L’importance de la dette publique influe-t-elle sur le comportement des ménages ? Ou, ramenant la question à notre quotidien, prenons nous en compte l’endettement de l’Etat lorsque nous consommons et épargnons ? Cette interrogation mérite d’être posée. En effet, lorsque l’Etat emprunte, ce sont au final les ménages qui paieront les remboursements à venir par la voie des impôts. Autrement dit, les dettes publiques d’aujourd’hui font les impôts de demain.
Au cours de l’histoire, cette évidence n’a pas échappé aux analystes avant d’être formalisée très clairement par un économiste anglais du début du XIXème siècle, David Ricardo (1772-1823), qui concluait, dans le climat agité de l’époque, que financer une guerre par une taxe de 20 millions de livres ou par un emprunt amorti à hauteur de 1,2 million de livres pendant 45 ans étaient équivalents. Il n’y a donc qu’un pas à franchir pour conclure qu’en présence d’une dette publique, les ménages anticipant les impôts à venir épargneront pour y faire face, ce que l’on dénomme « l’effet ricardien ». Dans le courant des années 1970, cette thèse sera reprise et développée par un économiste américain, Robert Barro, qui démontrera que la croissance de l’endettement public peut générer une hausse du taux d’épargne des individus. Cependant, la nature des conditions posées pour arriver à ce résultat laisse entrevoir certes une belle construction intellectuelle mais sans conséquences opérationnelles. De fait, au moins jusqu’aux années 80, la plupart des économistes conclura à d’absence d’effet ricardien.
Pourtant, il serait naïf de croire que les peuples n’apprennent pas de leurs expériences. La croissance des dettes publiques qui, pour certains pays comme la Suède ou le Canada, ont pu atteindre respectivement 80 % et 70 % du PIB avant assainissement, la montée des charges de retraites (qui constituent une dette latente constituée par les droits acquis par l’ensemble des cotisants) ont dissipé la myopie des agents économiques sur les possibles difficultés à venir. Ainsi, les banquiers savent qu’une préoccupation majeure de leurs clients est aujourd’hui de préparer leur retraite en se constituant un capital « au cas où … ». L’enjeu en termes de politique économique devient clair : l’effet ricardien, s’il se manifeste, annule les bénéfices d’une politique de soutien de la demande fondée sur le déficit public.
Une étude de la Direction de la Prévision du Ministère des Finances de 2004 s’interrogeant sur la faiblesse de la consommation de la zone euro depuis 2001, met en cause notamment pour la France, entre autres facteurs, la dégradation des finances publiques, en montrant une forte similitude entre l’évolution du taux d’épargne et celle du déficit structurel. Avec pondération, les auteurs expliquent que l’effet ricardien peut être la conséquence « de finances publiques sur une trajectoire clairement insoutenable » ou de dispositions « laissant attendre une correction rapide du déficit ». En janvier 2006, dans un travail économétrique fort abscons portant sur 18 pays au cours de la période 1980 – 2004, Patrick Artus, directeur des études et de la recherche chez IXIS, conclut pour sa part que l’effet ricardien se manifeste lorsque la dette publique et les variations de déficit public sont élevées. Il ressort donc que, désormais, les agents économiques anticipent dans leur comportement les conséquences de l’endettement public. Il en découle très logiquement qu’une politique budgétaire fondée sur le maintien des déficits publics et la poursuite de l’endettement se traduira par un dynamisme économique médiocre. A l’inverse, dans la suite logique des travaux de Patrick Artus, la réduction du déficit conduira à stimuler l’activité, et ce d’autant plus que le signal donné par le Gouvernement sera fort. Il reste deux façons de combler un déficit, par l’augmentation des impôts ou par la diminution des dépenses publiques. A la suite d’une étude portant sur les stratégies des pays de l’OCDE pour réduire leur déficit, deux économistes américains ont montré que les réussites étaient quasiment toujours le fait d’une réduction des dépenses publiques, ce qu’a confirmé depuis le succès des politiques canadiennes et suédoises. L’explication est simple : chaque terme de l’alternative conduit à réduire la demande. Cependant, en cas de baisse (durable) des dépenses publiques, l’effet ricardien se manifeste dans un sens favorable à la croissance : les ménages conservent leurs revenus et, constatant la réduction de la dette publique et du déficit, réduisent leur épargne pour consommer, ce qui compense !
