Le qualificatif « libéral » apparaît dans un grand nombre de discours politiques comme un repoussoir, prenant parfois même une connotation injurieuse. Il traduit alors un jugement définif, tombant comme une condamnation sans appel. Les détracteurs du libéralisme expliquent qu’il est responsable du chômage, de la pauvreté, de l’exclusion et de tout autre crime, y compris en France, pays rien moins que libéral. Un tel amalgame, aux antipodes de ce que la simple observation peut apporter, n’a d’avantage que de dispenser de réflexion, tirant un trait sur le fait que les pays libéraux ont plutôt moins de chômage et de pauvreté que les autres. Ce papier souhaite en quelques mots éclairer cette doctrine qui, loin de justifier le rejet général qu’elle suscite de l’extrême droite à l’extrême gauche, pourrait contribuer à la construction d’un modèle social pérenne.
De prime abord, le libéralisme est difficile à cerner. Il n’est pas fondé sur des dogmes intangibles mais des principes. Tout d’abord, la liberté de l’individu qui passe par le respect de la capacité de choisir, de penser et d’agir, associant indissolublement le libéralisme aux Droits de l’Homme. La liberté d’entreprendre découle implicitement de la liberté d’agir, posant ainsi l’unicité du libéralisme politique et du libéralisme économique. L’existence de l’Etat n’est pas mise en cause par les libéraux, qui admettent parfaitement son intervention, qui n’exigent pas non plus sa réduction à un hypothétique « Etat minimal ». En effet, d’une part, une Collectivité ne peut exister sans règles et qui dit « règles » dit « contrôles ». D’autre part, l’Etat doit intervenir dans le sens de l’intérêt général, pour lutter par exemple contre les externalités négatives comme la pollution (produite par quelques uns, elle est subie par tous). A ce titre, le principe « pollueur payeur » est par essence un principe libéral. Les libéraux demandent également à l’Etat la définition de règles de droit pour corriger les asymétries dans les relations entre citoyens. On cite régulièrement des passages tronqués d’Adam Smith, on oublie ceux dans lesquels cet auteur considère comme normale l’intervention publique. Le rôle de l’Etat constitue une des différences fondamentales entre le libéralisme et l’ultralibéralisme qui, lui, refuse tout Etat, rejoignant en ce sens les marxistes qui en veulent le « dépérissement ».
Les libéraux s’en méfient cependant car il possède selon l’expression de Max Weber « le monopole légal de la violence physique ». L’Etat n’est pas spontanément au service de l’intérêt général et exige un cadre de fonctionnement, reposant notamment sur la séparation des pouvoirs. Loin de le déifier, les libéraux veillent à ce qu’il ne se substitue pas aux citoyens. En France, la toute puissance de l’Etat déresponsabilise ces derniers et conduit à une société de facto inégalitaire (cf. billet du 2 avril consacré à Chantal Delsol).
Le libéralisme ne s’oppose pas à la protection sociale, il n’en fixe pas de niveau considéré comme acceptable. La seule limite repose sur le niveau des effets négatifs. Pour exemple, concernant les retraites par répartition, la question libérale est de savoir à quel moment les prélèvements opérés sur les actifs pénalisent leurs conditions de vie et le bien être collectif. Un pays libéral ne se caractérise donc pas par son taux de pression fiscale mais par une volonté d’efficacité pour atteindre les objectifs fixés. En clair, les citoyens doivent en « avoir pour leur argent ».
Le libéralisme, c’est aussi une conception de la régulation, c’est-à-dire cette aptitude plus ou moins grande des organisations à corriger leurs dysfonctionnements. L’Etat peut intervenir ou fixer des règles, à la condition de respecter des principes d’égalité et d’efficacité, ce qui exige toujours un contrôle a posteriori de l’action publique. La régulation, c’est, comme déjà dit la séparation des pouvoirs, incluant la séparation des fonctions de réglementation – contrôle des fonctions de production. Ainsi Tony Blair écrivait-il en 2003 que « le recours au privé avait fait progresser la qualité et l’efficacité du public ».
