La première loi de finances « au format LOLF » vient d’être validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre dernier. Celle-ci fera sûrement l’objet de commentaires «autorisés» dans les revues spécialisées. Toutefois, puisque « le vrai de BLOG de la LOLF, c’est le nôtre », soyons les premiers à analyser synthétiquement la portée de cette décision concernant la mise en oeuvre de la Loi Organique. Il ne s’agit pas ici d’analyser rigoureusement l’ensemble de la décision mais uniquement d’énoncer quelques remarques sur certains points de cette décision au regard des principes posés par la LOLF…

1. Tout d’abord, cette décision est intéressante pour ce qu’elle ne contient pas : Contrairement aux dernières décisions, les saisissants n’ont soulevé ni l’insincérité des prévisions ni critiqué la régulation budgétaire. Ce qui ne signifie ni que la sincérité du PLF n’étaient pas contestées, ni que la régulation budgétaire, malgré un récent dispositif d’encadrement, ne continue pas à susciter quelques difficultés relatives au principe de sincérité. Relevons toutefois que le Conseil a toujours rejeté ces moyens en se retranchant derrière « l’absence d’erreur manifeste d’appréciation »…

2. La validation de la transformation en détachements des mises à disposition de personnels de l’État auprès du secteur associatif, concernant la mission « Enseignement scolaire ».

3. Le Conseil estime que les retards et déficience dans l’élaboration des indicateurs « ne sont, ni par leur nombre, ni par leur ampleur, de nature à remettre en cause la régularité d’ensemble de la procédure législative ». On notera que 88% des indicateurs sont disponibles dans le PLF2006. Par ailleurs, les indicateurs sont des éléments d’information (art.51) et non des éléments relatifs à la définition des programmes (art.7). Ces retards et déficiences devront néanmoins « être corrigées à l’avenir ». Ce type de réserve s’applique aussi de manière beaucoup plus critiquable s’agissant du respect des règles de budgétisation posées par la LOLF.

4. L’élaboration de la nouvelle nomenclature. On peut noter deux types de critiques :
– Le découpage en missions/programmes comporte une part de subjectivité. Ainsi l’opportunité de « tracer le périmètre des différentes missions en fonction des politiques publiques mises en oeuvre » et « de choisir de constituer ces missions à partir des crédits d’un seul ou de plusieurs ministères » ressort d’un pouvoir discrétionnaire du gouvernement (art.20 de la Constitution). Le Conseil ne retiendrait sur ce point que « l’erreur manifeste d’appréciation ». Cette décision est somme toute logique mais on imagine cependant assez mal ce qui pourrait constituer une telle « erreur ». A titre d’exemple, notons que le Conseil n’a rien trouvé à redire au choix de regrouper l’activité des juridictions administratives au sein de la mission « Conseil et contrôle de l’État » plutôt que dans la mission « Justice »…
– Le respect des règles posées par la LOLF. Il s’agit ici du caractère mono-programme du CAS « Participations financières de l’État » et du BA : « Journaux officiels ». Si le Conseil estime que les missions ne sauraient être mono-programmes, il n’a pas prononcé de censure indiquant seulement que ces missions « et les nouvelles règles organiques devront être mis en conformité à compter de l’année 2007 »… On peut se montrer relativement critique sur cette position (d’un simple point de vue juridique) : Le Conseil admet le non-repect des règles posées par la LOLF (art. 7) mais préfère « enjoindre pour l’avenir » plutôt que de censurer… Les pouvoirs publics auront donc une option pour 2007 : mettre en conformité ces missions ou, comme le commentaire aux Cahiers l’indique, laisser le « législateur organique intervenir à nouveau pour introduire, dans le cas particulier des comptes spéciaux et des budgets annexes, une possibilité de dérogation à la règle (en effet très contraignante dans le cas des procédures d’affectation prévues par l’article 16 de la LOLF) interdisant les missions mono-programme ». On notera également, même si ce point n’a pas été soulevé par les saisissants, que les fonctions soutiens suscitent les mêmes difficultés.

5. L’affectation des surplus fiscaux de fin d’exercice. Le Conseil censure la possibilité de prévoir l’affectation des surplus relatif à une recette fiscale en particulier (en l’espèce, les impositions sur les produits pétroliers). En somme, le Gouvernement peut ou non prévoir les modalités d’affectation des surplus fiscaux mais, s’il le fait, il ne peut opérer de distinction entre telles ou telles catégories de recettes.

Catteau Damien, Université de Lille 2, Laboratoire du GERAP-GREEF