C’est en somme la question que se pose la Commission des Finances du Sénat au travers de l’exemple de l’action des services de l’État à l’étranger. M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial des crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat », à l’occasion d’une mission de contrôle sur pièces et sur place du réseau français à l’étranger note en effet que « la LOLF, uniquement perçue dans ses aspects les plus complexes par les agents, n’apportera pas d’amélioration dans le fonctionnement du réseau tant que les fonctions « support » n’auront pas été réformées ». Il convient donc de revenir sur ces fonctions « support », leur finalité et les difficultés qu’elles suscitent.
Les fonctions « support » (appelées également fonctions « soutien ») « correspondent aux fonctions d’état-major et aux fonctions de gestion des moyens. Celles qui ne peuvent être réparties a priori par politique pourront être isolées en programme ou action support » (DRB). En somme, les moyens de gestion et de pilotage d’une politique publique sont identifiés au sein d’une action ou d’un programme spécifique au lieu d’être rattachés au programme dit « de politique publique » qu’ils concernent. Or, ces fonctions « support » soulèvent plusieurs difficultés théoriques et pratiques :
1) Complexité – Leur traitement est hétérogène d’un ministère à l’autre : programme support ad hoc pour l’ensemble de la mission ; action support au sein de chaque programme d’une mission ou même une action ad hoc, intégrée à un seul programme, servant de support à l’ensemble des programmes de la mission. Or, cette hétérogénéité est non seulement source de complexité mais ne favorise pas la comparaison entre services.
2) Art. 7 LOLF – Les programmes « support » semblent en contradiction avec l’art. 7 de la LOLF (« Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions (…) définis en fonction de finalités d’intérêt général (…) »). Quelle peut-être en effet la finalité d’intérêt général d’une fonction support ? L’esprit de la LOLF n’est-il pas d’identifier par programme des segmentations de politiques publiques en regroupant l’ensemble des actions à mener et les moyens affectés à ces dernières ?
3) Performance et fongibilité – Certes, on imagine assez bien la fixation d’objectifs d’efficience pour les fonctions supports mais qu’en est-il de la fixation d’objectifs socio-économiques ou de qualité de service ? En l’absence de coordination des objectifs de fonctions support d’un ministère à l’autre, la comparaison de la performance entre services est-elle possible ? Enfin, les fonctions support, regroupant des moyens de gestion, permettent-elles de pleinement de profiter de la fongibilité des crédits ?
4) Volume – Étant donné leur caractère quelque peu dérogatoire à la logique « lolfienne », les fonctions support ne devraient-elles pas être limitées aux seuls crédits qu’il est impossible d’affecter à un programme de politique publique défini ? Certains programmes de fonction support ont pourtant un volume très important et on peut craindre qu’ils ne deviennent des programmes « fourre-tout » utilisés bien plus par commodité (maintien des structures, caractère « dérogatoire » à la logique LOLF) que par nécessité. Faut-il alors envisager une limitation quantitative (solution prônée par le CIAP) ?
Ces quelques remarques, parmi d’autres, nous amènent à nous demander s’il ne serait pas opportun non pas de réformer mais bien d’encadrer les fonctions support notamment en définissant le périmètre (plutôt que de fixer un seuil) et en homogénéisant le traitement. Plus simplement, il serait bon que ces fonctions « support » soient réglementées par la loi organique sauf, bien entendu, à imaginer que l’évolution des systèmes d’information et la modernisation des services ne permettent tout simplement de supprimer peu à peu ces programmes dérogatoires…
Catteau Damien, Université de Lille 2, Laboratoire du GERAP-GREEF.
Bonjour,
A propos de votre point "3) Performance et fongibilité", je me permets de vous indiquer la demarche ITIL ( http://www.itil.co.uk ) mise au point au Royaume Uni dans les années 80
Un simple recherche sur Google vous en dira plus sur ce point.