Une société libérale repose sur la liberté de choisir, principe qui forme le socle de la démocratie. La concurrence, qui fonde les mécanismes de marché, n’est jamais autre chose que cette liberté de choix appliquée à l’économie. Elle est un gage d’efficacité. Cependant, son fonctionnement n’est pas spontané. Les monopoles, y compris publics, sont dangereux, ils restreignent la liberté de choix, réduisent la capacité de régulation quand ils ne la contrecarrent pas, et perdent en efficacité. Faute de contre-pouvoirs, ils donnent des moyens de pression considérables, dont celui de bloquer la Collectivité, à une poignée d’individus tentés de l’utiliser à des fins personnelles. Ce que les conservateurs appellent le « démantèlement du service public » n’est jamais que la restitution aux citoyens de leur droit à choisir et le devoir pour le service public d’être régulé.
L’Etat doit responsabiliser les citoyens, ce qui va à l’encontre des intérêts des groupes de pression qui se le sont appropriés. On comprend mieux dans ces conditions les craintes inspirées par le libéralisme.
Ces quelques éléments expliquent ainsi la coexistence de multiples formes de libéralisme, ce qui explique le pluriel du titre -. Elles se caractérisent cependant par l’acceptation comme des faits normaux de la pluralité et du respect des opinions d’autrui comme du refus du dogmatisme, y compris les dogmes présentés comme libéraux (ce qui est un non sens). Par voie de conséquence, une politique sera jugée sur ses effets, non sur des a-priori. Au final, ce qui fonde le libéralisme, c’est le pragmatisme.
A.B. Galiani
C’est long à lire et il faut suivre. Cen’est pas une critique !
En deux mots pour moi, liberalisme c’est plus de liberté.
Ai-je compris ou suis-je dans l’erreur ?
J’ai oublié une chose, toujours si j’ai bien compris, c’est aussi plus de rigueur et de justice de la part de l’Etat.
Il me semble que le libéralisme souffre du même problème que la gauche, à savoir la présence de mouvements extrêmes en son sein.
Le mouvement anarcho-capitaliste me paraît ainsi aussi effrayant que certains mouvements trotskystes (de par la violence qui l’anime).
Concernant les dogmes, il ne me semble pas que ce soit aussi clair. La propriété privée me semble tout de même être érigée en dogme et de ce dogme découlent bien souvent la haine de l’impôt et de l’Etat.
@Rom
L’anarcho-capitalisme est par essence non violent. Les libertariens par exemple sont unis par une attitude bien précise: leur acceptation de la diversité des opinions et des croyances et leur refus d’imposer les leurs aux autres. C’est un bon début non ?
Un peu de culture de base sur le sujet ici : http://www.quebecoislibre.org/ph...
Et ce test bien utile pour se situer sur l’échelle de la tolérance aux contraintes:
http://www.quebecoislibre.org/05...
Après toutes les prises d’otages que nous subissons depuis longtemps, j’ai lu attentivement ce billet, l’ai bien compris et en partage son sens. Pour le bien de la France, ne faudrait-t-il pas ne plus parler de "droite" et de "gauche", mais que des hommes ou des femmes sincères, énergiques et honnêtes unissent leurs efforts et remettent notre cher Pays sur pied.
étant libéral j’ai perdu mes ‘illusions" pour la France
ne commettons pas la même "erreur" que GdeV
ACCEPTONS LES FRANCAIS COMME ILS SONT
et non pas comme nous souhaitons qu’il soient:
-les français de droite ou de gauche sont des "anti-libéraux" forcenés
la plupart admirent Colbert, Louis XIV, Napoleon et Charles de Gaulle:
tous quatre héros et créateurs de la tradition étatique Française
-le patriotisme économique à la française
est le dernier avatar de cette tradition
et il est à l’origine une mauvaise citoyenneté européenne chronique de la France
Félicitations, votre synthèse est très pédagigique. Puissions nous la diffuser très largement.
