Dans le cadre des travaux permanents que nous menons, Didier Migaud et moi, sur la LOLF, nous avons souvent noté que l’expérience du Canada et de la Suède était riche d’enseignements. Nous nous sommes souvent demandé si la création d’un organe indépendant de l’exécutif, adossé au Parlement, et qui pratiquerait en continu l’audit des finances publiques et des propositions budgétaires (à la manière du CBO aux Etats-Unis) ne participerait pas du rééquilibrage des pouvoirs entre le Gouvernement et le Parlement en matière de finances publiques. Voici un billet rédigé par une chargée de recherche, excellente spécialiste de la matière, suédoise elle même, sur le NAO suédois.
Le débat qui a précédé la création du Swedish National Audit Office (SNAO) au 1er juillet 2003 a duré une dizaine d’années : loin de devenir une bataille entre partis politiques de droite et de gauche, le Parlement s’est approprié le thème et en a fait un enjeu démocratique. S’il y a désaccord sur le niveau des dépenses publiques, un consensus s’est vite établi sur la nécessité d’un contrôle efficace de ces dépenses.
Depuis sa création, le SNAO oblige les administrations à rester sur le qui-vive. L’administration est avertie très tôt du plan du SNAO indiquant les raisons, les ressources et le planning de l’audit. Lorsque le rapport prend forme, l’administration contrôlée est appelée à donner son avis sur le fond du rapport. Elle doit réagir rapidement : le SNAO lui autorise 14 jours pour répondre. Dans l’étape finale, l’administration a le droit de prendre connaissance du rapport complet et des dépêches destinées aux journaux avant que le rapport ne soit officiel pour ne pas être mise devant un fait accompli.
Par ces dépêches, la presse suédoise est informée très tôt des conclusions des rapports du SNAO. Les média suédois font ainsi pression en faveur d’un meilleur contrôle de la dépense. Souvent, lorsque le sujet traité est important, un rapport crée un véritable raz-de-marée dans la presse. C’est le cas notamment lorsque des gaspillages considérables sont dénoncés ou lorsque le SNAO constate qu’une loi n’a pas produit l’effet escompté ou qu’une politique a des effets contre-productifs.
Les effets de cette procédure transparente se produisent à trois niveaux : administrations contrôlées, SNAO et contribuables. Pour les administrations contrôlées, savoir que leurs failles seront publiées dans la presse est bien évidemment une pression formidable. Difficile pour une administration de ne pas s’améliorer, lorsque les contribuables, les parlementaires et la presse sont informés des critiques. Pour le SNAO, les articles dans la presse sont effectivement une bonne publicité pour son travail. Quant aux contribuables, ils éprouvent tout simplement le sentiment qu’ils sont bien informés de l’utilisation de leurs impôts.
Autre élément d’ouverture : le SNAO procède très souvent par sous-traitance. Un auditeur peut choisir de demander à un cabinet d’audit privé d’assurer un certain nombre de tâches -réaliser une enquête, des interviews ou traiter les informations données par une administration. D’ailleurs, de nombreux auditeurs du SNAO viennent du secteur privé, avec des expériences professionnelles du métier d’audit. Les modes de recrutement sont tout à fait comparables à ceux en vigueur dans le secteur privé: petites annonces dans les quotidiens et sur des sites Internet. Le SNAO regarde tout simplement la formation et l’expérience professionnelle du candidat. Si la suite des entretiens d’embauche se passe de manière satisfaisante, le candidat peut être embauché pour une période d’essai de six mois. Il y a au SNAO des profils plutôt diversifiés : experts d’audit du privé, anciens employés de ministères, jeunes diplômés, économistes…
Deux ans après la création du SNAO, le bilan est positif : les rapports du SNAO sont tous discutés au Parlement, la presse suit de près leur publication, en les vulgarisant parfois, et le contribuable suédois est informé de l’efficacité de l’utilisation de l’impôt. Le Parlement suédois joue aujourd’hui pleinement son rôle de contrepouvoir face à l’exécutif.
Mr le senateur
Cher alain Lambert
Réforme de l’Etat : le cas suédois pourrait-il inspirer la réforme en France ?
Personnellement dans leur approche des problèmes, j’en reviens toujours a cette fameuse théorie de Max Webber qui établissait en 1905 une relation entre protestantisme et développement du capitalisme.
Dans un pays de tradition historique catholique, les mentalités, les réflexes naturels sur beaucoup de problèmes, immigration, structure de la société, rapport a l’argent etc , ne sont pas les même que dans un pays a tradition historique protestante .
Ainsi en France, la libre concurrence n’est pas un mécanisme naturel, qui va de soi. On préfère parfois s’arranger entre amis. Alors que dans un pays de tradition protestante c’est plus naturel.