La question devient donc d’apprécier les marges de manoeuvre pour réduire les dépenses publiques. Ce sera à suivre dans un prochain billet.
A.B. Galiani
Bonsoir monsieur le sénateur, et à vous AB Galiani:
Intéressant de revenir à la théorie pour bénéficier du recul.
Je pense que ce sont les contribuables et non les ménages "qui paieront les remboursements à venir par la voie des impôts".
Quand l’impôt sur le revenu ne concerne que 50% des français la différence est de taille.
D’autre part, la dépense publique permet aussi, parfois, des recettes budgétaires supplémentaires et non les "impôts de demain"… Tout dépend de son affectation.
Depuis l’entrée de la France dans la zone Euro, et du fait que celle-ci a perdu la maîtrise de sa monnaie, Il est tout à fait envisageable de se demander si le recours par le gouvernement au déficit programmé dans le cadre de l’élaboration du budget ne constitue pas un cas de rupture du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt, au vu des principes que vous énoncez.
A François Albert Gandon,
Bonjour à vous et merci de vos observations.
J’avoue, pour être franc, ne pas faire de distinction entre les ménages et les contribuables, sinon que le premier terme renvoie à la terminologie de la "comptabilité nationale" (économique donc), alors que le deuxième désigne ceux qui paie l’impôt. Or, nous sommes tous des contribuables même si seulement la moitié des Français paie l’impôt sur le revenu … En effet, dès que nous achetons un bien, nous payons de la TVA (dont les recettes sont trés supérieures à celles de l’impôt sur le revenu)… Acheter une maison entraîne le paiement de frais improprement appelés "de notaire" car il s’agit principalement de taxes diverses et variées. Toutes ces taxes sont, il est vrai, indolores car invisibles, mais bien réelles.
Concernant votre dernier paragraphe, vous avez entièrement raison : certains investissements publiques genèrent des recettes supplémentaires qui pourront contribuer sans alourdir la fiscalité à rembourser l’emprunt ayant servi à le financer. Toutefois, j’expliquerai dans un billet à venir que l’endettement de l’Etat finance pour l’essentiel des dépenses courantes et récurrentes (= "dépenses de fonctionnement"), et c’est aujourd’hui véritablement là que le bat blesse.
Quand je vois que mes Impots .. les charges de mon employeur servent a financer des RMIstes .. et sachant que ceux la sont de plus en plus nombreux .. et seront asiste jusqu’a leur retraite .. je n’hesite pas a economiser .. Alors la relance par la consommation , voila qui me fait bien rire .. comme si j’allai m’offrir une nouvelle tele ( made in Korea ) .. ou une voiture neuve ( Il ya de bonne occasion japonaises.. a l’electonique reduite) .. Alors bien sur que j’economise .. et j’economiserais toujours tant que je n’aurais pas la certitude de pouvoir beneficier d’une retraite confortable .. Je suis un actuer de l’effet ricadien .. et cela me rassure .. Bien sur tout le monde n’agit pas comme cela ..
Mais je suis parfois aussi joyeusement choque de voir des hommes politiques s’offrir des vacances somptuaires a l’etranger .. Comme exemple de solidarite francaise .. ils se posent en contre exemples ..Comme ils sont pour l’essentiel issu de la fonction publique .. leur retraite leur sera garantie ..
Les depensent publiques gonflent sans cesse .. et les revenus eux s’effritent chaque jour ..Je paye encore des impots .. mais pour combien de temps .. Ce jour la qui pourra encore financer mon RMI .. Alors j’economise .. Logique !!
A l’agent
Je ne pense que le cas évoqué par François Albert Gandon traduise une inégalité devant l’impôt, puisque les règles sont les mêmes pour tous. En revanche, j’ai relevé un cas interessant d’une telle inégalité. En 2004, au moins, la Ville de Besançon (municipalité socialiste) exonérait de taxe de séjour les fonctionnaires en déplacement pour raison professionnelle. Les salariés du privé n’avait pas droit à cette mesure ! On retrouve la logique de l’Ancien Régime dans lequel l’impôt est attaché au statut social (l’appartenance à un ordre).
merci pour vos analyses qui confirment nos intuitions
mais quelles A C T I O N S pour enrayer la dérive ?