Elle me fait également penser par association d’idées à le phrase que laissa tomber le génaral de Gaulle à Chirac alors jeune secrétaire d’Etat au Budget qui venazit lui présenter le projet de budget pour 1969. Après une présentation très "énarchique", de Gaulle le coupe et lui dit : "un seul chiffre Chirac, le taux de prélèvement obligatoire ?" Chirac lui répond "33%, mon général", "Parfait, Chirac, car au dessus de 40 %, nous serions dans un état socialiste". Avec 45 % de prélèvements obligatoires, nous y sommes très largement et malheureusement…
" Au final, ce qui fonde le libéralisme, c’est le pragmatisme.". Tout est dit. La France et les Français ne sont pas libéraux. J’en ai fait mon deuil et je suis spectateur à mon corps défendant des rivalités stériles entre dogmatiques et populistes, sous le jeu des ambitions personnelles et des intérêts des minorités agissantes aux dépens du plus grand nombre et de l’avenir du pays.
@Christian Bois,
Le Corrolaire à la Liberté, c’est la responsabilité.
Or, pour beaucoup, il est plus facile de céder à l’infantilisation de maman-Etat.
Si seulement, nos responsables politiques pouvaient nous donner les résultats du Quizz proposé le "Québécois Libre" on saurait mieux à qui on a à faire.
Très déçu par ce texte, qui ne parle pas de libéralisme, mais d’un centrisme marécageux auquel tout le monde pourrait souscrire, sauf les extrêmes, peut-être.
Certes, je suis anarcho-capitaliste, donc j’ai ma vision bien particulière du libéralisme, mais je crois que l’auteur ferait bien de lire le wiki des libéraux pour avoir une vision plus large de ce qu’est le libéralisme :
http://www.liberaux.org/wiki
Dans la série des définitions du libéralisme, je vous propose un texte de Frédéric Bastiat daté du 25 septembre 1848 et qui pourrait encore aujourd’hui servir d’argumentaire.
Ecrit, il y a près de 160 ans, il n’a pas pris une ride
bastiat.org/fr/l_Etat.htm…
Amitiés à toue et merci à Alain Lambert pour cet excellent blog…
Je ne connais pas "A.B. Galiani", par contre, il y a un Abbé Galiani (1728-1787), "mercantiliste", auteur d’un discours sur le commerce des blés :
cupid.ecom.unimelb.edu.au…
Et ce n’est probablement pas un hasard…
Le rédacteur du billet n’est à l’évidence pas M. Lambert qui signe tous ses billets de son nom. Mais comme il accueille sur son Blog les rédacteurs qui s’intéressent à l’économie, il s’agit vraisemblablement d’un pseudo. Profitons en pour lui demander pourquoi Galiani ? car ce n’est probablement pas un hasard en effet.
En France nous avons un régime socialiste qui n’a même pas les (maigres) avantages des régimes socialistes d’avant la chute du mur : plein emploi, crêches d’entreprises etc…
Anarcho-capitalistes : il ne faut pas exagérer, même les USA ne sont pas à 100% "libéraux" ‘au sens français). L’intérêt commun n’est pas forcément la somme des intérêts particuliers.
Mon billet sur le libéralisme a suscité diverses réactions et remarques auxquelles je vais tenter de répondre
Tout d’abord, je demande à Christian Bois de m’excuser pour la longueur d’un texte qui se veut pourtant très synthétique. Mais le sujet peut lui-même occuper des bibliothèques entières, c’était une gageure en soi de le résumer en quelques mots.
S’il est vrai que le libéralisme est fondé sur la liberté des individus, la finalité du libéralisme est l’obtention du bonheur de la Collectivité. Cette recherche du bonheur ne doit pas être confondue avec l’hédonisme, qui est la recherche du plaisir. Ainsi, les philosophes de l’école de pensée utilitariste, d’où découle le libéralisme, se sont demandés au cours des siècles « qu’est ce qui est utile à l’épanouissement du bonheur de l’Homme », pour répondre sa liberté et sa capacité à s’assumer. Cependant, cette liberté peut subir des restrictions, elle n’est pas une fin en soi. Ainsi, ou est l’intérêt d’un enfant qu’on laisserait libre de refuser l’école ? plus sérieusement, peut on laisser une entreprise déverser des déchets toxiques dans une rivière en vertu de la liberté d’entreprendre ? Les libéraux confient à l’Etat le soin de réglementer, en lui demandant 1) d’être efficace et donc de rendre compte 2) de respecter l’égalité des citoyens. De plus, cette restriction de la liberté doit être justifiée et mesurée. Ainsi, l’école obligatoire est une excellente chose, mais refuser la liberté de choix de l’établissement conduit à dégrader la qualité de l’enseignement donc à réduire le bonheur de la Collectivité. L’Etat se doit d’être au service de l’intérêt général, mais cette qualité n’est pas innée, elle s’apprécie au cas par cas.