Je comprends pour ma part que certains ministères n’aient pas pris le risque dès la 1ère année d’éclater leur gestion dès lors que le système d’information n’était pas au niveau requis. En revanche, comme profane de la gestion publique, je ne comprends pas tout ce que vous expliquez pourtant avec clarté. Pourquoi la comptabilité analytique ne viendrait-elle pas nous aider à y voir clair dans ce que les programmes supports font au service des autres. Nous aurions ainsi la vérité des prix. En outre, il m’intéresserait de savoir si dans les entreprises, il n’existe pas de fonctions support qui viennent en appui des autres activités afin d’aviter à chacune de celles-ci de s’équiper individuellement. N’y a-t-il pas parfois des économies d’échelle à attendre ? Enfin que pensez-vous du rôle que pourrait jouer un programme support transformé en agence qui vienne offrir ses services au ministère auquel il appartient mais également à d’autres ministères proches puisque l’on sait tous qu’il y a beaucoup trop de ministères en France. Ne serait-ce pas un moyen détourné de regrouper certains services actuellement inutiles éclatés. Pardon de toutes ces questions qui vous sembleront sans doute à côté de la plaque.
Ne pensez-vous pas que la définition de programmes "de politique" pourrait déboucher sur l’éclatement de pôles de compétences spécifiques (informatique – immobilier – et même RH) entre les programmes. N’est-il pas souhaitable parfois de réunir des compétences et des domaines techniques spécifiques afin d’accroître la qualité de la production et de réaliser des économies d’échelles ? Un programme "soutien" n’est donc pas toujours à proscrire dans un souci de bonne gestion ?
Ne croyez-vous pas qu’il faut tout simplement inventer les bons outils que pour les responsables de programmes puissent s’acheter mutuellement des services et que la réalité des coûts apparaissent ?
J’ai bien le sentiment que nous faisons ainsi dans les grandes entreprises.
A Julien,
Vos questions ne sont pas du tout "à côté de la plaque", elles sont mêmes très intéressantes ! Je vais essayer d’y répondre (même si certaines questions dépassent quelque peu mes compétences). S’agissant de la comptabilité d’analyse des coûts, les fonctions supports sont en effet ventilées ‘ex post’ afin de connaître le coût complet des programmes de politiques publiques… Je pense juste, sur ce point, que cette ventilation est une procédure complexe que l’hétérogénéité des fonctions support par ministère rend encore plus complexe…
S’agissant des économies d’échelles, je passe, Pierre a répondu à ma place…
Concernant la dernière question, l’intérêt des fonctions support est justement de permettre une mutualisation des moyens, alors en effet il faut espérer que des initiatives dans ce sens soient entreprises…
A Pierre,
Je suis d’accord avec vous… Je précise que je ne nie pas l’intérêt des fonctions support, bien au contraire, mais je pense qu’elles posent certaines difficultés notamment en termes de démarche de performance (efficacité finale, qualité de service), de périmètre (encore faut-il en effet qu’elles se limitent aux moyens de gestion) ou plus simplement de légalité (si les fonctions support sont essentielles à une bonne gestion, les programmes de fonctions support semblent peu compatibles avec l’art. 7 LOLF). En clair, je pense qu’elles sont un outil très utile mais qu’elles devraient faire l’objet d’un certain encadrement, ne serait-ce qu’une homogénéisation de leur traitement pour permettre le benchmarking…
On peut voir le bon côté des choses : parler de fonction "support", c’est reconnaitre qu’on parle de choses qui n’ont rien à voir avec la fonction publique même au sens le plus large : ni infirmière, ni pompiers, ni policier, ni juges, ni enseignant, ni assistante sociale. De l’administration au sens le plus générique, le plus basique : téléphonie, logistique et fourniture, paye, entretien et nettoyage, logement …
Des choses parfaitement comparables à ce qui se fait dans le secteur privé, des "services" dont le cahier des charges est simple et précis (par exemple pour le personnel : respecter le "statut").
Bref : des fonctions externalisable, pour lesquels on peut passer des appels d’offres.
entièrement d’accord avec Gem… directement concernée puisque sur fonction support par défaut de poste autre, je cherche à repartir sur fonction production avant que trop tard!
la fameuse "modernisation des fonctions support" serait le dernier avatar (avec l’étape intermédiaire de la mutualisation tous azimuts, inter-service, inter-départemental, inter-transversale, inter-transitoire.. qui apportera la preuve que ça ne fonctionne pas vu la diminution drastique des effectifs qui y sont et seront affectés) avant l’externalisation (dans 3-4 ans ?)
