Demain mercredi à 17 heures, je participe à l’émission « Du grain à moudre » sur France Culture. Elle est consacrée à la réforme de l’état et aux audits de modernisation. Avec François de Closets et Guillaume Duval qui participeront également à ce débat. Comme j’ai beaucoup apprécié le livre de François de Closets, je me réjouis de parler avec lui sur le plateau. L’équipe est la suivante : Production : Julie Clarini et Brice Couturier ; Réalisation : Lionel Quantin ; Collaborateur : Mathieu Sarda ; Attachée de production : Aurélie Marsset.
A demain ?
si je peux je vous écoute en direct ou par le net en différé
bonne émission
Bonne émission , Monsieur Lambert
Bonjour Monsieur,
Permettez moi de citer, parmi les sujets qui me paraissent avoir été négligés dans le débat sur la réforme de l’état, celui qui concerne le code des marchés publics, notamment dans le secteur des systèmes d’information. Ce secteur me paraît d’importance, puisqu’il est indissociable de tout grand projet de transformation. De mon point de vue, alors que l’état (et organismes publics) devrait disposer d’un pouvoir de négociation et d’incitation énorme, le code actuel le met en position d’infériorité structurelle. De ce fait, l’état, qui achète trop (pas assez de compétences internes dans le domaine), achète cher et mal. Achetant cher et mal, payant des centaines de fois la même chose, victime de la part des fournisseurs de recours quasi systématiques et sans risque pour eux (au contraire, mais c’est un autre sujet), il n’incite pas l’industrie du service informatique à capitaliser en « progicialisant » leurs travaux, laissant la production des principaux ERP aux éditeurs étrangers. De ce fait l’état travaille suivant des coûts et des délais aberrants au regard des standards de l’efficacité pratiqués dans le privé, rendant toute gouvernance de transformation assez illusoire. Faut il ajouter que le fonctionnaire qui s’y risque ne prend pas le meilleur chemin pour gérer sa carrière ? Les seules voix qui s’expriment sur le sujet ne sont-elles pas celles des prestataires de service, dont je doute fort qu’ils soient sélectionnés par leur hiérarchie sur leur capacité à produire plus en facturant moins … Il me semble qu’il faudrait amorcer la pompe en créant des structures autorisées à négocier et contracter rapidement des contrats plus souples, en l’assortissant, bien sûr, d’un Audit garantissant à postériori l’absence de corruption : le premier frein consiste en effet en ces interminables pré-études qui sont déjà obsolètes lorsque le contrat de réalisation est enfin signé ! Bonne émission.
Quelques remarquables erreurs des journalistes (de service public) animateurs de cette émission.
1) Suggérer dans l’introduction de Brice Couturier l’idée selon laquelle la LOLF remonte à l’année dernière est pour le moins douteux.
2) Laisser prétendre que la cour des comptes soutient la LOLF est pour le moins audacieux : comme le montrent les débats sur votre blog, c’est lexistence même de la cour des comptes qui est remise en question par la LOLF (même si celle-ci s’est arrangée pour échapper en ce qui la concerne aux fourches caudines de la LOLF, ce seul point suffisant à la disqualifier de fait pour juger la capacité des services de l’état à respecter des règles qu’elle ne sait même pas appliquer à elle-même).
3) Ici, c’est dans votre bouche que se trouve l’erreur : vous dites qu’on ne sait pas quels sont les résultats de l’action publique : dites plutôt que vous n’avez trouvé quelqu’un pour vous présenter les résultats de l’action publique serait plus exact, et s’interroger sur les raisons pour lesquelles les élus semblent si peu enclins à demander aux acteurs de terrain des comptes-rendus sur leur activité (je pense par exemple aux préfets et directeurs des services) est pour le moins troublant. Par exemple, croyez-vous réellement qu’on parvienne à payer les fonctionnaires sans savoir très exactement combien ils sont ou ce qu’ils font ?
4) Prétendre qu’une révolution comptable induit une révolution de l’action publique est oublier que, et fort heureusement, la plupart des fonctionnaires ne savent rien des affaires comptables et, comme tout honnête professionnel, se concentrent sur leur métier, ces affaires étant efficacement mutalisés dans des services spécialisés. Croyez-vous pertinent de donner à une infirmière mission de tenir compte de critères financiers avant chaque acte ?
5) Je ne comprends pas pourquoi il faudrait attendre 15 ans pour que les conséquences de la LOLF soient tirés. N’y-a-t-il pas urgence ?