Christian, ai-je répondu à vos remarques ?
Je partage également la remarque de Breizh06 pour son observation : le paternalisme constitue aujourd’hui l’une des principales dérives de l’Etat qui se substitue aux citoyens.
Pour des raisons évidentes, je ne me suis pas étendu sur le sujet des ultra-libéraux, appelés encore libertariens ou anarcho-capitalistes, qui refusent toute ingérence de l’Etat. Ils font de la liberté la valeur suprême, sans s’interroger sur les conséquences. L’utilitarisme ne fonde pas cette école de pensée (où plus exactement ne la fonde qu’occasionnellement) ; elle est donc éloignée du libéralisme "classique". Pour ma part, j’apprécie l’analyse que fait Hayek du marché en tant que vecteur d’informations mais je ne peux me rallier à l’idée que toute ingérence de l’Etat perturbe négativement ce rôle. Pour exemple, selon les ultra-liberaux, les consommateurs doivent s’organiser pour favoriser les entreprises qui ne rejettent pas de gaz carbonique et donc ne dégradent pas le climat. Cependant, le temps que les consommateurs parviennent à des résultats tangibles, l’irréversible pourra s’être produit.
Que Laure veuille pardonner, à la suite de ces éclaircissements, mon « centrisme marécageux », bien que je pressente son désaccord. J’encourage cependant la lecture de Frédéric Bastiat, en commençant par la « pétition des marchands de chandelle ». On comprend mieux ainsi comment ceux qui prétendent défendre l’intérêt général servent d’abord leur propre intérêt.
Chapeau à Gem et à Gérard, qui ont percé mon pseudonyme. En effet, j’ai souhaité ainsi rendre hommage à un personnage du Siècles des Lumières, qui fut un « honnête homme » dans l’acception de cette époque. A la fois économiste et homme politique (Ministre des Finances du Royaume de Naples), il fut un ami des Encyclopédistes français. Peut être s’est il parfois trompé dans ses analyses, mais il a eu le mérite de chercher pour agir et de refuser les lieux communs quand tant d’autres se contentaient d’idées toutes faites. Bref, un LOLFeur avant la date !
Pour moi, le libéralisme, c’est moins d’état et une économie plus ouverte. Le libéralisme économique a été mis en oeuvre dans d’autres pays par des hommes politiques de tous bords : des conservateurs, comme Reagan et Thatcher, qui ont peut être d’ailleurs donné une très mauvaise image du libéralisme, des libéraux, comme au Canada, ou des sociaux démocrates, comme dans les pays scandinaves.
La France avec son état tentaculaire et omnipotent et son dirigisme économique est bien loin d’être un pays libéral.
Il faut par ailleurs arrêter, comme on le fait en France, d’opposer libéral et social. Le libéralisme est l’opposé de l’étatisme et du dirigisme.
@ A.B Galliani
"Pour exemple, selon les ultra-liberaux, les consommateurs doivent s’organiser pour favoriser les entreprises qui ne rejettent pas de gaz carbonique et donc ne dégradent pas le climat. Cependant, le temps que les consommateurs parviennent à des résultats tangibles, l’irréversible pourra s’être produit."
Un exemple simple, celui de l’utilisation de l’éthanol au Brésil par la culture de la canne à sucre. C’est le marché et lui seul qui détermine son utilisation par la majorité des consommateurs, car le produit à la pompe est 50% moins chère que le pétrole. Pas besoin de prendre des mesures gouvernementales, ni de subventions pour arriver à de tels résultats, on laisse simplement les producteurs produire et les consommateurs consommer. Nous préférons en France justifier l’augmentation des taxes pour mettre en oeuvre une politique suivant le principe du "pollueur-payeur", résultat, nous stagnons et sommes même très en retard sur la développement des bio-carburants par rapport à certains pays Européens.
Je suis totalement d’accord avec Grosblaireau pour dire que les principes liberaux inspirent aujourd’hui largement la social démocratie suédoise !
