Ce fût une soirée d’émotion. Les élections municipales sont une sorte course épuisante pendant laquelle il nous reste peu de temps pour réfléchir. La ligne franchie, et la victoire acquise, soudain le poids des responsabilités s’ajoute à la fatigue physique.

A peine arrivé à mon étude, le lundi matin, mes collaborateurs m’ont demandé un rendez-vous afin de savoir comment j’envisageais de m’organiser, au motif qu’ils estimaient indispensables que je reste très actif dans l’office. C’était un acte d’amitié mais aussi de grande responsabilité pour moi. Je les ai immédiatement rassurés en leur répondant que j’avais été clair pendant la campagne en annonçant très clairement que je ne négligerai ni ma famille ni mon activité professionnelle.

Le lundi soir, nous avons constitué les commissions et attribué les fonctions d’adjoints au Maire. Déjà, il m’a fallu marquer une forte autorité pour que l’équipage reste uni tout en sachant que la barre ne pouvait être tenue que par un seul commandant de bord. Redoutable exercice où il faut pouvoir concilier reconnaissance à l’endroit de ses amis et leur expliquer que nous avons une œuvre plus importante que chacun de nous à réaliser.

Toute la semaine n’a été que négociations avec nos partenaires puisque j’ai décidé d’accueillir autour de la table du District les secrétaires généraux des chambres consulaires, ce qui a ému les maires de l’agglomération.

J’ai reçu à mon domicile les principaux fonctionnaires de la mairie qui ont demandé à me voir. Je les ai assuré qu’ils pourraient compter sur mon souci de grand respect à leur endroit dès lors que je pourrai compter sur leur loyauté, ce qui s’est vérifié. Aucun agent n’a été mis au placard. J’ai placé dans les services les collaborateurs de mon prédécesseur à l’endroit où il me l’a suggéré.

Le vendredi matin, je siège en commission permanente au Conseil Régional à Caen, et l’élection du Maire a lieu le vendredi soir.

Le protocole a été réglé au millimètre.

L’amitié qui m’unit à Pierre Mauger, mon prédécesseur, facilite grandement l’exercice.

La salle du Conseil est pleine à craquer.

Pierre Mauger fait un mot d’accueil.

L’élection du Maire commence et mes collègues m’élisent sans suspense.

Je suis déchiré entre un sentiment de fierté de devenir Maire dans la ville dans laquelle je suis né 42 ans avant, et le poids immense des responsabilités qui pèse désormais sur mes épaules.

Je prononce un discours appelant au rassemblement de tous, j’invoque l’idée que si les élections divisent, la démocratie doit nous rassembler tous, au lendemain du scrutin.

Après que la séance soit levée, je réunis tous les élus dans le bureau du Maire et leur demande de prendre la mesure qu’ils deviennent tous des personnes publiques soumises à des exigences de responsabilité. Je sens que l’austérité du propos passe moyennement bien, mais c’est mon rôle. Je me souviens des propos bruts de décoffrage «  si vous avez une liaison hors de votre couple, cessez immédiatement, si vous avez des addictions, soignez-les, bref soyez dignes de votre fonction »..

Après un passage éclair dans un cabaret pour fêter un jeune artiste qui vient de publier son premier disque, nous allons diner tous ensemble avec nos conjoints ou conjointes pour nous détendre et partager l’amitié.

Rude journée qui marque toute une vie.

Election du Maire 1989