quand nos élus de droite ne maitrisent pas le recours
à l’emprunt pour financer les dépenses de fonctionnement
au niveau local dans leurs mairies, cantons ou régions !
la somme des B O M B E S à R E T A R D E M E N T
financières: locales et nationales s’accroit à chaque seconde
à tous
le parcours de nombreux blogs m’impose cette conclusion:
en la matière de réductions des déficits, les analyses pertinentes sont nombreuses, les feedbacks des actions concrètes beaucoup moins…
instaurons un "service apres vote spécial de le lolf":
comme un blog ou un wiki reservé aux praticiens de la loi
je pense que chacun a à y gagner: les administrés les fonctionnaires et les parlementaires.
cette initiative pourrait s’inscrire dans le cadre d’une mission sénatoriale sur la mise en oeuvre de la lolf par exemple…
,-)
les petits fleuves feront peut être les grandes rivières…
Juste un vieux souvenir, il me semble que pour Ricardo, seul le travail était source de richesse. Aujourd’hui, celle-ci résulte de l’échange et de la détention d’un capital (moyen de production ou d’échange, matières premières…) : la part des revenus du travail dans la richesse nationale ne cesse de dimunuer.
Ainsi, même si vos obesrvations sont pertienentes et interessantes, on pourrait également observer :
1- que l’inflation a souvent permis de "payer" les dettes étatiques (en provoquant des désordres sociaux et politiques très graves comme en Allemagne avant guerre)
2- que la société canadienne a absorbée des délicates coupes budgétaires à partir du moment où l’écart entre l’imposition du travail et l’imposition du capital s’est trouvé réduit. Dans la société française où le fisc favorise "le rentier", c’est évidamment un revirement important qu’une politique de droite aura du mal à expliquer !
La "subventionite" et "l’assitanat" touchent non seulement les pauvres mais également les riches, au moyen de "niches" et d’exemptions fiscales très nombreuses.
A françaisdebase
Pour compléter les points que vous avancez :
Ricardo est un adepte de la valeur travail, c’est-à-dire que la valeur d’un bien s’exprime en fonction de la quantité de travail qu’il contient, idée plus tard reprise et développée par Marx. Je n’entre pas ici dans le détail de cette analyse …
Les revenus des ménages proviennent soit du travail soit du capital (actions, obligations, biens immobiliers etc.). Contrairement à une idée répandue, le partage de la valeur ajoutée s’effectue en longue période de façon constante : 2/3 pour le travail, 1/3 pour le capital, avec des ajustements faibles par période. Ainsi la fin des années 70 a été plutôt favorable aux salaires (soutien de la demande) suivi d’un réajustement au milieu des années 80. Il faut bien garder présent à l’esprit que la part de la valeur ajouté qui va au « capital » est celle qui contribue prioritairement à l’autofinancement de l’investissement et aux remboursements des prêts ayant permis cet investissement. Vouloir la réduire de façon drastique conduirait à un recul de l’investissement.
A moins que vous ne vouliez évoquer les revenus primaires. Il faut savoir que :
– concernant les ménages : la fiscalité des revenus du travail et celle des revenus reçus du capital est très proche ; en revanche, ce qui diffère, c’est le financement de la protection sociale qui porte quasi exclusivement sur le travail (à peu prés la moitié du coût du travail payé par les entreprises) ;
– concernant les bénéfices des entreprises, leur imposition n’est pas négligeable, de l’ordre de 33%.
Au final, il faut savoir que les ménages conservent qu’une part modeste de leur revenu primaire (ceux directement issus du travail et de l’investissement), entre 30 et 40 % (calcul rapide que j’affinerai plus tard). L’essentiel du revenu des français vient de la redistribution.
Les revenus du capital étant de nature purement monétaire, ils doivent s’additionner aux mécanismes créateurs de monnaie sans création de richesse, c’est à dire, les mécanismes générateurs d’inflation cachée (ou d’augmentation de la masse monétaire, selon le jargon qu’on souhaitera adopter), parmi lesquels, le crédit bancaire, la planche à billets, etc. , du moins, si on souhaite raisonner au sens commun des choses et non pas en fonction d’un quelconque jargon d’experts économistes.