Le message original dit : "Le libéralisme, c’est aussi une conception de la régulation …etc… ". Pourrait-on plutôt parler d’un Etat "facilitateur" plutôt que "régulateur" qui évoque le drame de l’épaisseur du Code du Travail. Est-ce en effet son rôle que de fixer les détails des modalités contractuelles entre un patron de salon de coiffure et son apprenti ? de fixer d’autres règles pour les charcutiers ? etc… même chose pour le CPE !
Exemple, je vais sur http://www.travail.gouv.fr et je tombe sur la dernière mise à jour du 16 janvier concernant les jours fériés et les ponts :
«
Les secteurs dans lesquels les caractéristiques particulières de l’activité justifient qu’il puisse être dérogé à l’interdiction du travail des jeunes et des apprentis de moins de 18 ans les jours fériés sont les suivants : hôtellerie ; restauration ; traiteurs et organisateurs de réception ; cafés, tabacs et débits de boisson ; boulangerie ; pâtisserie ; boucherie ; charcuterie ; fromagerie-crèmerie ; poissonnerie ; magasins de vente de fleurs naturelles, jardineries et graineteries ; établissements des autres secteurs assurant à titre principal la fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ou dont l’activité exclusive est la vente de denrées alimentaires au détail. «
Bon sang de bonsoir, mais ils ont pas autre chose a penser ?
Par ailleurs je signale un quizz du même type que le précèdent sur http://www.politopia.com ainsi que les excellents articles du Citoyen Durable citoyendurable.blogspot.c…
@philippe
Erreur, Philipe !!! Et même double erreur !!!
L’éthanol au Brésil, c’est d’abord une politique d’état commencée dans les années 70 (je ne suis pas sur de la date exacte), à grand coup de réglementations draconniènes imposant des niveaux d’incorporation très élevés d’éthanol dans les essences, de taxes punitives sur l’essence finançant des subventions massives à la "filière sucre" (déjà excédentaire au niveau mondial !) pour qu’elle se reconvertisse et se développe en production de carburant.
La compétitivité actuelle de la filière éthanol au Brésil n’est pas un produit spontané du marché, elle a a été volontairement construite. Aucun inductriel privé, ni même aucun trust, n’aurait eu les moyens des investissements colossaux nécessaires pour favoriser la transition d’une carburation pétrole à une carburation éthanol par les seules forces du marché. L’état à été utile et nécessaire pour dynamiter la montagne et ouvrir une nouvelle voie au fleuve économique. Même si le nouveau système semble couler de lui-même.
Rien à voir avec un libéralisme pur et dur, mais, au contraire, un magnifique exemple réjouissant notre "A.B. Galiani".
Circonstance aggravante : le pétrole reste nettement moins cher à la source que l’éthanol, pour une raison évidente: le pétrole, on le trouve par terre et il suffit de le pomper, alors que l’éthanol reste une production, qui réclame du travail humain, une culture, une transformation, etc. L’équilibre sur le marché entre l’éthanol et les essences de pétrole résulte du fait que ces deux produits ont la pratiquement même valeur d’usage, aujourd’hui supérieure au cout de production de l’éthanol, mais l’humanité dans son ensemble fait moins de profit avec l’éthanol qu’avec le pétrole (SI on oublie la question du changement climatique, et c’est SI colossal !). L’intérêt de l’éthanol au Brésil est un sous-produit du nationalisme stupide : comme les pays producteurs de pétrole se réservent la rente pétrolière, il devient plus interressant pour les brésiliens de se contruire une rente éthanol, certes moins importante, mais qui est toujours mieux que rien.
Bref : pour "Brésil S.A." il y a un gain, mais il faut être conscient que les brésiliens l’ont payé.