Une gestionnaire de base qui à J + 130 pourra payer enfin quelques factures 2006 sur les à peine 25% de crédits reçus au titre du budget fonctionnement 2006
Les fonctions supports varient d’un programme et surtout d’un ministère à l’autre. Dans une pure logique lolf, les programmes devraient pouvoir être transministérielles et les ressources humaines attachées exclusivement au fonctionnement d’un programme dvraient y être "gérées" en fonction des nécéssités de mise en oeuvre de ce programme. Pourquoi dans ces conditions le ministère de l’équipement affecte-il 98% de ces ressources humaines dans un programme support spécifique qu’il reventile artificiellement vers d’autres programmes par des actions dites miroirs?? Ne serait-ce pas pour "camoufler" une gestion des ressources humaines particulière? Cette attitude vous paraît-elle compatible avec l’esprit lolf?
Sans revenir trop longuement sur l’interministérialité puisque ce n’est pas le sujet de ce billet et que je me suis déjà exprimé sur ce point (voir précédents billets), je ne pense pas que les programmes doivent être transministériels, l’interministérialité par mission suffit, quitte en revanche à ce que la structure administrative soit modifiée… c’est d’ailleurs l’une des finalités de la LOLF…
Pour revenir aux fonctions "support", je pense en effet qu’il devrait y avoir une certaine homogénéisation. Par ailleurs, si les fonctions soutien ont leur utilité, je pense en effet qu’il est plus conforme à l’esprit de la LOLF de les identifier au sein d’une action dans le programme qu’elle concerne plutôt que de les regrouper artificiellement dans un programme et les reventiler "ex post". En effet, ça me paraît peu conforme à l’esprit LOLF, quelle est la finalité, quelle politique publique peu représenter un tel programme ? De plus, cela ne me paraît pas utile. Tout au plus, cela représente une option de facilité destinée à préserver les compétences d’un service ad hoc… Quoiqu’il en soit, la solution existe : il est possible d’identifier les fonctions support par programme au sein d’une action… quitte d’ailleurs à mutualiser la gestion de ces fonctions support par un seul service, y compris de manière interministérielle, puisqu’un service peut gérer plusieurs BOP au sein de programmes distincts y compris de ministère différents (un BOP par programme en revanche). Cette règle me paraît d’ailleurs avoir été posée justement pour la gestion des fonctions support…
En espérant vous avoir éclairé…
Cordialement,
D.C.
Que la LOLF soit ou non perfectible, il ne sera possible de le savoir que si, à la différence de ses innombrables prédécesseurs de moindre ambition, elle est effectivement appliquée.
Les BOPs support sont notamment connus pour mélanger à la fois des projets pluri-annuels de developpement d’outils informatiques et de la gestion régalienne de budgets annexes telles que les rémunérations auxilliaires des chauffeurs de direction. L’opacité de ces budgets est le meilleur moyen de garantir l’effective appropriation par les RUOs de l’autonomie que la LOLF est sensée leur donner… pour le meilleur ou pour le pire.
Mais peut-on parler de BOPs support dans l’absolu sans évoquer leur montant ? Par exemple, certains BOPs support représentent 0.7% des masses gérées, d’autres, 9% : peut-on comparer les risques de dérive avec 1 ordre de magnitude d’écart entre deux faits comparés ?
En quelque sorte, "fonctions support" est la version LOLFienne des "frais généraux" bien connus des entreprises?
@citoyen curieux
disons que ça pourrait être ça, mais que ça n’est pas ça : certains ministères n’ont pas hésiter à mettre tous le personnel en "fonction support", avec les photocopieurs et les ramettes de papier… inversement, d’autres ministèrs n’ont pas hésiter à étiquetter comme "support" des fonctions qui représente en fait le métier de base (dans le but de gérer la contradiction entre des programmes multiples au sein d’une seule direction, et éviter la multiplication de BOP gérés par un même chef et le même personnel).
Tous cela fait un peu désordre, le parlement est "coulant" (pour ne pas entraver le développement de la LOLF ?), mais on peut penser qu’il faudra clarifier tout ça.
Je m’occupe pour ma part d’un programme support et, si je comprends bien les questions que posent ces programmes, je voudrais dire que ce ne sont pas des programmes anti-LOLF.
Le problème, c’est que quand on applique une structure comme celle des programmes à des ministères très différents en taille et en mode d’intervention, quelquefois, "ça coince".