6) Vous assurez qu’on parlera plus clairement aux français : dans ce cas, pourquoi refuser, comme le propose l’IFRAP, de rendre publics les données brutes sorties des audits de modernisation promus par D.de Villepin au rang d’outil de mise en oeuvre de la réforme de l’administration suggérée par la LOLF ? Pourquoi refuser l’expertise citoyenne des données brutes plutôt que d’imposer le filtrage des grands corps d’état ? N’y-a-t-il pas quelque démagogie ou excès de langue de bois à se contenter de grands chiffres, comme, par exemple, ceux de la sécurité routière ou du cbôamge jetés en pâture à la presse ? Pire encore, n’est-ce pas prendre l’ensemble de la société civile pour des imbéciles, alors que leur technicité en matière financière, industrielle, ou de contrôle de gestion est infiniment supérieure à celle du public ?
7) Qui peut s’imaginer qu’un RPROG puisse se sentir concerné par quoi que ce soit puisque quels que soient ses résultats, sa carrière n’en sera nullement affectée d’une part, et que, par ailleurs, il ne dispose d’aucune liberté face à ce ministre, et d’aucun levier face aux véritables acteurs de la dépense qui lui sont juste subordonnés, mais nommés par le gouvernement ! Les arguments de de Closets (origine napoléonienne de la fonction publique française et mépris de l’état pour ses serviteurs, simples instruments de la promotion d’une certaine idée de la France) sont-ils si à côté de la plaque ?
8) Admettre que l’on débat encore de la manière de déterminer les critères de performance quatre ans après le vote de la loi est certes courageux : mais alors, qu’a-t-on fait depuis 4 ans ? Rien ? ou quelques essais qui ont alors mené à quelles conclusions ?
9) Prétendre qu’on connaitra mieux les coputs avec la LOLF est incantatoire. Si c’était impossible avant, qu’est-ce donc que la loi a pu provoquer qui rende cela soudainement possible ? D’où proviendra la "meilleure connaissance de nos coûts" ? De l’opération du Saint Esprit ou d’un grand Yaka ? Si oui, pourquoi ne pas rendre absolument publics tous les chiffres et laisser le public faire ses propres analyses ?
A Boaf,
Je peux tenter de répondre sur certains points (encore que je n’ai malheureusement pas eu l’occasion d’écouter l’émission).
1) D’accord avec vous, la LOLF est pleinement "appliquée" depuis un an, lapsus… assez courant d’ailleurs…
2) Là, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous même si je partage certaines de vos remarques. La Cour s’est dès le départ fortement impliquée dans la mise en oeuvre de la LOLF. Ces propositions et recommandations n’ont d’ailleurs pas toujours été entendues, ce qui – à mon sens – est dommage. En ce qui la concerne, la Cour avait beaucoup à attendre de la LOLF notamment en termes de modernisation de son activité : liens Parlement/Cour, certification des comptes, modernisation des procédures budgétaires ou réforme comptable (sur ce denier point, les réformes tardent). En revanche, il est vrai que les acteurs de la LOLF ont la volonté de "managérialiser" les contrôles cad de les internaliser… et c’est en cela que l’avenir de la Cour est menacé est c’est bien dommage à mon sens…
5) Sans aucun doute il y a urgence mais les expériences étrangères montrent bien que ce genre de réforme ne porte ses effets que sur le long terme… ne serait-ce qu’en raison du changement culturel qu’il implique… Elaborer un nouveau cadre de gestion publique par un texte est une première étape et pas un coup de baguette magique… Cela dit, je pense tout de même qu’il ne faudra pas attendre 15 ans pour tirer quelques conséquences de la mise en application de la LOLF. on peut d’ailleurs d’ores et déjà mettre en avant certains succès et certaines défaillances…
6) Plus encore il faudrait également opérer un suivi de ces audits notamment concernant la réalisation des modernisations proposées… On a déjà vu par le passé des "audits" relativement bien menées mais qui n’ont débouchés sur rien du tout ou presque (les SMR par ex qui sont d’ailleurs assez proches de ces audits)…
7) Je suis assez d’accord avec vous, il faudrait renforcer les mécanismes d’incitation/pénalisation en fonction des résultats… Il y a eu des propositions dans ce sens mais que deviennent-elles ? La question se pose d’ailleurs à tous les échelons (RBOP notamment). Par ailleurs, la responsabilisation des gestionnaires n’est pas encore tout à fait entrée dans la culture administrative française et on peut regretter que certains verrous resistent à une responsabilisation des gestionnaires (notamment au niveau local)
8) Certains pays qui ont opéré une réforme du même type bien avant nous continuent également de s’interroger sur ce point ! Les acteurs de la réforme ont fait un travail très important sur ces instruments de mesure de la performance en France et pourtant l’ensemble est loin d’être parfait (indicateurs trop complexes, non ou mal renseignés etc…)
9) Elle a introduit des process comme la justification au premier euro, la comptabilité d’analyse des coûts entre autres… A partir de là, la connaissance des coûts fait son apparition petit à petit… Quant à laisser le publoic faire ses propres analyses, démocratiquement c’est très intéressant mais si vous jetez un petit coup d’oeil au PAP, vous vous rendrez compte que leur lecture est quelque peu fastidieuse pour un citoyen lambda…
Quelques élements de réponse en vrac… Mais dites-moi, Boaf, j’ai l’impression de reconnaître certaines de vos positions, ne seriez-vous pas "l’agent" ? (ah, encore une histoire de pseudo!). Si c’est le cas, je vous salue, ça fait plaisir de vous retrouver ici (ça faisait un moment) !
