C’est par cette jolie formule que La Lettre du Cadre Territorial du 15 mars dernier appelle notre attention sur la décision rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 21 septembre 2005, en matière de délit de favoritisme, dont le contenu ne manquera pas de susciter un climat d’insécurité juridique préoccupant pour les élus et les agents publics, s’agissant du champ matériel du délit qui se trouve considérablement élargi par cette décision.

La lecture de l’arrêt (Cass. crim., 21 septembre 2005, n°04-83868) semble en effet ouvrir des horizons juridiques particulièrement nouveaux aux plaignants et aux autorités de poursuites (dont on connaît en pratique la fertilité de leur imagination…), qui n’auront plus à rechercher lequel des textes précis du Code des marchés publics a été violé pour fonder des poursuites, et pourront tout simplement s’appuyer sur l’actuel article 1er du Code des marchés publics, posant le principe général d’égalité de traitement des candidats.

Et l’on peut craindre que l’imagination fertile d’un concurrent évincé, ou même d’enquêteurs peu coutumiers des règles du Code des marchés publics, n’amènent ces derniers à s’engouffrer dans la brèche ainsi ouverte.

Tous les ingrédients juridiques semblent donc réunis pour les pires mises en cause pénales : celles qui sont floues dans leur contenu !

Il serait temps que le législateur précise de nouveau que le délit de favoritisme n’est qu’un délit sanctionnant le fait de favoriser une entreprise. Comme Président de l’Association des Maires de l’Orne (qui regroupe la totalité des Maire du département quelle que soit leur sensibilité politique), je n’ai jamais caché combien je regrette que ce délit ait été introduit dans le Code des Marchés Publics, alors que notre Code Pénal est déjà si riche de dispositions pour sanctionner les élus indélicats ou malhonnêtes. Résultat : la commande publique coûte aujourd’hui 25 % plus cher que la commande privée.

Pour la sécurité juridique de l’acheteur public et des marchés conclu par les collectivités, le législateur, doit en effet préciser de nouveau que le délit de favoritisme n’est qu’un délit sanctionnant le fait de favoriser une entreprise, laissant ainsi le cas de l’éviction irrégulière à son juge naturel, à savoir la juridiction administrative, et pose comme condition de constitution du délit l’existence d’un effet déterminant de la violation du texte précis reproché sur l’attribution de la commande en cause, afin d’écarter tous les cas de violation de pure forme sans incidence sur la dévolution des marchés.

Par cette décision, la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui s’inscrit dans une série de décisions marquant le dévoiement certain du délit de favoritisme en élargissant considérablement son champ d’application. Le législateur doit faire cesser une pratique maintenant bien répandue d’instrumentalisation du juge pénal à des fins politiques, et au préjudice de la Sécurité juridique de l’acheteur public et de ses représentants.

Lire l’article de Maître Levent Saban Avocat au barreau de Saint-Étienne, associé de la SRLARL Cabinet Philippe Petit et associés. Plus spécialement chargé des affaires pénales concernant le conseil et la défense des élus et des fonctionnaires, il est l’auteur de nombreux articles destinés à informer les collectivités et établissements publics sur l’évolution et la pratique judiciaire du droit pénal de la vie publique.