Les débats sur la prime pour l’emploi, le chèque transport et autres mesures supposées accroître le pouvoir d’achat m’obligent à sortir de ma réserve sur le sujet, car il est au cœur de la relation de confiance à nouer entre la classe politique et les Français. Leur laisser croire qu’il dépend de la seule volonté du gouvernement d’améliorer leur sort est une tromperie dont il faut désormais se garder. Sauf à entretenir une relation insincère qui finit toujours mal et qui affecte, selon moi, gravement les fondamentaux démocratiques.

Que le pouvoir d’achat, et son évolution, soient une des principales préoccupations des Français est une évidence. Même s’il n’a pas cessé de progresser, les écarts, entre catégories et avec certains pays étrangers, sont devenus plus perceptibles. Puis des dépenses incontournables comme l’énergie se sont alourdies. Dès lors, l’évolution de son pouvoir d’achat est perçue par le grand public comme le baromètre de notre économie, de l’emploi et de la remise en service de l’ascenseur social.

L’exigence de la réussite commande, cependant, de ne se tromper ni sur l’analyse ni sur les remèdes.

Sur l’analyse, il serait, par exemple, irresponsable de laisser croire aux ménages que leur propre pouvoir d’achat peut s’accroître si celui de la nation toute entière ne progresse pas. Et si la richesse marchande, et elle seulement, ne s’accroît pas davantage. Puisqu’elle est le seul moteur d’alimentation des ressources.

De même, rappelons que les transferts ou les dépenses publiques ne créent aucune richesse supplémentaire ! Leur effet est souvent plus faible qu’on ne le croit puisqu’ils se financent par prélèvements sur les plus productifs, dont les prix de revient augmentent d’autant. Avec tous les risques de délocalisation d’emplois qui en résultent.

Pour simplifier, chaque Français doit être informé que la richesse marchande brute créée par le pays est consommée, pour près de la moitié, par les prélèvements obligatoires, lesquels financent le train de vie de l’Etat et les transferts sociaux. Il en résulte que pour faire progresser, réellement et durablement, le pouvoir d’achat des Français :

– la première urgence est de faire d’abord progresser la production de richesse marchande ;
– la seconde est de réduire la dépense publique pour faire baisser le « point mort » du pays en le rendant plus compétitif, lui permettant ainsi à la fois d’accélérer la croissance, l’emploi et l’augmentation des revenus nets.
– la troisième est de ne pas accroître les revenus de transferts plus vite que la richesse globale. Car, comme leur nom même l’indique, les transferts ne modifient pas le volume de richesse créée, mais seulement l’affectation de la richesse distribuable. S’il ne s’agit pas d’en contester leur nécessité politique ou sociale, il est sage de se souvenir que leur effet à long terme sur la croissance est discutable. Ne serait-ce qu’en raison de leur coût prohibitif de répartition. Ce point essentiel est souvent mal compris de nos compatriotes qui pensent que « prendre aux riches » ou « prendre aux autres » améliorera leur sort. C’est d’ailleurs depuis plus de deux décennies, la principale caractéristique du « modèle français » : croire (ou faire semblant de croire) que les dépenses de transferts créent durablement du pouvoir d’achat. Il ne s’agit pas d’en nier la nécessité mais de rappeler qu’elles ne sont supportables que dans un contexte de croissance soutenue. Les faire progresser, lorsque la croissance est faible, attendu leur niveau déjà très élevé, loin de produire un effet accélérateur, au contraire, freinera la croissance future.
– Enfin l’autre source d’augmentation du pouvoir d’achat est le maintien d’une inflation faible obtenue par la traduction, dans le prix des biens et des services, de l’innovation et de la productivité.

Ce raisonnement simple admis, il devient alors évident que les quatre familles de mesures essentielles à prendre pour faire progresser le pouvoir d’achat de nos compatriotes, sont les suivantes :

1. Augmenter la quantité de richesse marchande produite.
2. Faire baisser la dépense publique.
3. Créer une pression sur les prix par l’ouverture de la concurrence, et l’augmentation de la productivité, notamment dans les services.
4. S’interdire de créer de nouvelles dépenses de transferts ou de prendre des mesures telles les « coups de pouce » au SMIC. (Elles ne créent aucune richesse supplémentaire, et pire, augmentent le coût déjà élevé du travail non qualifié, et renforcent le chômage de masse).

Je sais que ce n’est pas agréable à entendre quand on perçoit de très petits revenus. Ce n’est pas non plus facile à dire. Et pourtant, c’est la vérité. Et en démocratie, on ne gagne rien à cacher la vérité. Même pour se faire élire. Car la tromperie est une malhonnêteté et elle est toujours sanctionnée. Souvenons-nous que depuis 1978, aucune majorité sortante n’a jamais été reconduite. C’est à dire depuis que les gouvernements ont choisi de faire vivre la France à crédit.