@A.B. Galiani
Ayant lu le texte dont j’ai mis la référence en ligne, je comprend bien le pseudonyme, mais je dois quand même signaler que l’abbé Galiani fonde toutes ses réflexions sur l’existence de pays séparés, ayant chacun leurs propres intérêts économiques, et donc des besoins politiques adaptés. C’est une forme de RealPolitik des plus répugnantes à mon goût, au nom de laquelle il est légitime de gêner les relations économiques du normand avec le hollandais ou le britannique sous prétexte de mieux assurer la subsistance d’un cévenol. JB Say, ancètre libéral, a des mots très dur contre l’abbé. Galiani est un homme intelligent, sincère, bienveillant, mais trop cynique (ou machiavélique : il décrit ce que le souverain doit faire, mais dans les limites de son royaume, et dans son propre intérêt plutôt que celui de ses sujets !). En fait, Galiani traite chaque pays comme une firme qui maximiserait son avantage en minimisant les contraitnes pesant sur ses employés (les habitants) ; sauf qu’on ne choisit pas vraiment son pays, ce qui limite grandement la pertinence de l’analogie.
Le libéralisme implique au contraire un relâchement progressif, jusqu’à l’extinction, des barrières internationales, et tant pis (ou plus tôt : tant mieux !) si ça se traduit par un déplacement des populations des montagnes stériles et difficile d’accès vers les plaines non moins stériles mais facile d’accès ! On peut taxer ce libéralisme de naïveté à l’égard des rapports de force internationaux, et de cruauté à l’égard du cevenol (qui sera servit après les autres et à des prix plus élevés — peut-être même ne sera pas servi du tout ! ), mais c’est lui qui porte la vision universaliste d’une humanité libre, vision totalement absente des reflexions de l’abbé.
Galiani et Bastiat ne jouent pas dans la même cour.
@A.B. Galiani, bis
1) mes enfants vont à l’école avec joie, et ils s’insurgent eux-mêmes si jamais la voiture démarre avant qu’ils aient bouclé leur ceinture. Pour moi, votre exemple de l’école obligatoire n’a aucun rapport avec la choucroute. Ce n’est pas parce que l’école (ou la ceinture de sécurité) est utile qu’il est nécessaire ou légitime de la rendre obligatoire : c’est un peu comme si on parlait de "nourriture obligatoire" : quelle serait l’avantage social d’une telle réglementation ??? il n’y a actuellement aucune réglementation qui impose les airbags et l’ABS et pourtant les voitures qui en sont dépourvus se raréfie à grande vitesse. Historiquement, d’ailleurs, l’école obligatoire a été plus nuisible qu’utile : elle a été instaurée alors que presque tous les enfants allaient déjà à l’école, et elle était une machine de guerre religieuse. Il y a là un véritable péché originel qui est, selon moi, la source des principaux problème du Mammouth (son organisation archaique, ses dogmes, son engagement politique, sa prétention, son décalage avec le reste de la société et spécialement le monde économique, etc.).
2) de même votre exemple de l’entreprise polluante est tout aussi irrecevable. Même le plus extrêmiste des anarcho-capitalistes vous dira que la liberté d’entreprendre n’exonère pas des nuisances qu’on cause à autrui, et le fait de déverser dans une rivière des déchats toxiques constitue une aggression à l’égard des riverains ; en France, un pouvoir judiciaire majeur et vacciné, qui en a vu bien d’autres, traite ça les doigts dans le nez avec le code Napoléon (avec quelques délais, certes…). Votre exemple est sans objet, à moins de confondre le libéralisme avec une anarchie délirante même pour le plus sectaires des anarchistes (pour eux, ce que vous décrivez relève plutôt de l’anomie que de l’anarchie).
Le point difficile, avec la pollution, c’est de la définir et de se mettre d’accord sur ce qui est, ou non, de la pollution. "déchet" et "toxique" sont deux notions complexes, à preuve les circonvolutions nécessaires dans les réglementations pour définir les déchets, ou les hurlements des plus pauvres lorsqu’on prétend fermer les décharges pour tout incinérer, quand à la "toxicité" n’en parlons même pas tellement c’est relatif. Il y a là des batailles de doses, de nature (une bouse de vache, l’odeur d’urine, le sable qui tombe parfois du Sahara, les ondes électromagnétiques, les OGM, le CO2 dansl’atmosphère : tout cela est-il, ou non, de la pollution ?), et même de nature symbolique. L’état ne nous est d’aucun secours, la réponse se trouve dans un cocktail de recherche, de jugements judiciaire, de rapports de force économiques et démocratiques, de religion et de croyances etc. et tout cela est bien mouvant. Conséquence : en la matière, l’état n’est pas plus prompt que les consommateurs.
