Ce 3ème billet consacré à l’interministérialité se veut volontairement prospectif. L’interministérialité est une innovation majeure de la LOLF permettant un pilotage efficace des politiques transversales. Mais n’est ce pas en même temps une transition vers une réorganisation des services ?

Certes, elle a un coût de mise en oeuvre : coordination des actions, des services au niveau central et opérationnel, mise en place de comités de pilotage interministériel ou encore d’outils de mutualisation des moyens tels la délégation de gestion ou la délégation interservices au niveau local. Toutes ces procédures de coordination et de pilotage permettent certes une gestion efficace et rationalisée des politiques transversales. Mais posons nous la question de savoir si cette politique transversale ne pourrait pas, tout autant, être mise en oeuvre de manière encore plus efficace, et donc à moindre coût, au sein d’une structure interministérielle ? Ou plus simplement encore par un seul ministère après réorganisation des services, et là encore, à moindre coût .

L’interministérialité n’est-elle pas, au fond, une solution transitoire qui doit, à terme, déboucher sur une réorganisation des services, notamment dans le cadre d’une procédure de révision des programmes, et conduire à une suppression de son caractère interministériel ? Pour ma part, je suggère de ne pas considérer la structure interministérielle comme une solution définitive et ce, d’autant plus, quand elle masque un certain conservatisme dans l’attribution des compétences entre différents services. C’est d’ailleurs ce que soulignait H.Guillaume, dès 2001, lors de son audition par la Commission des Finances du Sénat à l’occasion des travaux préparatoires à l’adoption de la LOLF : « (L’interministérialité) cache parfois le refus de trancher sur les structures ou d’avoir des responsabilités claires. Il faudrait identifier ce qui est le véritable interministériel de ce qui est le fait de ne pas vouloir désigner, pour telle ou telle raison, un acteur principal ».

Le compte-rendu de l’audition dans le rapport d’Alain Lambert n°343.

Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple des « Cross-Departmental Public Service Agreements » britanniques, programmes interministériels qui ont largement inspirés nos missions interministérielles. Notons ainsi qu’au Royaume-Uni, un Cross-Departmental PSA, « Welfare to work », a été supprimé en 2002 à la suite précisément d’une réorganisation des services et du transfert de certaines compétences en matière d’emploi du Ministère de l’Éducation au ministère du Travail. Si le recours à des objectifs coordonnés entre différents départements ministériels est très fréquent dans le système britannique, le Royaume-Uni n’a en revanche recours aux programmes interministériels que de manière exceptionnelle, quand il n’est pas pertinent de regrouper les services. Ainsi qu’il n’y a au Royaume-Uni que deux programmes interministériels : « The Criminal Justice System » et « Action Against Illegal Drugs »

[lien caduque]

Le rapport Spending Reviews 2002 : PSA White Paper (Introduction 1.8.).

Ne serait-il pas opportun que la France s’inspire de cette démarche ? Et mette en place une véritable procédure de révision des programmes permettant une évolution de l’architecture budgétaire et plus encore une restructuration des services ? C’est d’ailleurs en définitive l’un des objectifs essentiels de la LOLF, principal levier de la réforme de l’État.

Catteau Damien, Université de Lille 2, Laboratoire du GERAP-GREEF.