Il serait d’ailleurs logique du point de vue macro-économique de tenter de compenser les variations de revenu du capital par une variation de la politique d’octroi (montant, intérêt, croissance escomptée) du crédit bancaire, mais il semble assez irréaliste à cette époque de raisonner ainsi.
A l’agent
J’avoue avoir quelques difficultés à comprendre votre thèse. Il faut comprendre par "capital" l’ensemble des biens que l’on possède : immobiliers, titres etc … qui constituent des éléments productifs (une maison loué offre un logement, les titres financent les entreprises …). Il n’y a dans leur rémunération aucune création monétaire, mais il contribue à créér des richesses.
Concernant votre dernier paragraphe, il y a eu une thèse à une époque (il me semble notamment que Michel Rocard à une époque s’en est inspiré) qui expliquait que l’inflation était imputable à la volonté de distribuer du pouvoir d’achat à tous, ce que la création monétaire permettait.
Ceci dit, il faut déconnecter la création monétaire de l’investissement.
Mon idée n’est pas de remettre en cause les caractères utilitaires des biens. Par contre, j’observe que dès lors que les revenus du capital s’expriment en numéraire, il est très raisonnable d’extrapoler une valeur exprimée en numéraire pour le capital considéré par un polynome du revenu qu’il procure par unité de temps, et qu’il devient alors aisé de convertir par quelque mécanisme financier généralement assez aisé à imaginer (les financiers font d’ailleurs profession de l’invention de tels mécanismes) la détention du bien en un support d’actifs ou de placements liquides. Pr, ces placements s’ils ne sont pas de la monnaie stricto sensu, peuvent être convertis très rapidement par les détenteurs en monnaie et donc faire gonfler brusquement la masse monétaire en circulation : donc, l’expression en numéraire des revenus du capital mène inévitablement à un accroissement de la masse monétaire en circulation.
Il me semblait qu’ici s’exprimait les raisons profondes pour lesquelles il s’avérait invariablement dans l’intérêt d’un capitaliste soit de faire coter son capital, soit de faire quantifier d’une manière ou d’une autre les revenus qu’il procure en numéraire.
juste un point de détail, mais qui a son importance: penchez vous un peu sur la passionnante question des finances publiques, et vous constaterez que l’Etat ne rembourse JAMAIS sa dette. Pour faire face aux emprunts qui arrivent à échéance – il y a en a très régulièrement- il réemprunte.
C’est ce que fait constamment l’AFT (Agence France Trésor).
Le seul poste ayant trait à la dette qui figure au budget de l’Etat est celui du paiement des intérêts, et non du capital.
Alors, quand on veut donner des leçons, on fait preuve de rigueur, que diable!
ibest: Je crois en l’occurence que tout le monde se souvient du fait que lorsque, en 1983, alors que la dette publique n’était que le sixième de ce qu’elle est aujourd’hui, le FMI avait menacé de "mettre la France sous tutelle". D’ailleurs, je pense que l’inflexion si commentée qu’avait alors subi la politique du gouvernement d’alors provenait peut-être, en partie, de ce très sévère avertissement.
Faire l’Euro s’est avéré d’autant plus aisé que celui-ci permettrait d’imaginer que les états perdant le pouvoir de laisser leurs dettes (et les biens de leurs créanciers) s’effacer d’eux-mêmes par l’inflation devenait plus improbable avec une banque centrale qui n’était soumise à nulle politique nationale. Dès lors, il était bien naturel que la confiance des créanciers revienne, attiré par les gains en numéraire et la sécurité procurés par les emprunts destinés à couvrir les colossales dettes publiques des états.
Si c’est ce à quoi vous vouliez arriver, oui, effectivement, j’admets bien volontiers que des titres sur des emprunts d’état sont un capital, et donc, que l’état fabrique du capital sous la forme de titre de sa dette et que de ce capital leur propriétaire tire des revenus. J’admets également bien volontiers que la réduction de la dette publique aurait pour conséquence une réduction de la masse de quasi-monnaie en circulation, laquelle est approximativement équivalent à une réduction de la masse monétaire *ou* à une destruction de capital (par destruction des titres le matérialisant)
A ibest ,…
Vous êtes comme ces étudiants pressés d’aller plus vite que le train ! Le remboursement de la dette sera évoqué dans mon prochain billet. Vous comprendrez que compte tenu du caractère ardu du sujet, il faut mieux le tronçonner que d’exposer les bloggeurs à une overdose.
