Les « chartes de gestion » ont été mises en place pour coordonner l’action des différents services responsables de l’exécution des programmes et clarifier les responsabilités de chacun de ces acteurs. Conservons l’esprit suffisamment critique pour nous demander si ces chartes de gestion ne risquent pas, à terme, de limiter la liberté des gestionnaires, posée pourtant en principe par législateur organique…

En effet, avec la déclinaison opérationnelle des programmes, on assiste à une superposition des niveaux d’exécution des programmes : Programmes / Budgets opérationnels de programme (BOP) / Unités opérationnelles. En l’absence de règles générales concernant les fonctions de chacun de ces niveaux opérationnels, il peut en résulter une forme d’opacité des règles d’exécution des programmes mais aussi une certaine dilution des responsabilités. La charte de gestion intervient ainsi pour pallier cette difficulté. Il s’agit en effet d’un document élaboré par le RPROG destiné à « assurer une mise en cohérence de la déclinaison opérationnelle des programmes dans le cadre de la stratégie commune au ministère, tout en permettant la connaissance et l’appréciation par l’ensemble des acteurs des règles de gestion applicables » (J.-F. Soumet, DPMA).

Ainsi ces chartes de gestion viendront fixer les modalités de gestion des BOP du programme notamment concernant la mise à disposition des crédits (délégations et réserves de précaution), la fongibilité des crédits, la réaffectation des marges de manoeuvres, le suivi de certaines activités. Elle organise également les règles concernant l’élaboration des BOP (cadrage stratégique), le suivi de la gestion et les comptes-rendus de gestion (dialogue de gestion).

Or, la mise en place de ces chartes de gestion peut susciter quelques difficultés :

  • Ne risquent-elles pas de se heurter aux principes généraux qui ont été posés par la DRB pour la gestion des crédits ? La réaffectation des crédits par les RBOP par exemple pourra être soumise à une information du RPROG, un avis voire un accord préalable de ce dernier ou même se réduire une simple faculté de proposition pour le RBOP. Est-ce compatible avec la liberté de principe accordée aux gestionnaires par la LOLF ? Les règles limitant la fongibilité des crédits ou encadrant la mise à disposition ne seront-elles pas alors un frein à la responsabilisation des gestionnaires ? Cela ne risque-t-il pas, sous couvert de clarifier les responsabilités, d’apparaître comme une reprise en main ce que l’on a donné de l’autre ?
  • Plus simplement, les chartes de gestion seront fixées par programme. Ainsi, les règles de gestion des crédits seront différentes d’un programme à l’autre voire d’un BOP à l’autre au sein d’un même programme. Cette solution, outre sa complexité, ne risque-t-elle pas également de freiner la responsabilisation des gestionnaires ?

Les gestionnaires, lecteurs assidus de ce Blog, pourraient-ils nous donner leur point de vue au regard de ce premier trimestre d’application de la LOLF ?

Enfin, si ces documents sont d’une importance fondamentale s’agissant du fonctionnement du programme, il serait nécessaire que la transparence totale soit faite autour de ces chartes de gestion. En effet, dès lors qu’elles fixent les responsabilités de chacun des acteurs du programme concerné, la charte sera un document incontournable pour le Parlement dans le cadre de son contrôle de l’exécution de la loi de finances (voir billet à venir : LOLF – Les chartes de gestion (2) et la responsabilité des gestionnaires).

Catteau Damien, Université de Lille 2, Laboratoire du GERAP-GREEF.