C’est naturellement la question que doivent se poser de nombreux pays dans le monde en voyant les images du Premier Ministre, entouré de son Ministre de l’Economie et des finances, annoncer lui-même la fusion de deux entreprises (dont l’une est certes publique) aux lieu et place des Présidents, pourtant présents, et supposés satisfaits. Je n’ai pas changé depuis hier soir, je ne parviens pas à trouver cette opération géniale. La forme choisie pour son annonce fleure les doux parfums de l’économie de papa, encore toute administrée. Puis les motifs invoqués sont défensifs. Ils donnent le sentiment que les entreprises françaises manquent de confiance en elles, se protégeant de toute tentative de prise de contrôle en allant se réfugier sous l’aile protectrice de l’Etat dont chacun convient cependant qu’il s’est révélé le plus mauvais actionnaire des 20 dernières années dans le domaine concurrentiel.

Politiquement, le discours protectionniste passe plus facilement en France que celui de l’ouverture. En revanche est-il réaliste ? L’avenir des emplois français ne se construira pas exclusivement sur le marché français. Il nous faut vendre à l’extérieur, nous installer à l’étranger, y acheter des entreprises. Pour aller chez les autres, pouvons-nous sérieusement croire que nous pouvons interdire aux autres de venir chez nous ? Comme en sport, pour gagner, il faut savoir jouer en attaque et pas seulement en défense.
J’entends monter le discours sur le temps des géants qui désormais s’impose. Certes. Dans le domaine de l’énergie plus encore qu’ailleurs. Mais les géants doivent-ils être français ou européens ? La question n’est pas tout à fait mineure car la France à l’échelle du monde ne pèse que ce qu’elle est face à la Chine, à l’Inde, sans parler de l’Amérique. Puis EDF qui se disait prête, la semaine passée, à des opérations majeures d’acquisition en Europe devra expliquer que ce qui vaut pour elle ne vaut pas pour Suez dont le destin franco-français serait sans doute d’intérêt mondial ? Enfin, s’agissant des salariés, je persiste à croire que l’économie de marché totalement assumée, l’économie libre leur offrira de meilleures perspectives qu’une économie administrée qui a conduit à une croissance atone, un chômage de masse, des déficits excessifs et un endettement abyssal.
On me rétorquera qu’il ne s’agit pas d’une nationalisation. Nous allons cependant placer une grande entreprise privée comme Suez dans le champ de l’influence étatique. Et je ne parviens toujours pas à trouver cela rassurant. J’en demande pardon à ceux que je vais désespérer une fois encore. Mais c’est mon avis et je ne vois pas de motifs d’en changer.

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