Cordialement,
D.C.
"Quant à laisser le public faire ses propres analyses, démocratiquement c’est très intéressant mais si vous jetez un petit coup d’oeil au PAP, vous vous rendrez compte que leur lecture est quelque peu fastidieuse pour un citoyen lambda…"
Outre le fait que, comme je le soulignais, les ressources expertes de la société civile sont infiniment plus puissantes que celles dont peut s’assurer le secteur public (et donc, les analyses que pourraient ici mener des amateurs seraient infiniment plus instructives que celles que mèneraient les professionnels, tout en étant plus légitimes, probantes, et donc contraignantes, et donc, utiles et allant dans le sens du bien public), il ne faut pas oublier que ledit public inclut :
– Les députés eux-mêmes ! leurs collaborateurs, les experts des divers partis politiques, devenant alors à même de définir leurs programmes de manière informée.
– Les universitaires chargés de la formation des futurs professionnels appellés à étudier professionnellement ces données, ainsi que leurs étudiants.
– Les auteurs de ces chiffres eux-mêmes, ainsi que les inventeurs des méthodes de calcul définies sur cahier des charge du parlement et les programmeur des robots de collecte et mise en forme des données : qui voyez-vous de plus expert qu’eux ?
– Les acteurs du secteur concurrentiel qui auront besoin de données pour se positionner en vue d’établir leurs offres de service lorsqu’une partie de ce travail sera externalisé.
– D’une manière générale, tous ceux, simples citoyens, qui cherchent désespérement des arguments pour contredire les démagogues de tout poil, population hélas croissante et diversifiée.
– Les administrations régionales, départementales, communales et européennes, qui ont elels aussi besoin de telles données pour leurs dialogues de gestion.
Mais surtout, je ne vois absolument pas comment défendre auprès de mes concitoyens instruits et d’un niveau d’instruction s’élevant sans cesse cette idée selon laquelle les fonctionnaires calculent des chiffres, mais que ces chiffres doivent rester secrets. Il était jusqu’à présent possible, par exemple sur ordre, de dire qu’on ne savait pas, puisqu’on était fonctionnaire, et donc, trop con, puisque génétiquement sélectionné pour sa connerie, et au pire, de s’en tirer avec d’inexploitables documents manuscrits ou imprimés truffés d’inexactitudes. Prétendre que "le LOLF change tout ça", c’est admettre que les chiffres existent, qu’ils sont forcément quelque part, et donc, subir les pressions pour les transmettre, alors qu’au fond rien d’avouable ne pourrait justifier qu’ils restent secrets.
Ha, au fait, oui, bien sûr, vous aviez deviné… je n’ai jamais pensé un instant pouvoir tromper le lecteur "humain réel" habitué du blog (ne serait-ce que, comme vous le soulignez, par la constance de mes positions).
Emission interessante ou l’on remarque en effet l’enorme capacite pedagogique de Closet par son ton et son approche.
On vous sent rigide. Cette qualite est sans doute necessaire pou mener a bien une reforme sur un terme aussi long (que d’ailleurs vous cherchez a rapprocher du temps politique).
Une phrase cependant m’a choque de votre part: "on ne rentre pas dans l’administration publique pour etre heureux, on y est pour servir".
Dans l’absolu, cette affirmation n’a rien de discutable. Elle honore la noblesse d’une vocation. Mais entre l’absolu et la pratique …
Car dans la pratique, je me demande (je m’excuse par avance du choc emotif que cela pourrait provoquer) si cette posture ne date pas d’un temps que les jeunes de vingt ans n’ont pas connu. Pensez-vous que 75% des 15-30 ans qui visent a rentrer dans l’administration publique le font pour un ideal de service ?
De plus je m’interroge sur son adequation. Est-elle compatible avec ce changement de culture decrit par Closet et consistant a faire de nos bons soldats du service publique des micro-decideurs ?
Remettons les choses en perspective: C’est un detail mais je trouvais interessant de le notifier.