Notamment, en répartissant des ressources par programme, on ne les affecte pas, on les pré-affecte, longtemps à l’avance. Quand les ressources de chaque programme sont importantes, ce n’est pas grave, les marges de manoeuvre pour s’adapter en cours d’année se trouvent dans le programme. Mais quand les ressources sont très étroites, ou qu’il y a beaucoup de programmes pour un petit nombre d’agents qui les mettent en oeuvre, ça peut devenir un facteur de blocage et même de gaspillage. C’est ce que dit Pierre, je crois. Et ce n’est pas ce que la LOLF veut obtenir. Il y a un vrai risque d’effet pervers.
Ne croyez pas que nous cherchons désespérément à ne pas mettre en oeuvre la LOLF. Je suis fonctionnaire depuis longtemps, j’ai beaucoup attendu une réforme de ce type et, là où je suis, je la mets en oeuvre avec un certain enthousiasme.
Un programme support n’est pas forcéement un programme fourre-tout, pas plus qu’un programme "normal" qui mélangera aussi les crédits de photocopieuse, de personnel et de subvention aux associations… Si le reporting n’est pas bien fait, on n’y verra rien non plus.
Il peut avoir une performance : par exemple, justement, être transparent et organisé, économe en moyens et produire une ventilation analytique de qualité.
Il est vrai que ses objectifs finaux ne sont pas dans son programme. Il sert les autres programmes. Mais ça, justement, c’est facteur de progrès. On vient d’une situation où une direction gérait des effectifs avec ses préoccupations de gestionnaires d’effectifs (pas de vagues…) et où une autre conduisait des politiques. Afficher que la performance finale du programme support réside dans la performance des programmes de politique, c’est une vraie bouffée d’air LOLFien, croyez-moi…
Donc, je ne suis pas d’accord avec vous : ce n’est pas conforme à la lettre, mais c’est au contraire (mais dans certaines situations seulement) beaucoup plus plus conforme à l’esprit de la LOLF, plus efficace, plus efficient, plus transparent et bien orienté sur les résultats. Je pense que le Parlement n’y perdra rien, ni en capacité de cadrage et d’orientation, ni en précision d’informations. J’espère vraiment que nous saurons le prouver.
@odile
sans être indiscret, ça serait plus clair avec des éléments concrets (chiffres et programmes dont vous parlez : j’ai du mal à concevoir qu’un programme puissent avoir des "ressources sont très étroites" (?), ou qu’un petit nombre d’agents soit chargé de "beaucoup de programme". A priori, il me semble que le cas dont vous parlez implique que les programmes ont été mal définis.
Au fond, ce que vous dites c’est que les programmes support peuvent être l’occasion de faire de le LOLF malgré les conservatismes. Peut-être, oui (bon courage…). N’empêche que leur existence est la preuve que les conservatismes ont été assez puissant pour empêcher rendre nécessaire cette astuce, ce qui n’augure pas bien de la suite…
@gem
De toutes façons, programme support ou pas, il n’y a pas d’autre façon de faire de la LOLF que de la faire malgré les conservatismes.
Mais si vous mettez par exemple un directeur de service déconcentré dans la situation de gérer 50 à 70 agents ventilés sur 4 ou 5 programmes, c’est-à-dire non redéployables, dans une organisation commune qui perd toute souplesse, ou si vous lui demandez de payer sur 4 ou 5 programmes (donc 4 ou 5 lignes comptables différentes) ses achats de papier, il y a de beaux jours en perspective pour les conservatismes.
Dans de tels cas, le programme support évite des émiettements inutiles et contreproductifs. Il s’agit d’une opération de mutualisation qui n’est pas de soi contradictoire avec l’esprit de la LOLF.
C’est à évaluer au cas par cas.
Je ne sais pas si les programmes sont mal faits. Il y a des ministères qui ont déjà beaucoup externalisé, qui travaillent avec des opérateurs et qui ont donc un gros "chiffre d’affaires" pour de faibles effectifs. Les programmes sont faits en fonction des crédits et pas des effectifs qui les mettent en oeuvre, et ça me paraît normal.
"Mais si vous mettez par exemple un directeur de service déconcentré dans la situation de gérer 50 à 70 agents ventilés sur 4 ou 5 programmes, c’est-à-dire non redéployables, dans une organisation commune qui perd toute souplesse, ou si vous lui demandez de payer sur 4 ou 5 programmes (donc 4 ou 5 lignes comptables différentes) ses achats de papier, il y a de beaux jours en perspective pour les conservatismes."
