C’est le thème du 102ème Congrès des Notaires de France qui se tient à Strasbourg à compter de demain lundi. Les notaires exercent une fonction qui leur offre la chance immense d’être en prise directe avec tous leurs concitoyens quelques que soient leur origine ou appartenance sociale. Ils perçoivent ainsi fortement les évolutions de notre société, les besoins nouveaux, et les domaines sur lesquels ils doivent porter une attention particulière. Et ils l’expriment alors par le choix du sujet de leur Congrès et la manière dont ils l’abordent.
Le Président de ce Congrès Jacques Combret, un vrai humaniste, pose les questions suivantes : Avons-nous pris assez conscience des conséquences du vieillissement de la population et de l’augmentation considérable des problèmes de dépendance ? Sommes-nous prêts à répondre aux questions légitimement posées par les familles concernées ? Avons-nous une bonne connaissance des outils à notre disposition ? Notre législation est-elle totalement adaptée ?
Il indique que selon Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, notre système juridique de protection des majeurs est au bord de l’explosion !
Ne pas laisser fragiliser la protection des plus faibles d’entre nous : tel est le conducteur du rapport du Congrès. Un même état d’esprit a animé l’équipe de ce Congrès : « être positif, analyser ce qui existe et proposer des solutions, en évitant de demander des modifications dans tous les sens. Notre droit positif est plus riche qu’on ne le croit, mais parfois mal utilisé. »
Ce thème est au coeur de l’actualité. Tout simplement parce qu’il est au coeur de notre vie d’homme. J’ai toujours été fier d’être notaire.
La loi modificative du droit de succession est en train d’être votée au Sénat. Question de néophyte : ce débat sur la protection des personnes vulnérables n’a-t-il pas déjà eu lieu avant la rédaction de la loi, notamment pour aider la transmission des entreprises familiales ?
Le hasard des dossiers m’a conduite à m’occuper récemment de plusieurs affaires de protection de majeures âgées et fortunées.
J’ai observé que le premier problème est le recensement des biens des personnes qui perdent la tête ou font l’objet de pressions familiales.
Le deuxième problème est la tendance des juges à aller vers la solution de facilité du curateur ou du tuteur sans s’occuper de l’impact psychologique de ce que le majeur va ressentir comme une sanction, alors qu’un notaire pourrait remettre ses affaires en ordre mieux, durablement et beaucoup moins brutalement qu’un curateur qui n’a pas forcément la compétence, le gout et le temps de se plonger dans ce type de problèmes.
Mon meilleur exemple est celui d’une vieille dame, veuve de magistrat, qui a consenti à certains de ses enfants des avances d’hoiries officieuses dont ils nient l’existence pour éviter un rééquilibrage loyal. Elle a été placée, et maintenue, sous curatelle, sous prétexte que sa pension de reversion ne suffit plus pour faire face aux besoins financiers nouveaux liés à sa dépendance. Alors qu’il suffirait qu’un notaire l’aide à réorganiser le patrimoine immobilier, non négligeable, qu’elle a conservé pour que tout rentre dans l’ordre, la voilà prisonnière d’une curatrice qui ne pense qu’à tout vendre pour dégager de quoi se payer ses propres prestations ! Le juge des tutelles, les juges de recours et le procureur m’ont exaspérée en me disant qu’il leur importe peu que son incompétence fasse perdre de l’argent à sa protégée et que la mesure de protection complique la vie de cette dernière en créant plus de problème qu’elle n’en résoud dès lors qu’ils ne savent pas sur quel texte désigner un notaire avec pour mission de remettre de l’ordre dans son patrimoine pour qu’il sufise ensuite de mettre en place des paiements automatiques !
J’ai eu l’impression de leur demander la lune, voire de leur proposer d’exposer la vieille dame à un péril extraordinaire. La défiance des juges d’aujourd’hui à l’égard des notaires me met hors de moi.
Le peu que je sais de la réforme envisagée par Pascal Clément me parait très insuffisant car les membres de sa commision de réflexion qui semblent avoir ignoré une grande part des demandes de placement sous tutelle, celles qui émanent d’enfants trouvant que leurs parents ne meurent pas assez vite ! dans ce cas, le notaire a un rôle de modérateur essentiel à jouer, à mon sens.
Je trouve aussi que le thême de "vulnérabilité" est des thêmes fondamentaux de la démocratie. C’est à la manière dont sont traitées les personnes les plus vulnérables que l’on peut reconnaître le degré d’évolution d’une démocratie.
Or mon opinion est que la France est très mal placée de ce point de vue là. Il suffit de regarder comment sont traités les immigrés, les prostitués ou la situation des prisons pour constater que nous sommes loins d’être une démocratie évoluée. Loin de porter aide à ces personnes déjà fragilisées par leur travail, leur mode de vie et leur situation, les lois votées depuis quatre ans (mais celles d’avant n’étaient pas non plus la panacée) leur rend la vie encore plus difficile.
Mickael me semble hors sujet !
Pour ce qui est de mme BLIN, il ne faut jamais oublier que les sauvegardes de justice, curatelle ou tutelles sont des mesures de protections des personnes mais qu’on leur a donné dans le langage commun un sens péjoratif qu’il faut revoir rapidement.
Il est évident que l’attitude de certains juges est déplorable en la matière, on en revient souvent au meme point !, mais en général, il y a peu d’abus de la part des tutelles.