Et notez bien qu’aucune doctrine politique, c’est-à-dire définissant l’organisation sociale, ne permet de définir la pollution (en mettant à part l’écologisme, qui n’est pas à proprement parler une doctrine politique, mais plutôt un dogme religieux, pour ne pas dire sectaire)
Ce n’est pas avec des exemples pareils qu’on peut définir le libéralisme, c’est à dire préciser sa spécificité par rapport à d’autres écoles de pensée. D’où l’accusation (peut-être un peut lourde) de "centrisme marécageux".
@ Philippe,
Je ne suis pas certain que le coût des bio carburants soit plus faible en Europe que celui des produits pétroliers. Nous sommes bien en présence d’une externalité : un carburant pétrolier peu cher mais produisant une nuisance subie par la Collectivité. L’intervention de l’Etat doit conduire à la prise en compte de cette externalité. En revanche, ceci ne peut justifier l’éventuelle "étatisation" (que l’on me pardonne ce néologisme) des sociétés pétrolières.
@gem
"mais l’humanité dans son ensemble fait moins de profit avec l’éthanol qu’avec le pétrole (SI on oublie la question du changement climatique, et c’est SI colossal !). L’intérêt de l’éthanol au Brésil est un sous-produit du nationalisme stupide : "
& @A.B. Gallani
"Je ne suis pas certain que le coût des bio carburants soit plus faible en Europe que celui des produits pétroliers. Nous sommes bien en présence d’une externalité"
Je crois qu’il ne faut pas raisonner qu’en terme de coût, de rentabilité ou de nuisance, entendue ici au sens de pollution, je pense.
Dans les années 60, si on avait raissonné uniquement en termes de coûts et de rentabilié, la France n’aurait pas construit une seule centrale nucléaire et en serait restée aux centrales themiques au fuel.
Il faut aussi raisonner en termes d’indépendance des pays producteurs de pétroles qui se servent non seulement de cette manne pour s’enrichier – ce qui n’a rien d’infamant – mais aussi et surtout pour influer sur la politique de la France, de l’Europe et de tout l’Occident avec des conséquences catastrophiques dont on commence à voir les effets particulièrement depuis quelques mois.
Voilà un exemple parfait de nécessité d’intervention de l’Etat car la somme des intérêts particuliers dans ce cas ne peut pas aboutir à une solution viable à long terme ; j’en suis d’autant plus à l’aise pour le dire que je suis une ultra-libérale au sens français.
L’éthanol serait une solution d’attente à court terme pour remplacer au moins en partie le pétrole que nous mettons dans nos voitures (les USA s’y mettent à fond ; cf. le discours de Bush sur l’état de l’Union : voilà un cas où l’Etat – ici US – donne l’impulsion), en attendant de nouvelles découvertes qui nous permettront de cesser d’utiliser ce procédé archaïque consistant à faire du feu dans un moteur de voiture pour le faire tourner.
Merci de vos remarques qui enrichissent le débat et montrent combien la notion de libéralisme est plurielle…
1) concernant l’Abbé Galiani, j’ai moi-même écrit qu’il avait pu se tromper dans ses analyses ; mais le personnage est intéressant tout de même ; allez, soyez sympa, laissez moi ce pseudo …
2) concernant l’école obligatoire : vous l’assimilez à l’école de Jules Ferry, qui effectivement a été le moyen de chasser l’Eglise de l’enseignement, d’asseoir la République – mais au détriment de la démocratie – et de préparer l’armée de 14-18 ; en revanche, je ne partage pas votre affirmation de l’école obligatoire plus nuisible qu’utile ; je crois bien au contraire cette obligation comme découlant des Droits de l’Homme car elle fonde la responsabilité des citoyens, condition première d’une société libérale ; ce qui est anormal, c’est la quasi interdiction faite aux citoyens de choisir leur école … En Grande Bretagne, Tony Blair est en train de mettre le public en concurrence avec le privé, ce qui est également le cas en Suède ;
3) en effet, l’anarcho-capitalisme n’autorise pas de nuire à autrui ; en revanche, un libéral considère que l’Etat, ne serait ce que par un phénomène d’apprentissage (en constatant ce qui a pu se passer ailleurs par exemple) peut être efficace, ce qui fait bien sur hurler un libertarien. A ce titre, la lutte contre la pollution, et sans entrer dans les détails fort intéressants que vous apportez, éclaire fort bien l’écart entre libéraux et libertariens. En revanche, je me garde bien d’affirmer que l’intervention publique est systématiquement plus efficace que l’action des citoyens (qui entre dans le cas de la régulation) …
4) … mais j’imagine que cette dernière phrase me ramène à mon « centrisme marécageux » … Que voulez vous, je veux être didactique, sans doute une déformation de mon passage dans l’Enseignement. Ceci dit, les interventions des bloggeurs permettent très vite d’enrichir le débat.
