Nous sommes rentrés cet après midi au terme d’un merveilleux voyage de 6 jours. Vous pouvez lire sur le Blog de Laurent Dejoie sa 1ère analyse. De mon côté, je vous écrirai quelques lignes sur les moments qui m’ont le plus frappé. Ce soir, j’ai plutôt envie de vous faire le récit d’un tout petit incident qui en dit long sur l’importance du dialogue pour réconcilier les sociétés humaines en délicatesse.

Le séjour se passe merveilleusement, chaque jour est un émerveillement. Nos hôtes algériens nous accueillent comme des membres de leur famille. La population que nous croisons est sympathique et chaleureuse. Puis arrive le moment ingrat du retour et des longues attentes à l’aéroport. Les autorités qui nous pilotent, sans prendre garde, coupent une file d’attente pour nous faire passer en priorité. Mécontentement immédiat et légitime de tous ceux qui attendent. Anticipant le malaise, nous hésitons, mais le mal est fait, nous suivons le chemin ainsi ouvert maladroitement. Un jeune homme me glisse en passant « non seulement vous ne nous acceptez pas chez vous, mais, en plus, vous voulez passer les premiers chez nous ! ». Je mesure l’injustice qu’il ressent et m’en assure immédiatement en lui demandant s’il perçoit vraiment les choses ainsi, où s’il est simplement mécontent ? Il me le confirme. Le hasard nous place l’un à côté de l’autre dans l’avion, seule l’allée centrale nous sépare. Je n’ose engager la conversation. Un de mes amis, plus courageux, le fait et je vois qu’un contact souriant et cordial s’établit immédiatement. Je me lance alors à mon tour et nous échangeons longuement. Il m’explique posément, sans rancoeur, combien, malgré les nombreux diplômes dont il est titulaire, il ne se sent pas accepté dans notre société. Il est d’ailleurs parti travailler à Londres. Sa femme le rejoindra bientôt, pour les mêmes raisons. Tout ce qu’il me décrit est à l’évidence la réalité de la société fracturée dans laquelle nous vivons. Pourtant, au fil de la conversation, nous mesurons combien nos incompréhensions mutuelles s’accroissent par l’absence de dialogue. Par le fait que chacun n’est plus considéré dans sa personne mais en fonction de ses origines ethniques, sociales, pourquoi pas religieuses. Nous nous amusons en constatant que notre « prise de tête » dans la file d’attente avait immédiatement dérivé parce qu’ils étaient algériens et que nous étions français. A cause de tous les présupposés qui hantent nos esprits. Alors que nos nationalités, au fond, n’y étaient pour rien, nous avions été discourtois, cela aurait pu être le fait de tout autre. Nos longs échanges pendant le voyage nous ont permis de constater que nous étions d’accord sur tout. Que le respect mutuel, le dialogue, la joie de vivre ensemble manquaient à nos vies. Qu’il ne fallait cependant pas céder au découragement et que chacun se devait de faire un effort pour aller à la rencontre de l’autre et essayer ensemble, tous ensemble, de construire un monde humain. A l’évidence le contrôle des papiers a été plus long pour lui que pour moi, mais la providence des tapis roulants lui a offert sa valise avant que je n’aperçoive la mienne. Il est parti le premier après m’avoir salué chaleureusement. Nous en avons conclu ensemble qu’il existait quand même une certaine justice. C’était la fin d’un très beau et fécond voyage.