Il serait plus judicieux de dire que l’Etat ne rembourse pas encore plutôt que jamais. En effet, je vois mal comment un pays comme la France pourrait éluder en permanence le remboursement sauf à perdre tout crédit et donc toute capacité à emprunter. Ceci dit, vous avez parfaitement raison de souligner qu’aujourd’hui nous sommes en pleine fuite en avant : l’augmentation de la dette en 2005 correspond au déficit augmenté des échéances. De plus l’Agence France Trésor emprunte sur 50 ans, et l’explication qui consiste à dire qu’ainsi on profite des opportunités favorables offertes par la courbe des taux n’est que partiellement convaincante.
A L’Agent,
Je perçois mieux ce que vous voulez dire. Il faut toutefois déconnecter la valeur du capital (qui est, dans une première approximation, égale à « la somme des flux actualisés qu’il procure », c’est-à-dire pour faire simple, en relation avec le revenu dégagé), des modalités de financement pour acquérir ce capital et ce sont ces dernières qui peuvent créer de la monnaie si il y a recours à l’emprunt bancaire.
Vous faites par ailleurs allusion à des titres particuliers, les SICAV et FCP monétaires, qui sont inclus dans l’agrégat monétaire M3, en raison de la facilité qu’ils offrent pour être convertis en monnaie « sonnante et trébuchante ». Cependant, les acquérir ne génèrent pas de création monétaire (sauf s’ils sont achetés par emprunt), il n’y a que conversion d’une autre forme de monnaie (scripturale par exemple).
Votre analyse part du postulat sous jacent qu’il faut réduire les dépenses publiques à l’instar des conclusions du rapport PEBEREAU. Nous sommes nombreux à partager cet avis.Les économistes de l’OFCE(chat de JP FITOUSSI Le MONDE.fr du 3/01/2006 et la la lettre N°271 du 13/01/2006 J.CREEL ET H.STERDNYAK) relativisent fortement ce postulat en indiquant, notamment que dans le contexte de niveau actuel de croissance "la baisse des dépenses publiques se traduirait par un effet dépressif sur la croissance, qui tendrait à creuser le déficit conjoncturel". Plus globalement ils démontrent (page 4 tableau 3) que "les dépenses publiques ne progressent guère plus vite que le PIB" sur la période 1984/2004 et revendiquent que le déficit public a été nécessaire pour soutenir l’activité…..et estiment que le rapport PEBEREAU "néglige le bouclage macroéconomique de son diagnostic et de ses préconisations" et ils le prouvent.
Cette étude est solide,pertinente et interpelle. Je conseille vivement sa lecture attentive à tous ceux qui approuvent sans réserves le rapport PEBEREAU, dont j’étais. Ses auteurs sont sérieux et crédibles.
J’ai vainement cherché des réactions des membres de la commission PEBEREAU dont Alain LAMBERT et Didier MIGAUD.
Il s’agit là d’un vrai débat de fond.
@ibest
Je ne comprend pas votre affirmation. Les états ne remboursent pas toujours, c’est vrai, mais ils savent bien que s’il ne le font pas ça va leur couter encore plus cher : leurs emprunts futurs subiront une sur-prime de sécurité, par exemple, ou leur commerce international sera anéanti. L’état français a un excellent crédit, si les emprunteurs pensaient que leur capital est foutu ça ne serait pas le cas…
Par ailleurs, les banquiers se moquent du capital : il en ont plein leur coffres ! Ce qu’ils veulent, ce qui leur manque, c’est un revenu.
@l’agent
Les revenus du capital n’ont rien de purement monétaires : il y a bien quelqu’un qui les paye, et si il les paye c’est qu’il y gagne ! Le locataire qui paye son bailleur gagne un logement, l’industriel qui paye une machine gagne sur sa production, etc.
