Plusieurs billets se suivront, ces jours prochains, sur la LOLF. Mon but est d’inviter tous les fonctionnaires qui le souhaitent à s’exprimer librement sur ce magnifique enjeu qui consiste à réussir la mise en oeuvre de notre LOLF pour inventer ensemble la nouvelle gestion publique.
A propos de la performance, j’aimerai recueillir aujourd’hui votre avis sur l’utilité éventuelle d’un tableau de bord commun interministériel ?
Vous semblez nombreux à en exprimer le souhait, sur le terrain, attendu que vous ne disposez pas toujours des outils nécessaires pour répondre à l’esprit de la LOLF. Le suivi et la mesure de cette performance appellent à l’évidence un contrôle de gestion rénové. Cela conduit à la création d’un tableau de bord. Verriez-vous un intérêt à ce qu’il soit proposé interministériel et commun à toutes les administrations déconcentrées ? Ceci de manière à faciliter la lisibilité des informations, la comparaison des données, à aider les administrations centrales à consolider ces données leur parvenant de chaque service déconcentré. Il semble qu’il n’y ait, à ce jour, que peu d’outils livrés par les administrations centrales. Chaque niveau local aménageant ses propres données à sa manière au moyen de simples tableaux excel. Sans évoquer le cas caricatural de la formule « papier », qui ne donnerait pas la meilleure image d’une réforme résolument moderne…. Le but est de renforcer une coordination nationale des outils de mesure de la performance de la LOLF, et de conjurer le risque d’une myriade d’outils n’offrant pas la meilleure compréhension des informations par la représentation nationale.
J’attends vos avis sur le sujet, espérant que vous voudrez bien saisir cette proposition d’échanges spontanés entre nous témoignant de notre volonté partagée de faire réussir ensemble la LOLF au service des Français.
Je ne suis pas fonctionnaire, mais s’il est proposé de répondre, je veux bien participer.
Avoir les mêmes indicateurs de gestion au sein de toutes les mairies, cela me paraît pertinent, mais avoir les mêmes indicateurs entre le ministère de l’économie et des finances et celui des anciens combatants me paraît pas approprié si les indicateurs sont liés à la mission. Par contre, s’il doit exister des indicateurs communs à toutes les administrations, ou "diverses entités chargées de l’action publique – les DECAP", ils doivent partager des définitions communes. Par exemple, si l’on dit, il y a X emplois, qu’est-ce qu’un emploi ? Mais, j’imagine que cela doit être déjà réglé. Tout le monde dans l’administration doit savoir ce qu’est un emploi
Maintenant, le problème des indicateurs de contôle de gestion réside dans la tendance à génèrer des usines à gaz où l’on ne s’y retrouve pas.
Lorsque je conduis ma voiture, je regarde les quelques voyants qui sont sur le tableau de bord pour suivre quelques éléments clés. Maintenant, si vous étudiez l’usure des roulements à billes sur toutes les voitures, l’amortissement des sièges, l’inventaire des vis, il faut d’autres indicateurs.
Quels sont les indicateurs critiques ?
Enfin, ma voiture, je ne la conduis pas avec des indicateurs, mais avec mon cerveau et si je passe mon temps à regarder les indicateurs, je ne vois pas l’arbre qui est devant. Peut-être que l’Etat, c’est pareil ?
Monsieur Lambert,
Vous ne pouvez ignorer que "en dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d’accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de l’obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent.".
La LOLF se veut être un outil de dialogue dense (a fin de performance, ok, ok…) entre le Parlement et les acteurs publics de terrain, lesquels appartiennent tous, comme vous le savez, à des organigrammes redoutablement complexes. Ne voyez-vous pas ici une énorme contradiction ?
Les acteurs de terrain connaissent les situations, tout simplement parce qu’ils les habitent, ces situations. Ils n’ont pas besoin d’indicateurs. Vous êtes maire, me semble-t-il, ne comprenez-vous pas ce phénomène que j’évoque ici dans le dialogue avec une administration plus éloignée que vous du terrain ? Vous, au moins, avez à la fois la légitimité populaire et la liberté d’expression.