Il reste un point capital, c’est la façon dont sont traités tuteurs et curateurs par les services en charge des contrôles, je veux parler des greffes des Tribunaux d’Instance qui adressent ces formulaires impersonnels, ces courriers comminatoires sans âme ni parfois politesse.
Il est vite oublié par l’administration, notamment hélas celle de la Justice, des aspects humains des dossiers.
Il est vite oublié que derrière un dossier de tutelle vivent des enfants qui assument leur père ou leur mère, des parents qui assment leurs enfants handicapés.
Ah mais c’est qu’on n’a pas que ca à faire mon brave monsieur nous indique -t-on, on ne fait qu’appliquer les textes nous !
Les textes sur la tutelle sont à revoir mais les mentalités aussi !
la piste ouverte dans le cadre du congrès pour permettre au de cujus de choisir la personne qui assumera la gestion des biens légués à une personne bénéficiant d’une mesure de protection est une bonne idée.
Elle permet enfin d’assurer un peu de tranquillité à ceux qui vieillissent et qui ont comme inquiétude le devenir de ceux qui restent mais qui ont tant besoin d’eux.
Mickael, je comprends dans les grandes lignes, mais que pensez-vous que les notaires puissent faire de particulier dans le domaine de la transmission du patrimoine des prostituées ou des personnes incarcérées ?
Pour en revenir à l’aide aux personnes en difficultés, il y a à mon avis trop de cas de figure pour que l’on puisse les traiter simplement dans un billet. Par rapport à quelles autres démocraties trouvez-vous que nous avons du retard d’évolution dans ces domaines ?
Comme Bertrand, je ne comprends pas bien ce que viennent faire les prostituées ici ! Mettre sur le même plan les majeurs incapables (au sens juridique du terme) et les prostitiués me semblent hors de propos. La protection que méritent les uns n’a rien à voir avec celle des autres… et ce n’est pas une question de démocratie attardée !
Effectivement mon commentaire est un peu hors sujet en ce qui concerne les notaires, mais pas en ce qui concerne les personnes vulnérables.
Ma remarque attendait une réaction de M Lambert qui se réjouit que les notaires prennent en compte les situations des personnes en difficulté, et tout humaniste devrait se réjouir avec lui, et d’un autre côté appartient à une majorité parlementaire dont les lois et les budgets successifs crée de plus en plus de personnes en difficulté ou rend encore plus difficile leur condition de vie.
Il y a là je trouve une contradiction, même si les lois en question ne touchent pas les mêmes types de personnes vulnérables que celles auxquelles ont affaires les notaires.
@Annabelle:
Je ne pensais pas à d’autres démocraties en particulier, mais si je devais en citer, pour la prise en charge des handicapés je citerais bien évidemment l’exemple nordique:
societesnordiques.blogspi…
Concernant la situation des immigrés en France, je vous invite à lire les billets de maître Eolas. Je ne pense pas qu’il soit utile de prendre exemple sur d’autres pays pour améliorer la situation:
* maitre.eolas.free.fr/jour…
* maitre.eolas.free.fr/jour…
* maitre.eolas.free.fr/jour…
Idem ce qui concerne les prisons française: http://www.ldh-toulon.net/articl...
J’ai une expérience de curatelle, et j’ai trouvé en l’occurence que le juge a été parfait (il n’est pas vieux pourtant) et que tout lemonde s’en trouve mieux. Pour la personne protégée, elle n’en a même pas conscience, rien n’a changé pour elle.
Tout ça pour dire que, si il a des problèmes, il y a aussi des choses qui marchent.
Je crois que les problèmes de protection ne sont qu’un symptome : il y en aurait beaucoup moins si les vieux avaient un patrimoine en rapport avec ce qu’ils peuvent faire, c’est-à-dire de moins en moins. Or cela réclame un effort : le mouvement naturel de la vie est d’accumuler et de ne rien jeter. Et l’enrichissement général multiplie les patrimoines.
Et, de ce point de vue, je trouve que les notaires (en tant que conseils) ne sont pas particulièrement exemplaires
– les montages complexe (démembrement nue-propriété/ usufruit par exemple) ne leur font pas peur, alors que leur gestion est compliqué
– en prévision d’un décès, ils poussent à "protéger le survivant" (à mettre eu féminin en pratique), c’est à dire concrétement à maximiser son patrimoine.
– en cas donation aux jeunes, entre les donations en nature et les donations monétaires ils ne favorisent pas (au contraire) la seconde solution.
– Résultat : des indivisions problématiques, et un patrimoine composé à l’inverse des besoins des vieux : des revenus proportionnellement faible par rapport au capital, et un capital ingérable par son extention et sa nature (peu de pleine propriété, beaucoup de mélange nue-propriété / usufruit, et un panier très divers entre immobilier, mobilier, financier, etc.). Et, pour l’économie général, un gros capital dormant, alors que des jeunes le gérerait de façon plus dynamique (éventuellement en le vendant…)
Avant de réformer la tutelle et la curatelle, il serait plus avisé de revoir les pratiques (y compris les incitations fiscales). En tenant compte des possiblité nouvelles (il est maintenant aisé de mettre en place un système de prélèvement automatique pour la plupart des dépenses avec un traçage parfait), et on peut certainement ressuciter la vieille "rente" si pratique (je parle de la rente perpétuelle)