Cordialement
@A.B. Galiani
1) le pseudo
je ne me sens aucune légitimité pour vous interdire un pseudo (sauf Gem, evidemment !), et dans l’ensemble l’abbé reste un personnage interressant, qui me semble plus évolué que beaucoup de nos contemporains.
2) l’école obligatoire
Encore une fois : l’histoire enseigne très clairement que l’obligation scolaire n’a été que très marginalement un facteur d’instruction, mais surtout (et au contraire) une façon de contrôler et éviter la diffusion d’une instruction indépendante, non soumise aux buts de l’état. L’obligation scolaire c’est ni plus ni moins qu’un contrôle parental de l’état sur le peuple. Une façon de contrôler ses lectures, de s’assurer qu’il en, et des "bonnes".
* Mais le peuple n’est pas un gamin. Pour faire ce qu’on veut de lui, il faut tout un appareil. Qui dit "obligatoire" dit : "contrôle" et "sanctions", ainsi que "contrôleurs" muni de "pouvoir" et qui, forcément, commettront des "abus" : "corruption", "privilège", "détournement" (propagande, dans le cas de l’école), etc. Et tout cela sans résultat, car, encore une fois, le peuple n’en fait qu’à sa tête. Le prix social à payer est absolument colossal, et, en plus, il est payé en vain . Et la mauvaise instruction publique n’est que le dernier avatar de ce prix.
* l’école est une obligation de moyens, pas une obligation de résultats.
La liberté de choisir son école, c’est un peu comme si vous proposiez au conscrit de choisir sa caserne : c’est un progrès indéniable, mais ça ne change pas fondamentalement la chose…
Mieux vaut abolir la conscription scolaire, et vous verrez que non seulement les élèves ne seront pas moins instruits, mais qu’il y aura même moins de pertes.
3)
Il y a un moment où la liberté absolue, "libertarienne", ne permet pas de résoudre un conflit, parce qu’on est en présence de conceptions radicalement opposées. Dans ces cas là, il y a une des parties qui s’estime victime d’une agression qu’il faut faire cesser, tandis qu’en face on considére que la situation est normale et que ce sont les mesures proposées qui constituent une agression. Et là, il faut une autorité qui s’impose à au moins une des parties en présence (et souvent plus, pour une solution médiane qui n’a pas pu être obtenu par compromis). C’est le cas pour la pollution, objet flou et mouvant, et plus généralement pour toutes les choses juridiquement sans maître et donc sans responsable. Mais cette procédure de décision est toujours une violence et donc toujours mal acceptée : l’état moderne est, par définition, le lieu de la violence. Moins on y a recours, mieux on se porte.
Je faisais remarquer plus haut que le tort théorique de l’Abbé Galiani était de considérer les pays et les états comme des données intangibles. Inversement, comme le fait remarquer Alix, on ne peut pas non plus faire comme si ces choses (et d’autres, comme les religions) n’existaient pas : ce serait de la naïveté et de la faiblesse.
Cher Gem, merci de vos observations. Vous aurez compris que je ne partage pas complètement votre vision de l’école obligatoire. Ceci dit, il y a un nombre infini de positions où mettre le curseur entre « tout » et « rien », ce qui explique que le libéralisme est indissociable du débat. Néanmoins, je comprends fort bien ce que vous voulez signifier et sur le fond, nous pouvons avoir une perception proche.
Merci de me laisser le pseudo de A.B Galiani, là aussi vous avez fort bien compris en quoi le personnage de l’abbé méritait l’attention.
Cordialement