Par ailleurs, les acteurs de terrain vivent, chacun dans leur territoire, des situations suffisamment semblables pour déterminer sans trop de difficulté par eux-mêmes, en se cocnertant éventuellement un peu, quoi présenter et pourquoi. Vous autres disposez des associations des maires, non ? A quoi donc vous servent-elles ?
Revenons à vos indicateurs.
Tout d’abord, quel serait le péril que vous demandiez aux administrations plus qu’elles ne sauraient fournir ?
Osez demander, que diable, et n’en veuillez pas trop à ceux qui ne parviendront pas à vous satisfaire, raisonnez en entraineur sportif plutôt qu’en juriste, et daignez apprendre vous-même de ce que vous verrez, des bonnes et des mauvaises surprises.
Osez demander aux administrations, puisqu’elles n’ont pas le droit de s’adresser à vous d’elles-mêmes. Convoquez ceux dont vous estimez avoir besoin. Formulez, demandez, et daignez voir un peu au dela de cette administration centrale qui cherche désespérement à vous cacher que le roi est nu. Croyez-vous que les fonctionnaires ne sont pas, eux aussi, des citoyens, des parents, et parfois, des bénévoles ? Croyez-vous vraiment que les concours ne sélectionnent toujours que les pires ? Croyez-vous que nous sommes vos ennemis, ou, pire encore, de minables planqués ?
Annabelle: Bien entendu, rien n’est aussi simple que vous l’imaginez. Par exemple, vous dites "un emploi est un emploi". Soit. sauf qu’au sens LOLF, ce n’est pas l’établissement d’affectation qui compte, mais la mission. Alors, les représentants syndicaux permanents, je les mets où ? Et les élus toujours absents ? les personnels d’autres ministères hébergés, logés, intégrés par commodité (pour éviter d’attribuer des locaux spécifiques et dupliquer des charges générales). Et les échanges de services entre mairies, associations, administrations ? Et les personnels "prêtés" à d’autres administrations ? Et les chauffeurs ou les techniciens informatiques mutualisés entre 4 ministères dans un même bâtiment ? Et les malades longue durée ? Et les bénévoles ou retraités volontaires bénévoles fournissant un peu d’appoint les mauvais jours ?
Bien sûr, chacun a sa règle de lecture : mais je doute que tout le monde ait la même.
Ceci dit, autant faire des tableaux de bord communs : on comparera des raves et des navets un certain temps, mais au moins, on finira par se poser les bonnes questions.
La LOLF…
Un objet complexe pas si facile à apprivoiser. Dans mon secteur (i.e. l’enseignement), tout est fait pour y parvenir mais cela nous plonge dans des abîmes.
Je vois cela comme une révolution copernicienne. Tout change en même temps. Les repères disparaissent, ceux qui ont été construit par tous les agents tout au long de leur carrière, notamment dans leur compréhension de mécanismes budgétaires déjà passablement compliqués.
Cette réforme est évidemment nécessaire mais, pour aller vite, j’ai un peu peur que ceux qui la mettent en oeuvre soient un peu les disciples bornés des maîtres subtils qui ont inventé le concept. Ils ne saisissent pas toujours le coeur de l’invention. Ils la traduisent en décisions qui la tordent vers ce qu’elle n’est pas.
Ainsi, chez nous, ce sont les "administratifs" qui décident au nom de leur expertise (et de leur envie de s’en mêler) et les "décideurs" (qui regardent la chose sans trop entrer dedans) qui doivent suivre la logique des premiers. Cela conduit actuellement à une définition ultra-rigide des supports, des enveloppes financières (peut être un peu sur le modèle de l’Europe qui oblige aux réformes "douloureuses mais nécessaires…) sans parler des contraintes que tout cela génère dans les relations hiérarchiques entre les niveaux de décisions etc. (le "haut" décide et le "bas" suit mécaniquement, c’est normal, c’est la LOLF)
Pour ma part, je ne suis pas certain d’avoir tout compris. Toutefois, il me semble que pour notre ministère, qui gère essentiellement des salaires, le bon départ serait de penser d’abord une politique des ressources humaines (carrières, glissement retraites etc.) en la reliant aux résultats du système éducatif. (je vais vite, pardon) plutôt que d’entrer "dans le dur" du programme, de la mission etc. sous l’angle trivial de la finance.
