La communication qui entoure les vacances des ministres tutoie le ridicule. Ils semblent tous s’excuser. Les uns ne vont pas loin, les autres restent en contact, d’autres encore feront des aller et retour. Bref, un sentiment de culpabilité semble prédominer. Pour tout vous avouer, je trouve cette situation ridicule et bien française. En espérant que les deux mots ne deviennent pas pléonasme. Personne ne pense que les ministres sont paresseux. Chacun sait, au contraire, que leur travail est épuisant et que beaucoup d’entr’eux sont exténués. Qu’un bon repos serait non seulement salvateur, mais le seul moyen de leur redonner l’énergie nécessaire pour retrouver le punch à la rentrée.

Puis n’est-ce pas un peu manquer d’humilité de vouloir jouer les indispensables ? A moins que cela ne soit une mauvaise compréhension de la vraie fonction ministérielle qui consiste d’abord à faire des choix, décider et non pas enchaîner des réunions et des visites, jours et nuits successives, entourés si possible de photographes, pour rester, coûte que coûte, sur le devant de la scène.
Dois-je ajouter que la fréquentation quotidienne des palais nationaux et de la haute administration n’offre pas une connaissance approfondie de la réalité de la France. La présence sur le terrain, anonyme, discrète mais attentive en apprend beaucoup plus. Puis retrouver sa famille, ses amis, des gens simples n’offre-t-il pas une chance inestimable de se ressourcer ?
Certes, il convient de ne pas donner un sentiment d’abandon ou de désertion généralisée. Pour l’instant on est plutôt dans l’excès inverse. Il ne m’a évidemment pas échappé que la canicule de 2003 continue de peser sur la psychologie générale en matière de vacances ministérielles. Mais le temps n’est-il pas venu, avec le recul, d’admettre que la présence du ministre de la santé à Paris n’aurait sans doute pas changé grand chose, si son système d’alerte n’était pas plus opérationnel ? J’étais au gouvernement à cette époque. Comme la plupart de mes collègues aussi élus locaux, par habitude, j’appelais chaque jour mon cabinet à Paris, puis à Alençon. Ne serait-ce que pour avoir l’esprit tranquille. Nous percevions bien les difficultés qui s’accumulaient pour les personnes âgées. Mais il était tout aussi aveuglant que la situation était très différente, selon qu’on était dans nos provinces à taille humaine ou à Paris ou en Ile de France là où l’indifférence entre les personnes a été érigée en mode de vie.
Tout cela me conduit à recommander vivement aux ministres de surtout prendre un repos bien nécessaire. De n’avoir aucune mauvaise conscience. Nous avons besoin, à la rentrée, de ministres frais, reposés, en pleine forme pour aborder la dernière ligne droite de la législature avec courage, détermination et efficacité. Puis, entre nous, préparez-vous à redevenir des gens comme tout le monde. On ne sait jamais !