Selon le Parti Socialiste, les choses semblent fort simples. Soit GDF est privatisé, la concurrence ouverte et les Français paieront le gaz au prix fort, soit cette entreprise reste publique en situation de quasi monopole de distribution du gaz et les Français se verront offrir une énergie bon marché. Faisant fi de l’expérience des privatisations antérieures qui ont toujours conduit à la baisse des prix, la Gauche pose ainsi une équation des plus simplistes. Malheureusement, ce discours édifiant risque de décevoir ceux qui lui accorderaient quelque crédit car le prix du gaz ne peut que grimper. Pire : le monopole public peut conduire à des prix des plus élevés.

Le prix du gaz dépend de trois données majeures.

A l’origine, c’est bien évidemment le prix à la production qui donne le « la ». Non seulement celui du gaz, mais aussi du pétrole ! La forte demande d’énergie due à la croissance économique notamment de la Chine et de l’Inde tire le pétrole vers le haut. Ainsi le prix du baril (soit 159 litres) de « brent » (pétrole de la Mer du Nord) est passé de 10 $ au début de l’année 1999 à 44 en janvier 2005 et 73 en août 2006. Face à de telles augmentations, les opérateurs se replient vers d’autres énergies, contribuant ainsi à en remonter le prix : il existe une interdépendance des énergies entre elles. C’est ainsi que le cours du gaz suit celui du pétrole avec à peu prés un décalage d’un semestre. Tant que le prix du pétrole sera tiré vers le haut, celui du gaz le sera tout autant.

Le taux de change « euro/dollar » constitue la deuxième donnée qui impacte le prix de l’énergie. Si le pétrole vaut 70 $ le baril et que l’euro vaut 1,30 $, une règle de trois permet d’établir que le prix du baril vaut presque 54 euros. En revanche, rappelons nous qu’au cours de l’année 2001, l’euro était beaucoup moins fort par rapport au dollar, ce dernier valant 0,90 euro. Dans ce cas, le prix du baril de pétrole atteindrait près de 78 euros. A prix du marché constant, les seules fluctuations des changes peuvent ainsi produire des augmentations très fortes (50 % dans le cas de l’exemple). Aujourd’hui, on ne peut exclure que le change « euro / dollar » ait atteint un maximum. La baisse de l’euro qui se dessine conduira ipso facto à la hausse des prix facturés en dollars.

Enfin, le troisième déterminant du prix est constitué par la forme du marché. Dans une économie concurrentielle, l’équilibre se forme entre les intérêts des actionnaires, ceux des clients et ceux des salariés. Dans le cas d’un monopole public, les actionnaires sont remplacés par l’Etat et les clients deviennent des usagers. En théorie, rien n’interdit au monopole d’être aussi efficace que la concurrence. Sauf que … ! Les usagers, totalement mis sous tutelle, n’ont aucun pouvoir, pas même celui de changer de fournisseur. L’Etat préfère « acheter » la paix sociale, au détriment de l’intérêt général, si bien que ce sont les seuls salariés qui deviennent maître du jeu. Ils obtiennent des avantages (moindre productivité, système de retraites fort généreux, ou simplement laxisme dans le fonctionnement de l’entreprise …) qui constituent autant de charges supplémentaires réglées par la Collectivité. Bref ! La différence entre concurrence et monopole tient dans l’efficacité de la régulation, ce facteur de correction du dysfonctionnement. L’Etat ne peut incarner l’intérêt général que s’il se plie au principe de séparation des pouvoirs.

Les actionnaires obtiennent par un mécanisme régulé des profits qui constituent la première source d’autofinancement des investissements des entreprises. Les salariés d’un monopole obtiennent sans véritable contrainte des rentes qui n’ont aucun rôle économique. Il existe certes une formule de calcul du prix du gaz vendu aux consommateurs. Toutefois celle-ci sert plus à lisser les variations de coût d’approvisionnement plutôt que de contraindre GDF à la maîtrise de ses coûts de production. Le quasi monopole de GDF n’a pas empêché le prix du gaz d’augmenter d’environ 70 % entre mai 99 et mai 06. Ajoutons que dans un monde d’opérateurs de grande taille, GDF, qui se contente d’acheter le gaz, se verra toujours facturé au prix fort, faute de pouvoir négocier des aménagements tarifaires.

Peut on craindre enfin qu’un jour GDF privatisé cesse d’être français ? En supposant que ce soit un drame, l’Etat impose dans le cahier des charges de la privatisation son nécessaire accord pour toute opération ultérieure de rachat.

Au final, le gaz sera de toute façon plus cher. Mais une situation concurrentielle demeure préférable à une situation de monopole, fut il public.