Je rebondis sur votre remarque puisqu’elle rejoint l’un des débats récurrents entre Damien Catteau et moi-même, à savoir, que la subdivision en programmes, actions, etc. est adaptée aux gigantesques ministères surstructurés, mais parfaitement inadaptée aux services de terrain, ceux qui rendent le service.
On pourrait regretter que ces services soient organisées comme des reproductions locales en miniature des ministères, et au sein desquels ce ne sont souvent que des fractions d’emplois du temps d’hélas indivisibles personnes qui exercent sur tel ou tel objet. Cela aussi pourrait se réformer, mais certainement pas par la LOLF elle-même.
Je ne tirerai cependant pas comme conclusion du constat selon lequel le législateur a souhaité ignorer le phénomène de la déconcentration lorsqu’il a agi qu’il faut détourner la LOLF de son esprit au motif que les chauffeurs, webmasters, personnels des services généraux et logistiques rentrent mal dans le moule et sont, de fait, partagés entre missions et cases comptables en général.
Il me semblerait infiniment plus simple de fournir aux services (pardon, "unités opérationnelles") des règles claires d’imputation de sources de coûts (désolé de réduire à cela le travail de mes honorés collègues) indivisibles… au sens des règles applicables et à cela uniquement, ne serait-ce que pour éviter de mettre fin aux synergies existantes, comme celles par exemple par lesquelles un parc de véhicule est géré en commun par deux UOs.
Je m’extirpe un instant des couches, biberons et autres calins pour répondre à Odile… que je remercie au passage de nous faire partager son expérience sur le terrain…
D’abord, je ne pense pas que les fonctions support soient "anti-LOLF" et encore moins que les administrations font leur possible pour ne pas l’appliquer… bien au contraire, je suis un ami de la LOLF et un optimiste de sa bonne application par les services… Je ne nie pas non plus l’intérêt des fonctions support (et notamment leur caractère incontournable le temps de roder l’application de la LOLF). Tout au plus, je reste reservé en effet sur les "programmes support" qui eux en effet ne semblent pas respecter la lettre de la LOLF… De la même manière, je ne crois pas que ces programmes soient nécessairement des programmes fourre-tout, seulement l’absence de réglementation les concernant (car après tout, ils ne sont pas prévus dans la LOLF) et leur caractère dérogatoire aux principes posés par ce texte font craindre qu’ils ne le deviennent…
Ceci dit, à propos des services, j’aurais tendance à dire que ce n’est pas la LOLF qui doit s’adapter à la réalité des services mais l’inverse ! Si l’organisation d’un service ne peut être transcrite dans la nouvelle nomenclature, il faut revoir la structuration et non transiger avec les principes dégagés par le texte… C’est d’ailleurs, l’une des finalités de la LOLF… On peut certes comprendre que les programmes support aient été indispensable la première année d’application mais je pense qu’ils devraient ne rester qu’une solution transitoire… Quand vous aborder la performance de ces programmes, vous reconnaissez vous même qu’on ne peut que difficilement mettre en place des objectifs d’impact final… ce qui est tout de même la catégorie principale de la mesure de la performance d’un programme…
En toute hypothèse, mais j’en ai déjà parlé, il est tout à fait possible d’avoir recours à des actions supports (ce qui est déjà plus conforme à la lettre de la LOLF) quitte à ce que la mutualisation des moyens s’opère au niveau déconcentré – Un service pouvant avoir la charge de plusieurs BOP (un par programme) d’un même ministère ou de ministères différents…
Enfin, ce qui me paraît criticable (intellectuellement s’entend) avec les programmes support c’est qu’ils ne permettent pas une comparaison entre services dès lors que le traitement des fonctions supports va varier d’un ministère à l’autre… Je pense donc qu’il faut privilégier l’action support au programme support… c’est, me semble-t-il, plus conforme à l’esprit de la LOLF…
Maintenant, je reste d’accord avec vous, à partir du moment où la gestion est efficace et que le reporting est bien fait, l’esprit de la LOLF est préservé… mais comprenez qu’un universitaire passionné de la LOLF soit dans l’obligation d’avoir un esprit critique sur l’application d’un texte avant tout juridique…
Cordialement,
D.C.