Essayer d’importer un mode de fonctionnement spécifique de l’un dans l’autre et toute la société se lèvera debout pour crier au scandale. Ainsi en France le mot libéralisme est hérétique alors qu’aux USA ou en suède il est le fondement de l’économie.
voir :
(http://www.ac-rouen.fr/hist-geo/...
extrait : La construction européenne : modèle catholique ou modèle protestant
Le modèle protestant, Il est plus citadin, plus attaché à la liberté individuelle et moins ancré dans le collectif. Cet individualisme s’inscrit dans le domaine politique dans lequel on n’essaie pas d’imposer ses vues et principes à l’ensemble de la population. La théorie de Max Weber qui établissait une relation entre protestantisme et développement du capitalisme reste marquée. La relation libéralisme politique/libéralisme économique est importante pour les protestants.
Voir aussi sur le même thème le livre de A Peyrefitte << la société de confiance >>.
( http://www.amazon.fr/exec/obidos... )
<< la condition essentielle ne se trouve pas dans les deux facteurs capital et travail, mais dans l’évolution des mentalités qui, loin d’en découler, en est à l’origine. Le ressort du développement, c’est la constitution d’une société de confiance, confiance que l’État accorde à l’initiative individuelle, et surtout confiance que les individus accordent à l’État, se reconnaissent entre eux et se font à eux-mêmes. Contrairement à la société de défiance gagnant-perdant, "société propre à la lutte des classes (…), la société de confiance est une société en expansion gagnant-gagnant, société de solidarité, de projet commun, d’ouverture, d’échange, de communication">>
avec début de débat sur ce thème : livres a lire … sur le blog de Mr Bilger.
http://www.blogbilger.com/blogbi...
amicalement
à Mr Alain Lambert,
voulez-vous dire que l’appareil administratif français n’ PAS d’audit:
-ni interne
-ni externe ?
à quoi serventt les Cours de Comptes nationale et régionales ???
mais bien sur! alors, faire au moins une économie en supprimant la cour des comptes! ou en changer le statut
lire la lettre ouverte de christina Blanc dans Le Monde ou le site Pourquoi pas…….
A Leclerq,
« Le cas suédois pourrait-il inspirer la réforme en France ? ». Je crois qu’il le fait déjà ! De nombreuses innovations de la LOLF trouvent leur inspiration dans les exemples étrangers : Nouvelle-Zélande, Canada, Suède entre autres… Pour la Suède, par exemple, le système d’agences n’est pas sans lien avec la déclinaison opérationnelle des programmes (même si l’inspiration n’est pas sur ce sujet établie). En revanche, elle l’est beaucoup plus s’agissant de la nomenclature par programmes (en suède par secteurs), du droit d’amendement, de la logique de performance (encore qu’ici l’inspiration semble plutôt canadienne) ou concernant le rôle de la Cour des comptes… et je crois que sur d’autres sujets l’exemple suédois pourraient utilement inspirer la France…
A Jpp,
On ne va pas « jouer sur les mots » mais les contrôles de gestion opérés par la Cour et les chambres régionales des comptes sont assez proches des audits externes, non ? Ceci dit, avec la LOLF, les contrôles opérés par la Cour, contrôle de gestion, contrôle de l’exécution de la loi de finances, certification etc. devraient se moderniser pour tendre vers un système d’audits. On peut en tout cas, je le pense, compter sur la Cour pour moderniser ces méthodes et s’adapter à la « nouvelle gestion publique »…
A G.Fradet,
Supprimer la Cour me paraît une pure hérésie. Sans même parler des contrôles mentionnés précédemment, la Cour a des missions fondamentales comme le jugement des comptes patents et le jugement des comptables de fait. Elle pourrait à mon sens avoir également un rôle renforcé concernant la responsabilité des « nouveaux managers ». Son expertise en matière de contrôle des finances publiques est en tout cas un atout considérable… Elle dispose également d’une capacité d’expertise sur laquelle on pourrait très opportunément s’appuyer en matière d’évaluation des politiques publiques.
En bref, on peut certes réfléchir à une évolution du rôle et de la place de la Cour mais il serait surtout opportun de renforcer ces moyens qui sont sans communes mesures avec les équivalents étrangers auxquels on voudrait la comparer, diversifier ces modes de recrutement et lui permettre de sous-traiter… en somme, il faut s’appuyer sur la Cour car le contrôle des finances publiques est un élément clef de la réforme. Supprimer le principal, et, je le pense, le plus efficace, organe de contrôle en la matière me paraît personnellement la bonne solution pour aller droit dans le mur !
D.C.