toujours la même question fondamentale : à savoir de la poule ou de l’œuf, lequel est à l’origine de l’autre ?
Il n’est plus à démonter que non pas les impôts seuls, mais l’ensemble des prélèvements de toutes natures, asphyxie la création de richesse, quand elle ne la tue pas. Et cela d’autant plus, qu’on se trouve dans une économie concurrentielle de marchés ouverts, avec des pays qui n’ont pas le même niveau de prélèvements.
Ces prélèvements, servant en grande partie à alimenter une sphère publique pléthorique, dont une moitié est une charge qui n’est d’aucune utilité à cette création de richesse.
Alors certains prétendront que les prélèvements élevés servent à la redistribution, donc à la justice sociale, et sont donc réinjectés dans l’économie pour contribuer à la croissance.
D’autres prétendront qu’il faut des prélèvements élevés pour que l’état s’engage sur des missions qui ne sont pas les siennes.
Balivernes !
Les gens informés savent très bien que des structures privées petites ou grandes, sont infiniment plus efficaces, que ne peuvent l’être les dinosaures de la sphère publique.
Pour les très ardents défenseurs des prélèvements et de la dépense publique que l’on trouve essentiellement à gauche, il suffit de s’interroger sur la provenance de leurs revenus, pour s’apercevoir qu’ils vivent tous dans la sphère publique, et donc sur l’argent des contribuables.
On comprend bien alors, qu’ils soient très attachés à ce que la pression fiscale ne diminue pas !
Ce qui est évident, c’est que la sphère publique est la clé du problème, mais on vient de passer un quinquennat, qui sur ce plan la n’aura servi à rien, alors que les attentes (de la part de ceux qui créent de la richesse) étaient énormes.
Alors doit t’on baisser la pression fiscale, sachant qu’elle nuit à la création de richesse et que la dette est énorme ? on en revient à l’éternelle question de la poule et de l’œuf.
J’ai pris connaissance du débat entre Alain Madelin et Thomas Piketty. Au risque de justifier l’appellation de "centriste marécageux" qui me fut adressée un jour sur ce blog, je ne trouve pas ces deux analyses forcément antinomiques …
Toutefois je voudrais apporter une précision sur l’élargissement de l’assiette des prélèvements obligatoires préconisées par T.Piketti à l’ensemble des revenus pour le financement de certaines prestations sociales . Cette idée ne me choque pas, mais je pense qu’une telle mesure serait plus symbolique que rentable :
En 2004 (chiffres arrondis et hors entrepreneurs individuels), voilà d’ou viennent les revenus des ménages :
La rémunération du travail s’est élevée à 866 milliards d’euros, soient 644 milliards au titre des salaires bruts et 232 milliards au titre des cotisations dites "employeurs".
Les revenus de la propriété se sont élevés à 116 milliards, dont 28 milliards de dividendes reçus. Pour le reste, il s’agit principalement d’intérêts de placement, y compris des ménages modestes, dont il ne faut pas sous estimer le bas de laine et dont je conçois mal le "matraquage" fiscal.
Il reste 132 milliards que les "comptables nationaux" classent dans l’appellation technique "d’excédent brut d’exploitation des ménages" : ce sont sont les loyers perçus, soit par ceux qui mettent leur "parc immobilier" en location, soit par le loyer fictif que se verse à eux même les propriétaires de logement . Il me semble difficile d’inclure cette deuxième composante dans l’assiette.
Le gros de l’assiette reste donc restera donc par la force des choses la rémunération du travail.
idem grosblaireau :
"La question la plus importante est celle de l’efficacité des dépenses publiques. "
il me semble toutefois que par construction la dépense publiques est inefficace, et qu’il convient donc de la réduire au minimum, et les impôts avec.
Sur le marché on choisit élément par élément en composant la panoplie qui convient à peu près. Chaque élément est optimisé séparément, sans perdre de vue l’optimisation globale. Il y a un minimum de choix, ça permet de comparer objectivement avec la solution du voisin et de modifier le choix en toute connaissance de cause pour la prochaine fois
Sur la dépenses publique je ne peux m’exprimer que globalement, alors que je sais, je vois bien, qu’il y a du bon et du mauvais. Mais je n’ai pas le choix, c’est un tout à prendre ou à laisser globalement ! Et encore, si je peux m’exprimer (personne ne m’a jamais rien demandé sur la Sécu, par exemple) !