"j’aurais tendance à dire que ce n’est pas la LOLF qui doit s’adapter à la réalité des services mais l’inverse ! Si l’organisation d’un service ne peut être transcrite dans la nouvelle nomenclature, il faut revoir la structuration et non transiger avec les principes dégagés par le texte…"
Dans ce cas, j’attends avec impatience du législateur heureux de redéfinir l’intégralité de l’organisation de l’action publique sur le terrain qu’il daigne définir comment le service sera rendu, la seule alternative à cette prise de conscience étantr la fermeture de tous les établissements publics de taille suffisamment réduite pour ne pas disposer des structures administrives requises par la mise en oeuvre de la LOLF, ceux-ci incluant à peu près les 30.000 écoles publiques à moins de huit classes (qui disposent de 0 personnels administratifs), nombre de commissariats de police, etc. .
Mr Catteau, croyez-vous sérieusement que chaque école de chaque village dispose de son contrôleur de gestion au motif qu’une partie de ses activités relève de l’aducation et l’autre du sport ?
Il y a méprise, M. L’agent, j’entends par évolution de la structuration adminstrative surtout celles des services centraux pas les services déconcentrés. Si vous voulez ce que j’entends pas là, c’est que la structuration en programmes (qui s’applique, vous en conviendrez, principalement aux services centraux) n’a pas à s’adapter à l’organisation des services mais bien l’inverse. Le problème des fonctions supports (notamment des programmes de fonction support) est bien là ! On ne peut pas appliquer pleinement les principes de la LOLF alors on créé une catégorie de "programme" qui viendra déroger à ces principes en raison des spécificités de l’organisation adminstrative…
Voilà ! Je tenais à clarifier mon propos… Je suis d’ailleurs entièrement d’accord avec vous sur l’application des principes "lolfiens" aux écoles de campagne ou aux établissements publics de taille réduite ! Les universitaires ne sont pas "tojours" complétement déconnecté des réalités du terrain ! 😉
Cordialement
D.C.
Je poursuis avec un peu de précaution, car je ne suis pas sure de comprendre. J’hésite un peu aussi à vous troubler lors de votre joyeux "congé de paternité". Félicitations, à propos !
Pourquoi dites vous que la structuration en programmes s’applique principalement aux services centraux ?
Elle s’applique à tous les services qui gèrent ou dépensent des crédits et donc, pour les crédts de personnel par exemple, essentiellement aux services déconcentrés – quand on a réellement déconcentré, tout au moins?
Tant mieux, d’ailleurs, puisque ce sont les programmes qui orientent vers la performance.
Je parlais d’ailleurs bien, pour ma part, de petits services locaux et c’est bien pour eux qu’on a été conduits à mettre en place un programme support.
Une action support par programme ne résout pas la difficulté.
Peut-être y a-t-il quelque chose d’autre à mettre au point : par exemple travailler sur les règles d’imputation, comme le propose L’agent, pour lever les difficultés de pratique comptable tout en préservant mieux les principes de structure par programmes ?
L’autre alternative, si on veut se passer de programmes supports, serait de reconcentrer. Mais c’est une telle victoire des "conservatismes" que ce serait un résultat bien décevant pour tant d’efforts et d’attentes.
Le petit me laisse tout de même le temps de "lolfer" un peu… Je lui ai clairement expliqué que c’était en quelque sorte mon "doudou" à moi ! 🙂
Pourquoi une action support et préférable à un programme support selon moi ? Parce qu’une mission regroupe les crédits d’une politique publique voire même un champ un peu plus vaste, un "secteur d’activité" dirons-nous. Un programme est donc une segmentation de politique publique ou même une politique publique qui poursuit une finalité d’intérêt général… or ce n’est pas le cas d’un programme support… puisque comme son nom l’indique il regourpe les moyens qui servent de support à une politique définie dans un autre programme (voire plusieurs). Avec une action, cette difficulté disparaît… Mais je vous concède que cette difficulté est beaucoup pus "intellectuelle" que pratique. Il s’agit toutefois aussi de respecter – il me semble – le texte de la LOLF sauf à imaginer réglementer dans la LOLF les fonctions support… Par ailleurs, il me semble indispensable d’homogénéiser le traitement des fonctions support pour permettre les comparaisons entre services… et à choisir, l’action support me paraît plus appropriée…
Quant à la question de structuration, j’avance moi aussi avec précaution car la fatigue me fait quelque peu douter… d’ailleurs, je pense qu’à trop vouloir simplifier mon propos, je finis par dire des bétises… Mais les programmes regroupent les crédits affectés à une politique publique et qui regroupent les crédits des services centraux ainsi que les crédits qui auront vocation à être déconcentrés par le biais des BOP et UO. Donc, finalement, pourquoi regrouper les fonctions supports dans un programme spécifique – au risque de transiger avec les principes de la LOLF – alors que c’est plutôt dans le cadre des BOP-UO que devraient être regroupés ces crédits…
J’ai le sentiment, mais je peux me tromper (il faudrait que je me repenche de manière un peu plus approfondie sur la question), que les programmes supports sont surtout destinés à préserver les services d’état major, les centrales. Or, c’est ici que je pense qu’il ne faut pas inverser la logique voulue par la LOLF… La nouvelle nomenclature vise bien à identifier les crédits par finalité, pas par service/ministère/direction ou autre…
Mais, on peut tout à fait en débattre – je concède volontiers que mon inexpérience du terrain limite peut-être ma vision des choses ! Mais c’est aussi pour cela que ce blog est si utile à la LOLF… Il permet de confronter les points de vue et les expériences de chacun…
Au plaisir donc…
D.C.