Le mécanisme que vous évoquez très justement exprime simplement qu’il y a a une équivalence entre un revenu et un capital (équivalence que mesure le taux d’intérêt). Mais ça n’a rien de spécifique au revenu issu lui-même du capital : ça reste vrai pour le revenu du travail, ou les revenus "sociaux". Par exemple si un salarié craint la "perte" de son emploi, c’est bien parce que intuitivement il assimile l’ensemble des revenus que lui procurera(it) cet emploi à un capital (et il a bien raison !) dont la valeur lui semble supérieure à la valeur de sa force de travail : perdre l’un pour récupérer l’autre implique bien une perte. Soit dit en passant, ça implique que le salarié qui craint pour son emploi s’estime lui-même trop payé … De même, le banquier prete au salarié parce qu’il estime que l’emploi (voire la simple force de travail même inoccupée) représente un gage (un capital) suffisant.
@quiberon
c’est vrai que le débat est constant, mais il ne faut pas perdre de vue que l’analyse du passé réel ne permet de comparer que deux politiques qui se sont réellement déroulés. Pas de comparer une politique réelle et une politique hypothétique. L’OFCE est prudent et utilise le conditionnel, c’est bien qu’il y a des hypothèses sous-jacentes. L’OFCE n’affirme pas et démontre encore moins que la dépense publique a soutenu la croissance : il indique que c’est ce qu’il croit, c’est tout. Pour être un peu facétieux, je rappellerai que la dépense publique inclus notament le phénomène "crédit lyonnais", dont on ne me fera pas croire qu’il a été générateur de croissance…
Une hypothèse qui me semble interessante est que l’effet ricardien n’existe qu’à partir d’un seuil : en somme, la dépense publique serait effectivement efficace tant que la dette est "raisonnable", au dela c’est la catastrophe : on perd l’effet positif, et même on perd en plus une partie du gain précédent (mais, inversement, il suffit alors de réduire la dépense public pour accroitre la croissance). C’est hypothétique, mais ça rend compatible le sentiment de l’OFCE à propos du passé et celui d’A.B. Galiani à propos de l’avenir.
Par rapport à votre remarque spécifique (stabilité du ratio DPP/PIB), il y aurait moult à dire.
1) il y a quelque chose de malhonnete à invoquer ce ratio sans parler du patrimoine. Or, il semble que sur la période, le ratio patrimoine public/patrimoine total s’est considérablement dégradé (et, accessoirement, que le patrimoine total est de plus en plus détenu par des étrangers ; il ne nous reste plus qu’a esperer que c’est un effet de diffusion de l’Européenisation et de la mondialisation, symétrique d’un accroissement du patrimoine des français à l’étranger…).
2) une autre façon de dire la même chose : la réference 1984 prete le flanc à la critique pour des raisons assez évidentes. Notamment cette référence change tout à l’effet des nationalisations : comptablement neutre en terme de bilan (les entreprises ont été acheté à leur valeur de marché), elles ont généré une dette qui subsiste encore alors que les actifs ont été vendus depuis. Cette référence est donc peu judicieuse, en tout cas contestable.
3) la dépense publique n’a pas le même effet sur la croissance selon qu’elle constitue en pension (à des retraité qui n’ont plus besoin de rien), en salaires (à des jeunes et moins jeunes qui consomment et investissement), ou en investissement (à des entreprises qui font la croissance) ; sur la période, elle a considérablement dérivé du troisieme vers le second et surtout le premier poste…
4) C’est un biais classique de la sphère publique, aussi bien chez les "dépensiers" que chez les "financiers", de parler des dépenses (les salaires, notament) sans regarder le travail fourni (la valeur ajoutée du système). Or
-) la comptabilité publique se déclare incapable de calculer cette valeur ajoutée (même lorsque cela serait possible, pour les activités qui ont des prestataires privés qui subsistent). Autant dire qu’elle refuse toute évaluation objective, ce qui en soi lève un soupson d’inefficacité. Intuitivement, le sentiment général est d’ailleurs que la sphère publique remplit moins bien ses fonctions (école, justice, police, santé, investissement etc.) que dans la période précédente.
-) compte tenu de la nature de la puissance publique et de ses activités, à service rendu constant (et pour sur il n’a pas augmenté) le poids des dépenses publiques aurait du baisser dans des proportions considérables, en profitant des gains de productivité permis par les nouvelles technologies.
La conclusion de tout ça, c’est que l’apparente stabilité des DPP en % du PIB cache en fait une énorme hausse de ce ratio, et que la thèse que la DPP soutient la croissance a de plus en plus de plomb dans l’aile. Même si l’OFCE s’y tient.