Pire encore : il est impossible de juger concrétement des alternatives, car le même choix public est appliqué à tous en même temps, sans possibilité de comparaison ; impossible de débattre sereinement sur des réalités objectives. Le champs est libre pour les insultes, les grandes gueules, et les arguments foireux (autorité, sentimentalité, etc.) ; et même les coups et blessures, voire les morts.
après lecture, il me semble q’uil y a bien des point communs entre les deux auteurs, beaucoup plus que d’opposition.
petite liste des accords :
* intégrer la CSG dans l’IR
* rapprocher le salaire net du cout pour l’employeur
* améliorer la transparence de l’impôt,
* séparer ce qui relève de la solidarité nationale, et ce qui est un élément de salaire
* supprimer un maximum de niches fiscales
* remplacer des taux énormes sur une base bénéficiant de nombreux abattements par des taux plus faibles sur une base plus étendu
* prélèver à la source
* pour prélever à la source il faut mettre à la poubellle le quotient familial et donc compenser ça par une allocation par enfant (mathématiquement, c’est pas tout à fait équivalent, mais presque) : c’est le "revenu familial" (impôt négatif) de Madelin, les "prestations familiales" financées par l’impôt de Picketty : le vocabulaire est différent, le concept est bien le même.
* l’un comme l’autre estime que, en valeur absolue, l’impôt augmentera, et que se sont bien les plus riches qui contribueront le plus au gain
alors, la différence ? Madelin estime qu’il faut baisser les impôts pour stimuler la croissance (et encaisser plus d’impôts !), Picketty estime que non. Ce n’est pas une différence de structure, c’est une différence de coefficient… Il y a aussi explicitement l’expression "assurance" pour Madelin, Picketty n’aborde pas ce sujet.
bref : l’opposition est plus artificielle que réelle, en tout cas sur ce sujet.
A Gem,
Cher Gem, je vous trouve bien féroce et un tantinet injuste quand vous écrivez que par construction, la dépense publique est inefficace. Je serais tenté de dire que la dépense publique est aussi efficace que la dépense privée quand celle ci est correctement régulé. A votre décharge, j’ajoute qu’en France, mettre des activités sous administration de l’Etat, c’est les faire echapper à la régulation.
je lis un peu plus haut qu’il faut prélever l’impot à la source. Pour moi c’est une atteinte grave à le démocratie car le citoyen ne voyant que le virement de son employeur, le trouvera bien chiche. Aujourd’hui lit-il les lignes "charges employeur" de son bulletin de paye, qui en double le montant versé, tout comme il rale contre les pétroliers avec leur essence hors de prix sans réaliser qu’il y a 75 ou 80 % d’impot dans le cheque qu’il donne au pompiste.
Reporter sur l’employeur la collecte de l’impôt décidé par les députés est irresponsable : Toutes les révolutions à commencer par l’anglaise du XII siecle, ont pour origine une pression fiscale trop élevée et injuste.
L’impôt à la source, encore une belle idée, qui ne concernerait que les salariés, c’est à dire ceux qui déja ne peuvent frauder.
Je suis curieux de lire sur ce blog d’où provient la fraude fiscale…
Aux finances ou au budget on doit bien avoir quelques idées, certains rapports de syndicats des impôts devraient éclairer nos politiques, mais je crois que la volonté fait à ce sujet malheureusement défaut.
@raleur
le but du prélèvement à la source est de réduire les frais de collecte de l’impôt sur le revenu. D’ailleurs, si le coût de la collecte des impôts peut être réduit (et il y a des possibilités importante de réduction de ces coûts), c’est autant d’impôt en moins à payer.
Un exemple pris dans "le grand gaspillage" de J. Marseille. Avant la réforme de la collecte de la redevance audiovisuelle, 1500 fonctionnaires, pour un cout de 150 millions d’€ par an, étaient affectés à cette tâche pour prélever environ 2 milliards d’€. La redevance étant maintenant prélevée en même temps que le impôt locaux, c’est 150 millions d’économie.