Je lis pour la première fois ce blog très intéressant que je découvre à l’occasion d’un article sur Alain Lambert dans "LA Croix". Au delà, ou en deça, de toutes ces considérations pertinentes sur les programmes support, mon expérience de l’administration centrale m’amène à me demander si dans l’esprit de certains, les programmes support ne constitent pas un antidote à la déconcentration voulue par la LOLF. Je revendique cette idée simple selon laquelle un programme doit disposer de la palette la plus large possible des moyens pemettant d’atteindre ses objectifs. La mutualisation à outrance dans des programmmes support a certainement des avantages mais peut constituer une entrave à la responsabilisation des acteurs principaux que sont les RPROG. En outre, y compris et surtout pour des grands ministères, cette concentration des moyens dans les programmes support, et la pseudo-rationnalisation qu’elle poursuit, prend des allures de "GOSPLAN".
J’ai oublié, pour pa part, de remercier pour ce blog que j’ai découvert il y a peu, et pour les très intéressants débats lancés et éclairés par D. Catteau.
Il me semble que, tant que le débat sur les moyens se situe en administration centrale ("Faut-il que les moyens soient à la main du responsable de programme ou dans un programme support"), il n’y a pas de doute sur la réponse, qui est la répartition par programmes. Sur ce point, je suis bien d’accord avec vous, et avec Esclain.
C’est quand on regarde les choses à partir du point de vue d’un responsable local (qui est aussi un "acteur principal", notamment pour l’optimisation des moyens) que les questions se posent et que le programme support est une réponse et pas seulement une entorse aux principes.
Il faudrait que les moyens pilotés par chaque responsable de programme puissent être fusionnés quand ils sont ne sont pas très importants et qu’ils sont attribués à un même reponsable local. Il y a une notion de masse critique. Moins on dispose d’effectifs et de crédits de fonctionnement pour mettre en oeuvre plusieurs programmes, plus il faut développer la souplesse de gestion et la polyvalence. Mais comme la structure par programme se décline jusqu’au niveau le plus fin, l’affectation des moyens est rigide jusqu’au niveau local.
Je ne peux parler que d’après mon expérience. il se peut que, dans certains cas, un programme support traduise des logiques de pouvoir entre directions de centrale. Mais ce n’est pas nécessairement le cas. Cela peut être aussi exactement le contraire : un moyen de donner des choix de gestion au niveau local au lieu de les concentrer au niveau central.
Bien que je travaille en administration centrale, et toujours d’après mon expérience, je suis fermement convaincue que, pour savoir à quoi doit travailler M. Untel dans la Creuse, le bon niveau de décision, c’est le directeur de la Creuse, pas le responsable de programme (ni support, ni autre). Le directeur de la Creuse doit être responsable à son niveau de la performance des 4 programmes (BOP, en fait) qu’il gère, mais, justement pour ça, il doit pouvoir bouger et réaffecter ses agents et ses crédits de fonctionnement général. Le programme support lui en donne la possibilité. La structure par programmes "politiques", même avec une action support par programme, le met sous contrainte.
Il faudrait trouver dans la LOLF les clés pour répondre à cette difficulté. Il y a la structuration en programmes, et elle est fondatrice, mais il y a aussi le pilotage par les résultats, les rapports de performance, l’analyse des coûts. Peut-être que c’est en jouant de l’ensemble de ces leviers qu’on va trouver la bonne façon de faire ?