A Quiberon
Je ne partage pas l’avis de l’OFCE, à qui je reproche notamment des analyses trop "court termistes" et trop fragmentées. Cette conception court termiste est fort bien illustrée par l’analyse que l’OFCE conduit du déficit public, qu’elle voit soutenir la demande. Ce n’est pas totalement faux mais les causes du déficit sont ailleurs et je règlerai le sort de cette thèse dans mon prochain billet (fin mai ou début juin).
De plus, cette vision très keynésienne du déficit n’est acceptable qu’à court terme : un déficit pallie une baisse momentanée des autres composantes de la demande globale. En revanche, si le déficit dure, il génère de l’endettement dont les intérêts aggravent le déficit, sans soutien de la demande et comme le montre les travaux de Patrick Artus, induit sur le long terme un effet ricardien qui annule le supplément de demande entrainé par le déficit. Les expériences canadiennes et suédoises donnent plutôt raison aux ricardiens qu’aux keynésiens.
Concernant la notion de dépenses publiques, j’ignore si vous considérez les seules dépenses de l’Etat. Dans ce cas, elles n’augmentent certes pas en part de PIB, mais il ne faut pas oublier les transferts de charge vers les autres administrations (collectivités locales). Il est beaucoup plus pertinent de prendre l’ensemble des dépenses de l’Etat, des collectivités locales, de sécurité sociale … Le niveau de ces dépenses en part de PIB sont parmi les plus élevées du monde, même si elles ont cessé de croître pour le moment. Je dis bien pour le moment car sous l’impact des retraites et des charges de santé liées au vieillissement, elles devraient prendre encore quelques points. Sans forcement être un adepte de Laffer et de sa célèbre courbe illustrant l’adage « trop d’impôt tue l’impôt », il est un moment où il faut savoir s’arrêter. En effet, qui voudra continuer à créer des richesses s’il n’en reste plus après impôt ?
Enfin, il faut peut être accepter de considérer que la production de services publics en France est loin d’être efficiente …
Je souhaite revenir à des notions plus basiques.
1. Si la dette publique a pour origine des dépenses d’investissement, cela ne créée aucun dommage pour personne.
2. Les choses se gâtent lorsque les déficits publics ont pour origine des dépenses de fonctionnement.
3. Lorsque ces déficits sont financés par des emprunts à long terme, cela devient catastrophique.
4. Si le niveau de la dette publique est élevé et que celui-ci régresse, il n’y a pas de problème. Le cercle vertueux étant enclenché, la "passe" difficile se résorbe d’elle même.
5. Si le niveau de la dette publique est faible et que, cependant, il augmente rapidement, le cercle vertueux ne s’enclenche pas et le déficit des comptes publics s’accroit l’année suivante : la situation est malsaine.
6. La Belgique a une dette publique qui avoisine 100% du PIB; mais elle tend à diminuer. La situation n’est pas encore saine mais elle s’assainit. La Belgique n’est pas montée du doigt par la Commission!
7. L’Italie a une dette publique bien plus élevée que la France (environ 120% du PIB) et cette dette s’accroit … Catastrophe prévisible. Le Gouvernement Prodi va CERTAINEMENT serrer les boulons. Or, ce n’est pas ce qu’attendent ses électeurs …
8. Bien pire. Prodi va le faire en pleine campagne électorale française. En outre, il doit "gérer" une coalition de 14 partis (depuis les communistes "orthodoxes" jusqu’aux centristes).
9. Conclusion : si la Gauche gagne la présidentielle sur une base programmatique "radicale" (autrement dit très "à gauche"), elle va dans le mur. D’où l’intérêt, pour la France, que le duel du second tour soit un duel Sarkosy/ Royal plutôt que Sarkosy/Fabius.
10. Nous vivons une époque très interressante ….
Jacques Heurtault a dit :
"Nous vivons une époque très interressante …."
Oui mais aussi trés stressante…..
A Jacques Heutault
Je pense qu’il sera difficile de faire une synthèse plus claire et plus précise …
"1. Si la dette publique a pour origine des dépenses d’investissement, cela ne créée aucun dommage pour personne."