Pour l’instant, nous n’entendons parler que de supports, d’enveloppe etc. Les résultats du système sont encore fort foin du regard alors qu’ils devraient sans doute – j’imagine que c’est très compliqué – commander toute la manoeuvre.
Qu’est ce que c’est que cette histoire des fonctionnaires qui n’auraient pas le droit de s’exprimer ?
Vous plaisantez, j’imagine.
Sur le Blog chacun s’exprime sous le nom qu’il choisit et il appartient au modérateur du Blog de savoir s’il met en ligne ou non.
En conséquence, chaque fonctionnaire qui a une idée sur les questions évoquées sur ce Blog comme sur d’autres peut librement faire part de ses idées et il est probable qu’il délivrera un message différent de sa hiérarchie car c’est la vie ; dans le privé comme dans le public d’ailleurs.
Donc, n’allez pas chercher des bonnes raisons pour rester terrés dans votre réserve.
Nous les Français, nous les contribuables, on espère avoir une administration mobilisée, fière et heureuse de nos servir du haut en bas de l’échelle.
Pourquoi pas constituer un réseau des responsables LOLF qui, je l’espère, ont été nommés dans chacune des préfectures ?
Louis: j’insiste : ce sont les textes (Mr Lambert, vous en pensez quoi ?). Or, expliquez-moi comment un fonctionnaire pourrait appeller au respect de la loi sans la respecter lui-même ?
Il y a certes des exceptions : élus, représentants du personnels. Vous conviendrez que ces exceptions ne s’appliquent pas aux fonctionnaires ordinaires. Le cas des enseignants est un peu particulier, puisque "parler" est au coeur même de leur métier.
Enfin, et puisque la justice a décidé que faire grève avec comme seule motif le fait de contester une décision hiérarchique est dans certains cas illégal (décision TGI Marseille) passible dans certains cas de sanctions pénales, les fonctionnaires ne disposent d’aucune possibilité de s’exprimer directement qui ne soit pas passible de sanctions.
Normalement, ce sont les représentants élus des fonctionnaires aux commissions paritaires qui seuls s’expriment. par ailleurs, les cnadidatures individuelles à ces postes de représentants ne sont pas permises. Dans certains cas (encadrement, militaires) les représentants sont choisis par tirage au sort ou décision hiérarchique (qui n’est parfois, en fait, qu’un tirage au sort).
Ceci dit, modifier les textes serait aisé. D’ailleurs, pourquoi n’est-ce pas déjà fait ?
Pensez-vous que nous puissions comparer le fonctionnement d’activités privées (ou d’entreprises publiques) à succursales multiples pour le contrôle de gestion et le système d’information lié à la performance ?
Dans cette hypothèse, il y aurait une formidable démarche d’échange d’expérience à réaliser !
Comme observateur, il m’intéresserait de suivre un débat sur ce Blog entre les gestionnaires oeuvrant en succursales dans leurs relations avec la centrale et aussi mieux connaître les outils qu’ils utilisent.
A ‘agent 2, qui, le vendredi 11 novembre 2005 à 11:13, indique : "j’insiste : ce sont les textes (Mr Lambert, vous en pensez quoi ?). Or, expliquez-moi comment un fonctionnaire pourrait appeller au respect de la loi sans la respecter lui-même" ?
Désolé de ne pas très bien comprendre le sens de la question. Pour ma part, je considère que chaque personne ayant choisi le beau métier de servir le bien commun au sein d’une administration ne peut qu’être totalement dans sa mission en offrant ses suggestions. Vous pouvez compter sur moi pour ne mettre en ligne que ce qui ira dans un sens constructif.
J’ai toujours pratiqué ainsi dans ma fonction de Maire, et les agents quelque soit leur grade ont toujours été invités à donner leur avis et ceux qui sont au contact de la population ont souvent des choses très intéressantes à nous révèler. Je dois dire que cela n’a jamais gêné en quoi que ce soit la hiérarchie.
