L’Union Fédérale des Consommateurs (UFC) se fâche très fort. Il n’est que de lire les termes de son communiqué récent : « Depuis un mois, le prix du baril a baissé de 14 % tandis que la baisse du prix du gazole s’est limitée à 2,7 % et celle du prix de l’essence sans plomb a été de 8 %. Les compagnies pétrolières ont donc renié l’engagement qu’elles avaient pris auprès du ministre des finances en octobre 2005. » Bref ! Si le prix du baril baisse, le prix du carburant devrait baisser d’autant. Pour séduisant qu’il soit, ce raisonnement est pourtant très largement inexact.

Raisonnons par l’absurde. En début d’année 1999, le prix du baril (le « brent ») est de 10 €. Au début 2005, il atteint 40 € et il y a quelques semaines, 75 €. S’il existait un parfait parallélisme entre prix du baril et prix du carburant, nous aurions du payer notre litre de gas-oil environ 2,8 € en 2005 et 5 € au cours de l’été soit 7 fois plus qu’en 1999. Or aujourd’hui, il n’a pas dépassé un niveau compris selon les fournisseurs, entre 1,10 et 1,25 €. Il est même redescendu très récemment en dessous de 1,10 € chez mon pompiste habituel. Autrement dit, une augmentation de 650% du prix du brut s’est traduite au pire par une augmentation de 80% du prix du carburant.

Pourquoi donc ce mystère ? Tout simplement, parce que le prix du carburant à la pompe est la composante de plusieurs coûts, parmi lesquels le prix du pétrole, certes, qui suit le prix du marché et connaît les amples fluctuations évoquées supra, mais aussi le coût du raffinage et les taxes. Or, ce coût du raffinage et ces taxes (à l’exception de la TVA) sont fixes, ce qui contribue à atténuer les variations du prix du brut dans le prix du carburant, et ce, d’autant plus fortement que leur part dans le coût est élevé. Démonstration en raisonnant « hors TVA » : En 2005, le prix moyen du super sans plomb hors TVA est d’1 €, se décomposant en 0,61 € de « taxe intérieure sur les produits pétroliers (la célèbre TIPP) », 0,07 € de coûts de raffinage et de transport, et 0,32 € de produits pétroliers stricto sensu. Diminuons le prix du produit pétrolier de 15 %. Il ne représente plus alors que 27 centimes et le prix du litre hors TVA passe à 0,95 €. La baisse n’est donc plus que de 5 %. Au final, les variations sont fortement atténuées parce qu’elles ne portent que sur un élément minoritaire du prix du carburant. La diminution du produit final est 3 fois moindre que celle de la baisse du pétrole, puisque la matière première ne représente que le tiers du prix. En refaisant le calcul avec un litre de super TTC à 1,40 €, une variation de 15 % du prix du pétrole entraîne une variation de l’ordre de 7 à 8 % … Juste ce que l’UFC a observé !

Au demeurant, on relèvera que l’essentiel du prix du carburant, ce sont les taxes. Faut il s’en plaindre ? Je n’en suis pas convaincu à l’heure ou les rejets de gaz carbonique sont de plus en plus fortement dénoncés.

Maintenant, que dire de la réaction de l’UFC qui apparaît très largement exagérée ? Loin de vouloir mettre en cause les associations de consommateurs, je rappelle qu’elles accomplissent un travail remarquable et contribuent à la régulation concurrentielle que j’appelle de mes voeux. Cependant, « qui trop embrasse, mal étreint ». Faire passer des idées incertaines en profitant de la proverbiale insuffisance de culture économique des Français peut parfois s’apparenter à du poujadisme.