A noter que le fait de qualifier d’investissement les dépenses d’équipement en armement ou nucléaire civil est pour le moins douteux étant donné la faible durée de vie de ces "investissements". A contrario, investir dans la masse salariale, donc, le fonctionnement, destinée à créer effectivement les conditions à long terme d’un certain ordre social est un moyen de créer à moyen terme des conditions de confiance et de bien-être inédéniablement plus utiles à la société que le fait d’avoir pu quelque temps parader au salon du Bourget.
Par ailleurs, les dépenses d’éducation n’ont aucune valeur si on considère leur utilité immédiate. Sans raisonnement à des échéances dépassant très largement une législature, voire même, la durée de vie effective en service sur le terrain d’un char ou d’un avion, payer des enseignants ne sert strictement à rien.
La dette publique n’est qu’un transfert d’argent entre citoyens ( hors pb des détenteurs etrangers devenus plus nombreux ). Une forme de prélevement public ou le prelevé croit avoir encore son argent.
La seule question importante est l’utilisation de l’argent : 4×4 par le non-souscripteur d’un emprunt ou jets d’eaux devant la mairie s’il souscrit
( de droite ou de gauche les politiques sont aussi pretentieusement gaspilleur ).
A ma connaissance, jamais un emprunt public n’a été remboursé.
A l’agent,
Vous mettez le doigt sur des détails trés justes. Sachez qu’en comptabilité nationale, les dépenses militaires sont considérées comme des dépenses de fonctionnement.
Les dépenses d’éducation nationale pourraient être assimilées à de l’investissement long terme, cependant elles presentent un caractère récurrent qui rend souhaitable leur classement en fonctionnement.
Concernant la masse salariale, la question est complexe et vous faites allusion à la théorie du capital humain. Il semble cependant difficile de déconnecter durablement sans "casse" les salaires de la productivité utile.
+1 pour l’Agent
L’investissement est une notion fiscalo-comptable, une cote mal taillée entre deux exigences contradictoire (taxer à l’année les dépenses de l’année, amortir sur leur durée de vie les équipements).
Quite à être simpliste : un investissement c’est un truc qui s’amortit avec l’autorisation du fisc. Dans les activités de l’état, vous voyez beaucoup de choses qui réponde à cette définition ?
Pour aller plus loin, quand on gère entre un quart et plus de la moitié de la richesse nationale (selon la façon de compter), on a une masse suffisante pour que la dette soit parfaitement superflue : les plus-value des investissements passés doivent couvrir les investissements présents, et plus encore. L’état a les moyens d’être une "cash-machine", générateur de dividentes (ce qu’il est, d’ailleurs, hélas pour certains seulement…).
Et pour aller encore plus loin, il ne faut pas perdre de vue que l’investissement de l’état est en soi un dommage pour au moins trois personnes
– celle qui souhaitait développer son activité commerciale dans le domaine et qui se trouve à faire face à une concurrence parfaitement déloyale
– celle qui ne bénéficie pas de l’investissement et qui pourtant paye quand même en tant que contribuable
– celle qui bénéficie de l’éuipement et qui n’a plus qu’à fermer sa gueule pour les amélioration, sous prétexte que c’est "gratuit" ("gratuit" au sens commercial, bien sur : payé quand même mais de façon invisible)
Et une bonne remarque de Gem, une, qui n’entrait pas dans mon propos mais qui mérite d’être posée : comment apprécier l’utilité de l’investissement public, n’y a t-il pas risque d’éviction de l’investissement privé ? Au passage, on peut s’interroger si le financement de la dette ne se substitue pas à de l’investissement privé ?
Juste une observation : l’investissement ne se définit pas en économie comme une notion fiscale (ce qui est la vision comptable) mais par 1) la notion de durabilité 2) la possibilité qu’il offre d’accroître la capacité de production de biens et services
Mais pour rester dans l’esprit de la démarche par Jacques Heurtault, peut-être devrait-on envisager d’employer en finances publiques une notion bien connue de la finance du vrai monde, à savoir, le "retour sur investissement".
Ainsi pourrait-on distinguer les pures dépenses d’entretien des dépenses se faisant en fonction de projets de la puissance publique devant en théorie provoquer des résultats escomptés, souhaités, et mesurés. Et pour poursuivre sur un thème cher à notre hôte, partir du principe qu’un projet de la puissance publique ne menant pas au résultat attendu au bout du délai escompté doit être réformé (par exemple, externalisé) ou abandonné.