Comme quoi mon expérience locale m’enseigne plutôt que le dialogue ouvert est le plus propre à une bonne mobilisation des agents et aussi au progrès de l’action publique. AL.
Merci pour votre réponse, Monsieur Lambert. Concevez cependant que, dans le billet suivant, ce que vous demandez est l’expression d’une opinion sur deux échelons hiérarchiques différents d’une même chaîne. Alors, pardonnez la langue de bois et le jeu de rôles : ce sont les textes qui font que les choses sont ainsi.
J’observerais cependant que l’hypothèse d’un transfert de quelques fonctionnaires de la fonction publique d’état vers la fonction publique territoriale avait été évoquée comme un moyen de transférer l’expérience des gestionnaires de terrain sans pour autant contrevenir aux règles existantes (ce qui semblerait pourtant, de prime abord, plus raisonnable)
Antoine: mis à part le fait que l’administration raisonne à la fois en euros, en "secteurs", en "personnes" et en "postes" et pas seulement en euros, la comparaison est recevable. Notamment, des considérations comme qualité de service, (in)satisfaction des clie^Wusagers et de leurs représentants (élus), parts de marché (le service public n’a pas de monopole dans de nombreux secteurs, contrairement à une opinion répandue) sont employés dans le "dialogue de gestion" entre l’échelon d’exécution et l’échelon allocataire de moyens.
Les critères autres que des euros pour les calculs relatifs à l’évaluation du coût découlent de l’application de grands principes de droit (la sectorisation est définie dans le cadre d’un processus juridique formel et ne peut pas être adapté aux réalités contemporaines, par exemple : une frontière régionale est une chose quasi-infranchissable et non négociable), et notamment, de droit des personnes (égalité de traitement des personnes servant l’état, d’où le découplage poste/personne).
En pratique, pour enrichissant qu’il soit, le "dialogue de gestion" (l’appellation consacrée de ce processus) est surtout l’occasion d’apprendre à se connaître et ajuster les analyses, les moyens disposnibles ayant généralement été pré-affectés préalablement au dialogue de gestion par l’administration centrale, le parlement, et le gouvernement. Par ailleurs, plutôt que de satisfaction clientèle, on ferait mieux de parler de gestion de l’insatisfaction.
Monsieur,
Je prends, tardivement, connaissance de vos suggestions sur le volet performance de la LOLF. Je suis très étonné par votre propos sur l’évaluation de la performance qui implique, selon vous, un contrôle de gestion renové. Dans le cas présent, j’émets certains doutes et me range plutôt aux conclusions de Sylvie Trosa, L’évaluation des politiques publiques (les notes de Benchmarking International, janvier 2004), selon laquelle "cette avancée majeure (la LOLF) connait de sérieuses difficultés dans sa mise en oeuvre. Au niveau du ministère, il n’est plus question d’évaluation mais seulement de contrôle de gestion, ce qui est contraire à l’esprit même de programme"(p.19)
Voici deux mois, comme un bon citoyen, j’ai envoyé un "TIP" de paiement aux impots pour une taxe d’habitation et un impôt foncier en province. Le chèque n’est toujours pas encaissé. Il y a plus d’un mois, comme tout mauvais citoyen, j’ai dépassé ( 10 km/h sur autoroute 121 au lieu de 110) et je suis prêt à recevoir la sanction pénale ( avec un petit goût d’amertume, certes). Rien, rien, du côté de l’administration : pas d’encaissement, pas de timbre-amende. Alors, je me suis décidé à téléphoner aux impôts. Un fonctionnaire agréable m’a expliqué que Rennes traite la moitié de la France pour encaisser les impôts. Un sympathique Gendarme m’a dit que Rennes traitait directement les infractions au code de la route concernant les "petites boîtes à images". Le fonctionnaire et le militaire m’ont assuré que Rennes était saturée, engorgée, dépassée et que les problèmes ne cessaient de croître. Je propose donc, une décentralisation et une déconcentration vers la ville de Rennes.