La dette fait régulièrement la une de la presse économique et, parfois, les échos qu’elle suscite atteignent le grand public. En raison de la façon dont elle engage l’avenir, un point semble approprié. Aussi, ce billet est le premier d’une série consacrée à l’ensemble de l’endettement de la France et des Français, à l’issue de laquelle, du moins je l’espère, les enjeux apparaîtront plus clairement. Commençons par notre quotidien : Ce premier « papier » portera sur l’endettement des ménages qui, selon la Banque de France, étaient endettés – presque exclusivement auprès des établissements de crédit – à hauteur de 740 milliards d’euros en février 2006, soit 12 000 euros par habitant.

Tentons de porter une appréciation sur cette valeur. Nos voisins européens (de l’Europe des 15) sont beaucoup plus endettés à titre personnel, avec 16 337 euros par habitant. Cependant, si les Français apparaissent plutôt réservés vis-à-vis de l’emprunt, ils rattrapent rapidement ce retard. Ainsi, leurs encours de crédit représentaient environ la moitié de leur revenu disponible (c’est-à-dire ce dont ils disposent une fois payés les impôts et perçues les prestations sociales) en 1998 et 60% en 2004. Cette valeur reste toutefois toujours très en deçà de la moyenne européenne, de 91 %.
L’immobilier est la première raison du recours à l’emprunt. Le niveau des taux d’intérêt a été, en effet, tout particulièrement attractif ces dernières années, parfois inférieur à 3%. De plus, les banques ont diversifié leur offre : prêt à taux révisables, qui permettent d’emprunter plus, allongement des durées de remboursement, jusqu’à 30 ans …
Au final, en constatant que l’endettement des ménages représente moins de 10% de la valeur de leur patrimoine, la situation peut être qualifiée de saine. Aussi, il est tentant d’utiliser les marges d’endettement pour soutenir la consommation, d’autant qu’aujourd’hui seul un ménage sur deux est endetté. A cet égard, la législation vient d’autoriser les crédits à hypothèque rechargeable, c’est-à-dire pour lesquels il est possible d’obtenir un nouveau prêt garanti en complément d’un prêt ancien, à hauteur de la valeur du bien hypothéqué. Pour leur part, les retraités pourront obtenir des banques des rentes viagères gagées sur leur logement, le remboursement ayant lieu avec la liquidation de la succession.
Cependant, une politique fondée sur l’endettement des ménages est elle durablement concevable ?
Tout d’abord, le crédit a alimenté la demande immobilière, laquelle a tiré les prix à la hausse. La Banque de France alertait récemment sur l’envolée de ces derniers, avec une augmentation de l’ordre de 10 à 15 % par an, et estimait qu’ils étaient surévalués de 30%. Il y a donc ici risque d’explosion d’une « bulle ». La deuxième limite touche à l’inflation, puisque le financement des ménages se fait par concours bancaires donc par création monétaire. La Banque Centrale Européenne a déjà alerté sur les excès de crédit et, conformément à sa mission, a mis en oeuvre une politique de prévention de l’inflation, même si la hausse des prix est également imputable au renchérissement des matières premières. Ainsi, le taux directeur de la BCE, le « repo », celui qui sert de référence aux banques pour fixer le prix des crédits, est passé de 2% à la fin de 2005 à 2,5 % aujourd’hui et, peut être, à 2,75 % d’ici à quelques semaines …
Enfin, l’endettement appelle des remboursements dont le poids peut peser à terme sur l’activité économique par effet d’éviction : les échéances réduisent la consommation et l’épargne des ménages est utilisée à les désendetter au détriment du financement de l’investissement des entreprises.
En parallèle, existe le risque de surendettement, qu’il convient cependant de ne pas exagérer. Les banques sont plutôt prudentes dans la distribution de crédit. Le surendettement, caractérisé par l’incapacité de faire face au remboursement des dettes non professionnelles, concerne moins de 4% des emprunteurs et sa principale cause tient dans les « accidents de la vie » (divorce, chômage).
Au final, il n’en demeure pas moins qu’une politique de croissance fondée sur l’endettement des ménages reste une politique de court terme, à utiliser avec prudence. Surtout, il faut s’interroger sur la question de savoir si les Français auront envie de s’endetter toujours plus ? Tout dépendra de leurs anticipations … Ce sujet sera développé dans un prochain billet.

A.B. Galiani